Maladies rares

Thérapie génique : la voie de l’avenir ?

Un Canadien sur 12 est atteint d’une maladie rare ou orpheline, et de ce nombre, les deux tiers sont des enfants1. Or, comme chacun de ces problèmes de santé touche moins de 1 personne sur 20002, l’expertise et la recherche à ce sujet demeurent limitées. Un dénominateur commun existe pourtant : plus de 80 % des maladies rares sont d’origine génétique3. C’est ce que la thérapie génique explore comme piste de solution afin d’améliorer la qualité de vie des patients et des aidants en développant des traitements novateurs.

Qu’est-ce que la thérapie génique ?

Les gènes sont à l’origine de nombreuses caractéristiques physiques, comme la couleur des yeux et des cheveux, la taille et les traits distinctifs4. Cependant, certains gènes peuvent manquer ou présenter des anomalies qui compromettent le bon fonctionnement du corps humain. Ils sont susceptibles d’entraîner des conséquences sur la respiration, la digestion ou le mouvement5, par exemple. C’est auprès de ces gènes problématiques qu’intervient la thérapie génique.

« La thérapie génique offre une possibilité de traitement unique pour corriger certains défauts du code génétique. »

– Dre Maryam Oskoui, directrice, division de neurologie pédiatrique, Hôpital de Montréal pour enfants

Par le biais de la thérapie génique, on peut remplacer le gène responsable d’une maladie rare par un gène en santé, ou encore le désactiver pour prévenir certains dérèglements biologiques6. Un nouveau gène peut être introduit dans le corps humain par l’intermédiaire d’un vecteur (basé sur un virus inoffensif) pour aider au traitement de la maladie7.

Traitements innovateurs en hémophilie

Parce que leurs gènes sont incapables de produire les protéines de facteur VIII ou IX nécessaires à la coagulation8, les personnes atteintes d’hémophilie doivent s’administrer des facteurs de remplacement nécessitant des perfusions (injections intraveineuses) jusqu’à plusieurs fois par semaine9. La thérapie génique vise à remplacer ces interventions fréquentes, dispendieuses et exigeantes par une seule et unique injection10.

« Avec la thérapie génique, on introduit un gène dans le foie à l’aide d’un vecteur viral. Le traitement permet ensuite la production continue de la protéine manquante. »

– David Page, directeur national des politiques de santé, Société canadienne de l’hémophilie

Les essais cliniques de phase III sont prometteurs. Cinq ans après le traitement, des patients autrefois incapables de produire les protéines de facteur IX maintiennent un seuil fonctionnel de facteur de coagulation11. « Sans être parfait, ce niveau pourrait permettre aux gens atteints d’hémophilie de mener des vies presque normales, sans avoir à s’inquiéter autant des conséquences d’une simple chute », ajoute David Page.

Applications en pédiatrie

Sans intervention, certaines maladies génétiques peuvent entraîner des conséquences irréversibles sur le développement de l’enfant. « Chez les nouveau-nés atteints d’amyotrophie spinale, le recours à la thérapie génique avant l’apparition des symptômes et la perte irréversible des neurones moteurs a le plus d’incidence sur la survie et le développement moteur », donne en exemple la Dre Maryam Oskoui.

Pour certaines maladies neuromusculaires, comme la dystrophie musculaire de Duchenne, le gène absent est trop volumineux pour pouvoir être administré par le biais d’un vecteur viral12. « Une méthode en cours d’étude consiste à introduire une version réduite du gène, pour vérifier si cela pourrait modifier la progression de la maladie en produisant une forme plus courte mais fonctionnelle de la protéine manquante », poursuit la Dre Maryam Oskoui.

Prudence et recherche

De tels traitements doivent continuer de faire l’objet d’études pour qu’on s’assure de leur sécurité. « Ces procédures demeurent expérimentales et suscitent certains effets secondaires immédiats, et nous ne connaissons pas encore leurs effets à long terme », met en garde David Page, de la Société canadienne de l’hémophilie. Les traitements actuels ont également certaines limites. Puisque le code génétique n’est pas fondamentalement corrigé, certains enfants pourraient toujours hériter des gènes problématiques de leurs parents. « Ce type de traitement ne peut être administré qu’une seule fois, car le système immunitaire réagit aux vecteurs viraux et rejetterait donc les tentatives subséquentes », souligne la Dre Maryam Oskoui.

Faciliter l’accès à des traitements novateurs

La thérapie génique soulève d’importantes questions concernant l’accès aux soins. Comment comparer des traitements continus traditionnels à ce type d’intervention unique ? Qui devrait en assumer les frais ? Ainsi, la thérapie génique ressemble à une greffe d’organe13 : elle a pour objectif de gérer un problème de santé à long terme en une seule opération14.

« Les gouvernements ont recours au principe d’éthique utilitariste, selon lequel il faut faire le plus grand bien pour le plus grand nombre, ce qui défavorise naturellement les maladies rares. »

– Dre Gail Ouellette, présidente et directrice scientifique, Regroupement québécois des maladies orphelines (RQMO)

Le Regroupement québécois des maladies orphelines se désole ainsi que certains médicaments ayant une bonne valeur thérapeutique échouent à « l’évaluation pharmacoéconomique », c’est-à-dire qu’ils ne présentent pas un rapport coût-efficacité satisfaisant comparativement aux besoins de l’ensemble du système de santé. « À moins de trouver un autre modèle de développement économique pour la découverte, la fabrication et la distribution de ces médicaments, il faudrait que les payeurs se montrent ouverts et indulgents face aux 6 à 8 % de la population qui ont eu la malchance de développer une maladie rare », mentionne la Dre Gail Ouellette.

1 https://www.raredisorders.ca/our-work/

2 https://rqmo.org/information-sur-les-maladies-rares-et-orphelines/

3 https://www.genome.gov/dna-day/15-ways/rare-genetic-diseases

4 https://patienteducation.asgct.org/gene-therapy-101/gene-therapy-basics

5 https://patienteducation.asgct.org/gene-therapy-101/gene-therapy-basics

6 https://www.fda.gov/vaccines-blood-biologics/cellular-gene-therapy-products/what-gene-therapy

7 https://www.fda.gov/vaccines-blood-biologics/cellular-gene-therapy-products/what-gene-therapy

8 https://www.cdc.gov/ncbddd/hemophilia/facts.html

9 https://www.hemophilia.ca/files/GFFchap6.pdf

10 Anguela, X. M., et High, K. A., « Entering the Modern Era of Gene Therapy », Annual Review of Medicine, janvier 2019, 70 : 273-88.

11 https://hemophilianewstoday.com/2020/12/09/uniqure-long-term-data-fix-activity-bleed-reductions-amt-061-amt-060-hemophilia-b-gene-therapy/

12 https://endpts.com/some-genes-are-too-large-to-fit-into-aav-vectors-ucb-novartis-back-57m-idea-to-deliver-them-in-parts-instead/

13 https://news.bloomberglaw.com/pharma-and-life-sciences/insight-compare-gene-therapy-to-organ-transplants-when-assessing-costs-2

14 https://ashpublications.org/ashclinicalnews/news/4099/Breakthroughs-in-Gene-Therapy-for-Hemophilia

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