Ce que Michel et Sylvie ont en commun avec Noah et Alice

Le palmarès des prénoms de bébés les plus populaires fait toujours jaser. Scoop : Noah demeure en première position pour la troisième année tandis que du côté des filles, Emma glisse au troisième rang au profit d’Alice et de Florence. Scoop numéro 2 : il existe désormais un équivalent pour les nouveaux rentiers du Régime des rentes du Québec (RRQ), généralement des retraités. Michel et Sylvie y trônent au sommet.

Pour la première fois cette année, Retraite Québec dévoile deux palmarès plutôt qu’un dans l’espoir avoué d’attirer doublement l’attention sur son rôle, ses efforts de vulgarisation et surtout sur les prestations qu’elle verse. Même celles qui n’ont aucun lien logique avec sa dénomination, comme les allocations familiales. On ne peut lui reprocher cette stratégie, vu son importance majeure dans la vie et le budget d’à peu près tous les Québécois.

Ça commence dès la naissance. L’an dernier, 3,3 milliards de dollars ont été distribués en Allocations familles à 925 000 parents, au bénéfice de près de 1,6 million d’enfants. La prestation moyenne – non imposable puisqu’il s’agit officiellement d’un crédit d’impôt remboursable – s’élève donc à 3574 $.

Le montant varie en fonction du nombre d’enfants (en garde partagée ou pas), du revenu du ménage et de la situation conjugale des parents. Tous les enfants y ont droit, même les plus nantis nourris avec une cuillère à 215 $ de chez Christofle. Ceux-ci obtiennent le minimum, soit 1163 $ par année.

Les parents qui élèvent leurs enfants seuls ont droit à une « prime ». Il serait bête de passer à côté par négligence. Assurez-vous donc que le bon statut est inscrit à votre dossier.

Les avis qui précisent le nouveau montant à recevoir à compter du 1er juillet ne sont plus systématiquement envoyés par la poste, en mai et juin. Les parents doivent réclamer la version papier s’ils la désirent. Sinon, il faut se rendre sur le site de Retraite Québec pour accéder à ses informations, ce qui requiert un compte clicSÉQUR et parfois une certaine dose de patience pour passer à travers le processus d’identification.

Retraite Québec verse aussi le Supplément pour l’achat de fournitures scolaires de 121 $ par enfant (de 4 à 16 ans au 30 septembre), une autre somme non imposable. Le dépôt se fera en juillet, à temps pour profiter des rabais sur les cahiers Canada et les feuilles mobiles.

Les parents d’un enfant handicapé qui nécessite « des soins exceptionnels » peuvent réclamer un montant additionnel. De nouveaux critères d’admissibilité ont été annoncés ce printemps. Ils seront appliqués aux demandes transmises après le 1er juillet.

Encore une fois, assurez-vous de ne pas passer à côté de cette aide financière par ignorance.

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Les enfants quittent la maison, le temps passe vite et nous voilà à 60 ans, devant la possibilité de réclamer sa rente du RRQ.

Pas moins de 4 nouveaux prestataires sur 10 ne tardent pas une seconde à s’exécuter, qu’ils aient cessé de travailler ou pas.

La proportion de Québécois qui attendent à 65 ans est bien moindre : 23 %.

Est-il encore nécessaire de rappeler que les rentes versées avant 65 ans sont amputées et qu’elles le resteront pour le reste de la vie ? Qu’il vaut mieux, d’un point de vue financier, patienter le plus possible pour contacter Retraite Québec ?

Les calculs ont été réalisés à maintes reprises et le résultat est toujours le même : à moins de mourir jeune, bien avant son espérance de vie officielle, il est plus payant d’être patient. Mais encore faut-il avoir suffisamment d’épargnes et être capable de dormir la nuit en voyant son coussin fondre en attendant ses rentes publiques. Ce n’est pas donné à tout le monde.

Attention, les montants de rentes maximales qui circulent peuvent créer des attentes irréalistes. Mieux vaut connaître les moyennes que voici.

Les personnes de 60 ans obtiennent 5486 $ par année, ce qui devrait fouetter ceux pour qui l’épargne n’est pas une priorité. Le groupe des 65 ans obtient 8188 $, tandis que les Québécois qui ont attendu jusqu’à 70 ans touchent 11 626 $, toujours en moyenne. Rappelons que les rentes sont indexées en fonction du coût de la vie.

En tout, le RRQ retourne 17 milliards de dollars par année aux aînés. L’an dernier, 97 211 nouveaux prestataires se sont ajoutés parmi lesquels on retrouve beaucoup de Johanne, Sylvie, Pierre et Alain à qui on souhaite une belle retraite.

Chéri, les mots compliqués ont disparu !

Entre deux vidéos de chatons attendrissants et les recettes de Ricardo, l’idée de s’instruire sur le site de Retraite Québec n’est pas très accrocheuse. S’il fut un temps où la crainte de ne pas comprendre son charabia financier était justifiée, sachez que cette époque est presque révolue.

Le site de Retraite Québec a été simplifié au cours des derniers mois. Des mots ou expressions comme « rente viagère », « indexation » et « admissibilité » ont été remplacés. On leur préfère désormais « rente garantie pour la vie », « augmentation en fonction du coût de la vie » et « pouvez-vous recevoir une rente ? ».

Les infographies vulgarisent aussi mieux l’information. Dans bien des cas, les montants de rente maximaux ont été remplacés par des moyennes pour n’induire personne en erreur. Le travail n’est pas terminé, on commence par les pages les plus consultées, mais la différence est déjà notable. Et l’effort louable.

Le Québécois moyen avait raison de se décourager.

Une analyse effectuée par l’outil Scolarius a permis de déterminer que le niveau de difficulté de compréhension des différents textes sur le site était de 4 sur 5. « On veut aller vers 2. Il faut adapter notre discours », annonce la directrice générale des communications, Anne Hudon.

Quand je l’ai rencontrée il y a quelques mois, elle m’avait raconté à quel point il est primordial pour elle de vulgariser davantage l’information. À l’évidence, son passé chez BLEUFEU (Festival d’été de Québec) et Opération Enfant Soleil l’amène à vouloir améliorer le lien avec la clientèle.

J’ai déjà déploré le fait qu’il fallait se lever de bonne heure pour comprendre le document Cap sur la retraite qui était transmis aux Québécois à l’aube de leur 60e anniversaire.

Le contenu de la lettre devait permettre une prise de décision éclairée sur le meilleur moment pour réclamer sa rente du Régime de rentes du Québec – une décision majeure –, mais il fallait pratiquement un bac en comptabilité pour le décoder.

Cap sur la retraite est ensuite disparu, c’était à l’automne 2022. Quelques mois plus tard, le ministre des Finances Eric Girard avait tout de même invité Retraite Québec à être plus clair dans ses communications avec le grand public.

Les messages ont été entendus.

« On le sait bien que ce n’est pas un sujet très drôle. Et on ne veut pas se recycler en humoristes, dit Anne Hudon. Mais on recherche des façons de se faire un chemin vers la tête des gens pour qu’ils nous comprennent et pour les faire réfléchir. »

Comme le démontre l’enquête annuelle de l’Institut sur la retraite et l’épargne (HEC Montréal) dévoilée la semaine dernière, nos connaissances en matière de revenus à la retraite ne progressent pas du tout. Ne reste qu’à espérer que l’initiative de vulgarisation de Retraite Québec fasse un peu bouger l’aiguille.

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