Bourse

Comment les analystes peuvent vous servir

Les pros de l’investissement boursier et les journalistes sollicitent leurs avis à propos des entreprises et des événements qui font l’actualité en Bourse. Mais comment le travail des analystes financiers peut-il vous servir ?

Bourse

Le travail des analystes en trois questions

Alors que se succèdent les annonces de résultats trimestriels d’entreprises, ça travaille fort ces jours-ci dans les bureaux d’analystes boursiers. Ils doivent satisfaire les attentes d’informations à valeur ajoutée de la clientèle d’investisseurs des firmes qui les emploient, tout en entretenant leurs contacts parmi les hauts dirigeants des entreprises prioritaires qu’ils couvrent. 

Comme investisseur, que savez-vous du travail de ces analystes d’entreprises cotées en Bourse ? Et, à l’instar des professionnels de la gestion de portefeuille, comment leurs avis et leurs rapports d’analystes peuvent-ils vous être utiles ?

À quoi servent les analystes ?

Leur travail consiste surtout à suivre, à chercher et à interpréter adéquatement les informations qui peuvent toucher la valeur en Bourse des entreprises.

Les rapports et les recommandations d’analystes sont destinés surtout aux clients d’importance des firmes de courtage et de financement corporatif qui les emploient.

Cette clientèle est surnommée le « buy side » dans le jargon boursier, parce qu’elle est composée des principaux « acheteurs » de titres de capital ou de dette émis par les entreprises et les institutions publiques.

Ces investisseurs sont aussi les négociants les plus influents de ces titres dans les marchés financiers et la Bourse, ou « marché secondaire » dans le jargon boursier.

« Les analystes sont devenus des points de liaison très importants entre les entreprises cotées en Bourse et les investisseurs, au niveau institutionnel surtout, mais aussi parmi les particuliers », estime Dvai Ghose, directeur de la recherche à la firme financière Canaccord Genuity, qui regroupe une soixantaine d’analystes au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie.

Par ailleurs, le travail des analystes boursiers sert aussi leurs collègues en financement corporatif ou en courtage dans les firmes qui les emploient. Ces firmes sont toujours à la recherche d’occasions parmi les entreprises les plus dynamiques, d’où leur surnom de « sell side » dans le milieu boursier.

Comment fonctionnent-ils ?

Pour dénicher des informations sur les entreprises qu’ils couvrent, les analystes suivent leurs annonces officielles (résultats trimestriels, contrats, transactions, etc.) et leurs documents de gestion.

Il s’agit toutefois d’informations disponibles à tous, avec un potentiel limité de « valeur ajoutée ».

Donc, les analystes priorisent aussi le développement de contacts avec les dirigeants des entreprises qu’ils suivent. 

Ces contacts se nouent lors des téléconférences à l’occasion de résultats trimestriels ou de transactions d’importance, mais aussi lors de conférences d’investisseurs organisées par une entreprise en particulier ou des firmes financières.

« Les analystes sont l’un des publics cibles les plus importants dans les communications financières des entreprises cotées en Bourse. Et le principal objectif de ces communications, c’est de faciliter la meilleure compréhension des affaires d’une entreprise parmi le plus grand nombre d’interlocuteurs, afin notamment de favoriser la juste valeur de ses actions en Bourse », résume Mark Boutet, vice-président en communications financières de la firme de relations publiques National, à Montréal.

Qui les emploie ?

On retrouve des analystes d’actions d’entreprises cotées en Bourse parmi quatre types principaux de firmes financières : 

– les divisions de courtage boursier et de financement corporatif dans les grandes entreprises de services bancaires (le « sell side »), telles que la Financière Banque Nationale, Desjardins Marché des capitaux ou RBC Marchés des capitaux, la Banque Royale.

– les firmes de financement corporatif et de courtage boursier distinctes des grandes banques (aussi le « sell side »), telles que la torontoise Canaccord Genuity.

– les firmes de gestion de placements et les grands investisseurs dits institutionnels (le « buy-side »), comme la Caisse de dépôt et placement du Québec, Investissements PSP ou Jarislowsky Fraser à Montréal.

– les firmes de recherche indépendantes du secteur du financement corporatif, comme la torontoise Veritas Investment Research, dont la clientèle cible se recrute surtout parmi les gestionnaires de placements (le « buy-side »).

Bourse

À quoi ressemble un rapport d’analyste ?

Une part essentielle de la valeur des analystes découle de leur bonne capacité à communiquer, avec rapidité et précision, mais aussi de façon succinte auprès d’interlocuteurs souvent inondés d’informations financières et économiques.

En guise d’exemple, voici la première page d’un récent rapport de l’analyste Benoit Poirier, de Desjardins Marché des capitaux, produit lors du dévoilement des résultats du troisième trimestre de Bombardier.

Fait à souligner : ce rapport est en anglais seulement, comme tous les rapports d’analystes publiés au Canada et même au Québec, en fonction des dispositions de la Loi québécoise sur les valeurs mobilières.

Bourse

Témoignages des pros du placement

Comment les professionnels des placements en Bourse utilisent-ils les avis et les rapports d’analystes ? Les particuliers-investisseurs peuvent-ils en tirer des leçons ? Trois experts témoignent.

« Ce que je trouve le plus intéressant et utile à consulter, ce sont surtout les rapports d’analystes plus exhaustifs sur des secteurs d’activité ou des thèmes de l’actualité comme, par exemple, l’impact d’Amazon sur le commerce de détail. En contrepartie, je m’intéresse très peu aux recommandations (acheter-conserver-vendre) et aux prix cibles en Bourse énoncés dans les rapports d’analystes, au-delà des arguments évoqués lors de changements importants. »

— Bernard Gauthier, gestionnaire de portefeuille d’actions et analyste du secteur financier nord-américain chez Jarislowky Fraser. Cette firme montréalaise gère 39 milliards d’actifs provenant d’investisseurs institutionnels et de fortunes privées. Elle emploie 20 analystes établis à Montréal et à Toronto, ainsi qu’à New York et Calgary.

« Nous gardons un œil sur les rapports d’analystes surtout pour y trouver de l’information et des points de discussions ou de questionnements pour confronter ensuite nos gestionnaires externes. Par conséquent, ce qui m’intéresse le plus, ce sont des informations et des analyses sur l’évolution des affaires des entreprises ou des secteurs où nos gestionnaires de fonds ont investi ou songent à investir. »

— Louis Lizotte, vice-président à la gestion des placements de Gestion Férique. Cette firme montréalaise supervise une dizaine de fonds de placement avec 2,6 milliards en actifs qui sont offerts exclusivement aux ingénieurs québécois et à leur famille proche.

« Nous consultons les rapports d’analystes de firmes externes en complément de notre propre recherche que nous effectuons à l’interne. Surtout pour y trouver des éléments qui peuvent confirmer ou contredire ce que nous pensons de l’évolution des affaires d’une entreprise ou de son secteur d’activité. Aussi, pour y trouver des indices ou des signaux qui nous auraient échappé autrement, et qui pourraient affecter notre perception de la valeur de placement d’une entreprise. »

— Philippe Le Blanc, président et chef des placements de la firme Cote 100. Cette firme de Saint-Bruno gère pour 1 milliard en actifs provenant de ses fonds pour particuliers-investisseurs et de mandats de portefeuilles institutionnels.

Bourse

Une pratique régie par des règlements

Les analystes d’entreprises cotées en Bourse sont régis par deux types de normes ou règlements.

Au chapitre professionnel, la plupart des analystes boursiers détiennent un titre homologué en comptabilité ou en analyse financière qu’ils ont obtenu après avoir eu des diplômes universitaires en administration et finances.

Cette formation universitaire s’élève souvent jusqu’à la maîtrise en administration des affaires (MBA).

Mais le titre professionnel le plus recherché parmi les analystes boursiers est celui de CFA (certified financial analyst). Ce titre est régi par une organisation internationale, le CFA Institute, qui comprend 120 000 professionnels et un millier de firmes financières dans 140 pays.

Le titre de CFA s’obtient en quelques étapes de formation suivies d’examens rigoureux. Ses titulaires adhèrent ensuite à un code de bonne pratique professionnelle dans l’intérêt de leurs clients-investisseurs.

Par exemple, il y a beaucoup de débats ces temps-ci dans les rangs des CFA, des comptables agrées et des régulateurs boursiers à propos de l’usage croissant – abusif, selon certains – des « résultats ajustés » dans les communications financières d’entreprises cotées en Bourse.

Réglementation

Au chapitre réglementaire, comme les intervenants des marchés boursiers, les analystes sont assujettis aux lois et règlements administrés par les gendarmes des marchés dans leur juridiction.

Il s’agit notamment de l’Autorité des marchés financiers (AMF) au Québec et de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO), ainsi que de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM).

Les régulateurs ont à l’œil surtout les risques de délits d’initié (usage ou transmission d’informations privilégiées) et de conflits d’intérêt entre les analystes, les firmes qui les emploient et leurs clients.

C’est pourquoi, dans leurs notes ou rapports à leurs clients, les analystes doivent divulguer l’existence de relations d’affaires de la firme qui les emploient avec les entreprises mentionnées dans ces rapports.

Ils doivent aussi s’abstenir de publier des commentaires ou recommandations sur ces entreprises lors d’un événement majeur – transaction, émission d’actions, etc. – dans lequel leur employeur est impliqué directement comme fournisseur de services financiers.

« C’est important non seulement à des fins de conformité réglementaire, mais aussi pour établir et préserver la crédibilité et la bonne réputation professionnelle des analystes », explique Dvai Ghose, directeur de la recherche et du développement des affaires chez Canaccord Genuity.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.