Agroalimentaire

La face chocolatée des exportations québécoises

La tendance est claire  : depuis le début du millénaire, les entreprises québécoises délaissent progressivement les États-Unis pour se tourner vers d’autres marchés internationaux. 

Cette semaine, nous faisons le point sur la place du chocolat dans les exportations québécoises.

Quelque part en Côte d’Ivoire, une main saisit une cabosse qui vient de tomber d’un cacaoyer. Le geste n’est pas inhabituel en ce début d’octobre : la récolte des fèves de cacao vient tout juste de commencer. 

Bon an, mal an, le pays génère à lui seul environ 35 % du cacao de la planète. Si on ajoute à cette production celle de ses voisins d’Afrique de l’Ouest, le chiffre dépasse les 70 %. 

L’Afrique ne contrôle toutefois pas la transformation des 2,8 millions de tonnes de cacao qu’elle génère chaque année. Bientôt, les fèves seront chargées sur des navires, puis expédiées un peu partout dans le monde, principalement en Occident. Parmi les ports qui accueilleront la précieuse marchandise s’en trouve un qui étonne, celui de Salaberry-de-Valleyfield, tout près de Montréal. 

C’est que le Québec constitue l’un des pôles nord-américains de fabrication du chocolat. Une place que la province doit essentiellement aux installations de Barry Callebaut, à Saint-Hyacinthe. L’usine est la troisième en importance en Amérique du Nord et la deuxième du groupe suisse. Elle emploie environ 500 travailleurs. 

Venant tantôt de Valleyfield, tantôt d’Halifax, les fèves de cacao y sont acheminées pour être transformées en chocolat. Une production qui s’élevait à 175 000 tonnes en 2011 et qui se destine essentiellement à l’industrie agroalimentaire ou à des chocolatiers. 

Grâce à elle, mais aussi à l’écosystème de confectionneurs qui s’est assemblé tout autour, cette usine est derrière des exportations dépassant les 500 millions de dollars annuellement, presque toutes dirigées vers les États-Unis. Environ 90 % de la production de l’usine de Barry Callebaut y est acheminée. 

Le marché québécois représente aussi une chance en or pour ceux qui développent de nouveaux produits à base de chocolat, souligne Jordan LeBel, professeur à l’école de gestion John-Molson de l’Université Concordia. « Le consommateur québécois est friand de nouveautés, dit-il. Et c’est beaucoup plus simple de tester un produit ici que de le lancer sur le marché américain directement. »

Les avantages du Québec

Pourquoi avoir choisi le Québec pour cette production de chocolat ? « Pour plusieurs raisons », explique Jean-Jacques Berjot, directeur commercial chez Barry Callebaut. Outre la devise canadienne qui s’échangeait jadis à 80 cents US, l’accès aux ports a eu une importance « énorme », selon lui. La possibilité de s’approvisionner en poudre de lait aussi. 

C’est toutefois le sucre qui a peut-être pesé le plus dans la balance. Comme pour la poudre de lait, le sucre entre dans la fabrication de certains chocolats. Or, son coût est de loin inférieur au Canada comparativement aux États-Unis, rappelle le spécialiste. En effet, en raison de mesures destinées à protéger les producteurs américains, le sucre coûtait là-bas 1,6 fois plus cher qu’ici en 2012. 

Si des avantages économiques ont contribué à l’implantation de l’industrie, d’autres facilitent aujourd’hui son maintien, selon Jordan LeBel, professeur à l’école de gestion John-Molson de l’Université Concordia. 

« Tous les mécanismes sont en place au Québec pour que la filière se développe », dit-il. Selon lui, un véritable écosystème d’entreprises manufacturières et de confectionneurs de chocolats s’est assemblé tout autour de Barry Callebaut, bâti notamment grâce à la présence d’écoles spécialisées comme l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec et l’Académie du chocolat, à Saint-Hyacinthe.

Principaux pays producteurs de cacao

Les pays de l’Afrique de l’Ouest génèrent l’essentiel des réserves de cacao de la planète avec plus de 70 % de la production mondiale. La situation est toutefois en train de changer. Un nombre grandissant de producteurs délaissent les cacaotiers pour se tourner vers l’hévéa, l’arbre duquel on obtient le caoutchouc.

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