Paris — La forêt amazonienne brésilienne a rejeté depuis 2010 plus de carbone qu’elle n’en a absorbé, un basculement majeur et inédit pour cet écosystème crucial dans la limitation du réchauffement de la planète, selon une nouvelle étude.
Sans les forêts, qui absorbent entre 25 % et 30 % des gaz à effet de serre émis par l’activité humaine, le dérèglement climatique serait bien pire.
Mais les scientifiques s’inquiètent d’un essoufflement des forêts tropicales, et craignent qu’elles puissent de moins en moins bien jouer leur rôle de puits de carbone.
L’étude, publiée jeudi dans Nature Climate Change, se penche sur l’Amazonie brésilienne, qui représente 60 % de cette forêt primaire.
Entre 2010 et 2019, cette forêt a perdu de sa biomasse : l’Amazonie brésilienne a ainsi émis environ 18 % de plus de carbone qu’elle n’en a absorbé.
« C’est la première fois qu’on a des chiffres qui montrent qu’on a basculé et que l’Amazonie brésilienne est émettrice » nette de carbone, explique l’un des auteurs, Jean-Pierre Wigneron, chercheur à l’Institut français de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.
« Point de rupture »
Avec la fonte des calottes glaciaires, le dégel du pergélisol ou la disparition des récifs coralliens, le dépérissement de la forêt amazonienne fait partie des « points de rupture » identifiés par les scientifiques qui pourraient entraîner le système climatique vers un changement dramatique et irrémédiable.
L’étude met d’autre part en avant la responsabilité méconnue des « dégradations » de la forêt. Contrairement à la déforestation, les dégradations incluent tout ce qui peut abîmer la forêt : arbres fragilisés en bordure des zones déforestées, coupes sélectives, petits incendies, mortalité des arbres liée à la sécheresse.
En utilisant un indice de végétation issu d’observations satellitaires micro-ondes, l’étude conclut que ces dégradations de la forêt ont contribué à 73 % des pertes de carbone, contre 27 % pour la déforestation.
Politique et sécheresse
« Cela montre que la dégradation de la forêt est devenue le principal moteur de la perte de carbone et devrait devenir une priorité politique », estime l’étude.
L’étude montre l’explosion de la déforestation en Amazonie brésilienne en 2019, année de l’arrivée au pouvoir du président d’extrême droite Jair Bolsonaro, mais aussi d’une sécheresse importante : 3,9 millions d’hectares perdus, soit près de quatre fois plus qu’en 2017 et 2018.
L’étude s’arrêtant en 2019, les auteurs appellent à poursuivre les recherches pour faire la part entre l’impact des sécheresses et celui des politiques du gouvernement brésilien, « qui favorise l’expansion de l’élevage au détriment de la conservation de la forêt ».
— Agence France-Presse