Documentaire

La pratique des sages-femmes expliquée

Quand elle a découvert la nature des interventions des sages-femmes, leur humanité, leur bienveillance et leur présence rassurante auprès des femmes enceintes pendant toute la durée de la grossesse, durant l’accouchement et même après la naissance du bébé, la réalisatrice Claudie Simard s’est demandé : « Pourquoi je n’ai pas eu accès à ça, moi ? »

Le documentaire Sages & rebelles, produit avec Evelyne Lafleur Guy, aura finalement pris trois ans de recherches, d’entrevues et de déplacements pour observer le travail de sages-femmes dans plusieurs régions du Québec – notamment dans la communauté crie de Chisasibi –, mais aussi en Colombie-Britannique.

Et ce qu’on y apprend est plein de surprises. Car que savons-nous réellement du métier ? L’ancienne journaliste confie qu’elle-même ignorait qu’il existe un baccalauréat de quatre ans et demi pour devenir sage-femme. Que ces professionnelles ont un numéro de pratique. Ou encore, qu’elles offrent un service de santé public couvert par la RAMQ.

« Les gens pensent que les sages-femmes sont tellement proallaitement qu’elles vont t’empêcher de ne pas essayer d’allaiter ; ou qu’elles sont contre la péridurale », affirme Claudie Simard – ce qui, à la lumière des témoignages de sages-femmes et de mères qui sont livrés dans le film, ne pourrait être plus éloigné de la réalité.

Un film né d’une quête personnelle

Au Québec, les sages-femmes peuvent accompagner les parturientes non seulement dans une maison de naissance ou au domicile de la mère, mais également dans un centre hospitalier. On comprend cependant à travers le documentaire que leur travail est méconnu même des professionnels du milieu de la santé.

C’est donc avant tout pour mettre la lumière sur le rôle et le terrain de compétences des sages-femmes que Claudie Simard et Evelyne Lafleur Guy ont mis sur pied ce projet né de la quête personnelle de la réalisatrice. Celle-ci amorce d’ailleurs le documentaire en parlant de sa propre expérience – un accouchement dont elle réussit enfin à parler aujourd’hui et qu’elle peut désormais qualifier de traumatisant.

« Combien de fois j’ai pleuré avec Evelyne, confie-t-elle. Les sages-femmes m’ont aidée, elles m’ont apaisée. On a ce besoin de ne pas rester avec cette espèce de boule pas le fun qu’on ne peut pas nommer parce que si on la nomme, c’est accusateur du milieu médical. […] C’est comme si les femmes n’avaient pas d’espace pour juste dire : je ne suis pas bien avec l’accouchement que j’ai vécu. »

Ce film, insiste Claudie Simard, redonne en quelque sorte « un peu de pouvoir » aux femmes ; il y a d’ailleurs cette phrase choc – « on va se fier à ton instinct » – qui montre toute la psychologie derrière la pratique des sages-femmes.

« Ça ne fait pas partie de l’approche qui est pratiquée dans le système médical, renchérit Evelyne Lafleur Guy. Les médecins sont capables d’intervenir sur tous les problèmes possibles, mais ils ne sont pas là pour te dire comment tu pourrais te positionner pour faciliter le travail, as-tu pensé à faire ça si tu te sens comme ça… »

La plupart des femmes qui sont sur le point d’accoucher sont dans une position de vulnérabilité, ajoute la productrice, ce qui fait qu’elles ne sont pas en situation de remettre en question l’autorité du médecin ou de refuser certaines interventions.

« La différence avec les sages-femmes, c’est l’accompagnement qu’elles offrent. C’est un service gratuit, qui fait partie de notre système de santé et qui gagnerait à être connu parce qu’il y a tellement de grossesses qui pourraient être suivies par des sages-femmes. [Après l’accouchement], les mamans peuvent les appeler 24 heures sur 24 si elles ont une question sur l’allaitement. Qui n’aurait pas rêvé d’avoir ça ? »

— Evelyne Lafleur Guy, productrice de Sages & rebelles

Sur les 50 heures de matériel réuni pour produire le documentaire de 52 minutes, bien des questions ont dû être mises de côté. Il y a entre autres celle du taux de césarienne, qui ne cesse d’augmenter depuis les années 1990 et qui préoccupe Claudie Simard en raison de l’impact important de cette intervention sur la santé physique et psychologique des femmes.

« Je pense qu’on n’entend pas assez parler, dans l’espace public, des questions qui concernent les femmes, estime Evelyne Lafleur Guy. On les traite toujours de façon secondaire jusqu’à ce qu’il arrive une crise. »

Mais ni Evelyne Lafleur Guy ni Claudie Simard n’ont dit leur dernier mot. Et elles travaillent déjà ensemble sur plusieurs chantiers à venir qui, elles l’espèrent, susciteront tout autant de réflexions et de discussions.

Sages & rebelles est présenté le samedi 4 mars à 22 h 30 sur ICI Télé et sur ICI Tou.tv

Quelques chiffres

232 femmes donnent naissance chaque jour au Québec.

Le Canada compte 1892 sages-femmes, dont 230 au Québec.

4,3 % des naissances sont accompagnées par des sages-femmes au Québec, contre 25 % en Colombie-Britannique.

En tout, il y a 19 maisons de naissance au Québec, réparties à travers la province.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.