Un homme détestable Notre polar estival

Chapitre 23 : Un relevé d’appels

Le portable de Panneton vibra. Un texto de Vincent. « Vais être en retard. Désolé. Allez prendre une crème glacée chez Ben & Jerry’s. La Cherry Garcia, c’est à mourir. »

Panneton leva les yeux au ciel. Comme s’il avait le temps d’aller déguster de la crème glacée.

L’enquêteur ne le savait pas, mais Vincent de Léon avait une bonne raison d’être en retard. Juste avant de monter en BIXI pour aller rencontrer Panneton, Le Dude avait envoyé un texto au journaliste. Sa source lui avait donné rendez-vous. « Urgent, avait-il écrit, à propos de Meursault. »

Deux minutes plus tard, il était dans la voiture de l’enquêteur de police, celui-là même qui lui avait remis cette vidéo de Meursault et de Désormeaux. Le Dude ne semblait pas dans son état normal, celui du flic au-dessus de ses affaires. Vincent ne l’avait jamais vu si nerveux.

– Y s’brasse des grosses affaires, ti-cul. Tsé, mon chum de la GRC ? Celui qui m’a donné la vidéo ?

– Oui.

– Il est dans une équipe qui suit Enzo Battaglia, pour l’enquête dont je t’ai parlé. Il y a un mois, Battaglia est allé à l’archevêché. Ses gars ont découvert qu’il est allé rencontrer le nonce apostolique du Canada. Quand ses boss ont su ça, ils ont capoté. Ils ont ordonné que la filature cesse. Drette là !

Vincent fronça les sourcils. Il raconta au Dude que ce soir où il s’était senti suivi, à L’Île-des-Sœurs, il avait réussi à noter la plaque minéralogique de ses poursuivants. Qu’il avait justement réussi, par un contact, à relier cette plaque à la Nonciature, à Ottawa.

– Qu’est-ce que le bon Dieu vient foutre là-dedans ? dit Vincent.

– Je sais pas, mais le diable s’en doute. Anyway, c’est pas tout. Y a plus bizarre encore. À la GRC, ils ont de l’équipement pas mal sophistiqué. Y ont intercepté tous les appels cellulaires sortis de l’archevêché, pendant que Battaglia rencontrait le nonce. C’est pas légal, y ont pas de mandat pour faire ça, mais ça peut les aider à faire des recoupements, tsé...

– Et ?

Le Dude jeta un coup d’œil nerveux dans le rétroviseur, en tournant sur Sainte-Catherine. Vincent ne l’avait jamais vu comme ça. Le flic semblait hésiter.

– Tu sais que tu peux me faire confiance, dit Vincent.

– Arrête ton petit cirque de journaliste qui cajole une source, ti-cul. T’es pas dans Scoop, pis chu pas un personnage de Réjean Tremblay. Ok, un des appels, c’est le nonce qui l’a fait. À quelqu’un au Service.

– À la police ?!

– À Lessard, crisse !

– Le boss des Homicides ?

– Oui !

Le Dude n’eut pas besoin d’en rajouter. Vincent comprit immédiatement la gravité de cette information. Au moment d’une rencontre entre le Parrain de la mafia canadienne et l’ambassadeur du Vatican au pays, ce dernier avait appelé le patron de la section des Homicides de la police : c’était assez pour faire rouler plusieurs têtes.

– J’ai un contact chez Rouge Orange Telecoms, poursuivit le policier. C’est la compagnie de cellulaire du Service. J’ai demandé le relevé d’appels de Lessard. Tiens, prends ça...

Il tendit une enveloppe à Vincent.

– Tu feras tes checks, ti-cul. Ok, faut que j’y aille. Sors du char.

– Peux-tu me laisser à une station de BIXI, Dude ?

Le sourire espiègle du Dude lui revient au visage, ainsi que ce ton légèrement condescendant que Vincent lui connaissait.

– Une station BIXI ? Tu prends pas des BIXI ! T’as pas de bécyk ?

– Tanné de me les faire voler !

– Ok, mais je veux que tu saches que les gars en BIXI, moi, je trouve que ça a l’air de...

– Tsss, tsss, fit Vincent, laisse ta grosse police pleine de préjugés au poste, Dude !

Le policier immobilisa son véhicule intersection Sanguinet et Sainte-Catherine. Juste avant d’en descendre, Vincent se retourna vers le policier.

– Merci, Robert.

Il ne l’appelait jamais Robert.

– De rien, fit le policier, redevenu bourru. Je peux pas pogner tous les estis de bandits tu-seul...

Vincent descendit, vérifia l’heure sur son iPhone, avisa la station BIXI, tout près. Il avait 25 minutes de retard. Panneton devait déjà être p...

BOUM !

Vincent fut soufflé au sol. Il y eut un moment de vide, un moment qui ne dura qu’une ou deux secondes mais lui en parut mille, un instant où le bruit de l’explosion absorba toute l’énergie de la rue Sainte-Catherine.

Puis, il y eut des cris.

Vincent se releva, groggy. Il chercha la source de l’explosion.

La voiture du Dude, à vingt mètres de là, n’était plus qu’un amas de ferraille en flamme.

Demain

Nathalie Petrowski : Bye Bye Bob

Résumé du chapitre précédent

Le bras retrouvé d’Antoine Meursault fait jaser les pathologistes. Le bras a été prélevé avant l’explosion et il porte un tatouage qui semble évoquer une école secondaire.

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