Environnement

VOTRE VERRE
RECYCLÉ…
AU DÉPOTOIR !

Il y a un an, l’usine qui recyclait 70 % du verre
issu de la collecte sélective au Québec a fermé
ses portes, et aucune entreprise n’a pris la relève.
Seuls les sites d’enfouissement trouvent une utilité
au verre que vous mettez dans votre bac de récupération. Mais cela pourrait bientôt changer...

Un dossier de Carl Marchand

Recyclage du verre

Une facture salée
pour la Ville

La crise dans le recyclage du verre a des impacts importants pour la Ville de Montréal. Selon ce qu’a appris La Presse, la Ville a dû débourser plus de 500 000 $ jusqu’à maintenant pour se débarrasser du verre qui s’accumulait au centre de tri du Complexe environnemental de Saint-Michel. 

Depuis la fermeture de l’usine Klareco de Longueuil il y a un an, le verre récupéré trouve difficilement preneur au Québec. Comme plusieurs autres villes, Montréal doit envoyer cette matière vers un site d’enfouissement où elle sert pour le recouvrement des déchets et la confection de chemin d’accès. 

« Nous avons évalué d’autres solutions, comme l’exportation vers l’Europe, mais les coûts étaient beaucoup trop élevés, explique Louis Gagné, agent de recherche et de planification à Recyc-Québec. C’est une voie pour venir en aide présentement, mais ce n’est pas la meilleure solution pour valoriser le verre. »

« On travaille à d’autres mesures pour amener une plus grande valeur ajoutée à tout le verre qui est récupéré au Québec. » 

— Louis Gagné, agent de recherche et de planification à Recyc-Québec

Au site d’enfouissement de BFI à Terrebonne, on reçoit maintenant 40 000 tonnes de verre par année. « C’est une forme de réutilisation. C’est un bon matériau pour nous. Au lieu de payer pour aller chercher du sable, on prend du verre, explique Hector Chamberland, directeur du développement des affaires pour BFI Canada. C’est un gain économique pour nous, qui fait qu’on peut se permettre d’avoir un meilleur prix pour l’enfouissement des déchets. Ça nous coûte moins cher. » 

Si la Ville de Montréal a dû payer plus d’un demi-million de dollars pour se débarrasser du verre jusqu’à maintenant, la facture continuera de monter. Près de 2000 tonnes de verre sont récupérées chaque mois au centre de tri du Complexe environnemental de Saint-Michel. Il en coûte 27,50 $ la tonne pour l’envoyer au site d’enfouissement de BFI à Terrebonne. Une facture que la Ville ne veut plus payer.

 « Nous n’avons pas trouvé de manière d’utiliser cette matière-là dans les opérations de la Ville de Montréal. Ce qu’on souhaite, c’est obtenir un décret ministériel pour transférer au centre de tri la responsabilité de disposer de cette matière-là », affirme Réal Ménard, responsable du développement durable, de l'environnement au comité exécutif. 

La Ville de Montréal s’attend toutefois à ce que jusqu’à 80 % de la facture de la valorisation lui soit remboursée par le régime de compensation pour la collecte sélective des matières recyclables de Recyc-Québec. 

NE PAS JETER LE VERRE POUR AUTANT 

Même s’il y a peu de demande pour le verre maintenant, ça ne veut pas dire qu’il n’y en aura jamais, indique-t-on chez Recyc-Québec. Les citoyens doivent donc continuer de placer leurs bouteilles au recyclage. 

« Il y a quand même certains joueurs qui en ont encore besoin. Même si le verre se retrouve au site d’enfouissement, il a quand même une utilité même si ce n’est pas la meilleure façon de le valoriser », indique Louis Gagné. Même son de cloche, chez Gilbert Durocher, vice-président aux opérations de RSC, qui gère le centre de tri de Montréal. 

« Le verre n’a jamais été une matière qui nous rapportait de l’argent. Ça provoque une usure prématurée sur les équipements et les camions qui le transportent. Mais si on dit aux gens de le jeter, ça deviendrait difficile de dire aux gens de changer leurs habitudes lorsqu’une solution apparaîtra », conclut-il.

Recyclage du verre

Miser sur la micronisation

Quand on parle du recyclage du verre, les yeux se tournent presque tous vers l’usine de micronisation de Tricentris, à Lachute. Le procédé, mis au point en collaboration avec l’Université de Sherbrooke, consiste à réduire le verre en poussière pour l’utiliser comme additif cimentaire. La poussière de verre permet de produire un béton plus imperméable et plus résistant.

« Nous avons démontré que nous pouvons produire de la poudre de verre à un rendement suffisant, explique Frédéric Potvin, directeur général de Tricentris. Après coup, on peut augmenter la production selon la capacité du marché à l’absorber. »

Car même avec une usine au procédé novateur, Tricentris doit elle aussi envoyer une partie du verre récupéré au site d’enfouissement en attendant que la demande augmente. Son usine de micronisation produit actuellement 6000 tonnes de poudre de verre qui peut être ajoutée au ciment. Encore faut-il convaincre le marché d’adopter le nouveau produit.

« Ça va être un long chemin. Je ne m’attends pas à tout vendre demain matin. Il faut convaincre les ingénieurs, le gouvernement et les municipalités », précise Frédéric Potvin. Tricentris lorgne aussi du côté de l’asphalte, dans laquelle la poudre de verre permet de réduire la quantité de bitume. « Ça pourrait nous permettre d’écouler des volumes importants. Les recherches sont très intéressantes. »

À terme, l’usine de micronisation de Tricentris à Lachute pourrait traiter environ 60 % du verre récupéré dans les foyers québécois. Mais si la fermeture de l’usine Klareco a démontré quelque chose, c’est qu’il faut éviter de mettre tous les œufs dans le même panier, prévient Frédéric Potvin.

« Il y a une forme d’urgence en ce qui a trait aux débouchés du verre. Plus vite on en sortira, plus on en utilisera, mieux ce sera pour l’environnement », conclut-il.

Recyclage du verre

Une dalle faite de matières indésirables

Chez Gaudreau Environnement, on n’en est pas aux premières expériences dans le recyclage du verre. L'entreprise était propriétaire de l’usine Klareco, à Longueuil, qui a fermé ses portes l’an dernier. « Recycler le verre, c’est difficile. La matière est tellement abrasive qu’elle peut détruire un convoyeur en quelques semaines », dit Jonathan Houle, directeur des projets spéciaux.

Malgré les difficultés et les échecs passés, on ne jette pas l’éponge. Gaudreau met actuellement la touche finale à un prototype de dalle drainante faite à 100 % de matières recyclées. « On prend les trois produits les plus problématiques pour les centres de tri : le verre, les sacs de plastique et la porcelaine. On en fait une dalle qui peut être utilisée pour l’aménagement d’aires de repos dans les parcs, par exemple. »

Le prototype devrait être prêt dans six mois, et la production commerciale pourrait débuter d’ici un an. Gaudreau Environnement vise d’abord les municipalités pour écouler son produit. « Installer une grande dalle de béton ne permet pas au sol de recueillir l’eau de pluie, et ça devient une préoccupation de plus en plus importante pour les municipalités. On pense vraiment que notre produit constitue une solution durable. La seule limite sera notre imagination », conclut Jonathan Houle.

Recyclage du verre

Payer pour traiter le verre

L’été dernier, des courges, des fruits et des légumes de toutes sortes poussaient dans la montagne de verre de Michel Marquis, propriétaire de 2M Ressources, à Saint-Jean-sur-Richelieu. Ce monticule bien particulier est peut-être sur le point de disparaître.

« Si tout se passe bien, nous pourrons amorcer en juillet le traitement du verre issu de la collecte sélective », dit Michel Marquis. Son entreprise est en train d’acquérir un terrain avec la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu pour augmenter sa capacité de stockage. Une nouvelle chaîne de traitement s’ajoutera aux deux qui traitent actuellement le verre des bouteilles consignées.

La firme 2M Ressources vient de se doter de nouvelles trieuses optiques pour séparer le verre mélangé. Mais pour réussir là où Klareco a échoué, Michel Marquis n’en démord pas, il lui faudra facturer des frais de traitement pour compenser la quantité de produits contaminants dans le verre provenant du bac de recyclage.

« Envoyer ça dans les sites d’enfouissement, c’est pas fort, lance Michel Marquis. De mon côté, je ne suis pas un récepteur de déchets. Je vais demander des frais de traitement pour le verre issu des centres de tri. Qu’ils continuent de l’envoyer dans les sites d’enfouissement s’ils ne veulent pas payer. Si c’est ça faire du recyclage, qu’ils l’envoient là. »

À terme, Michel Marquis soutient qu’il pourrait traiter jusqu’à 200 000 tonnes de verre par année, principalement destinées à la refonte pour de nouvelles bouteilles et pour les matériaux isolants. « Il faut aussi continuer à chercher d’autres marchés comme matériau de remplacement, mais je ne peux pas en parler pour l’instant. »

Recyclage du verre

Du verre
dans l’asphalte

La solution pour le recyclage du verre au Québec se cache peut-être dans nos routes. C’est ce que croient des chercheurs de l’École de technologie supérieure et une firme de Repentigny. Après deux ans de travail, ils ont mis au point un nouvel enrobé bitumineux avec du verre recyclé qui présente des
propriétés impressionnantes.

Recyclage

Le verre en chiffres

145 000

Tonnes de verre récupérées au Québec chaque année dans le secteur résidentiel (2010)

De 15 à 20 %

Proportion du verre dans l’ensemble des matières envoyées à la récupération

Source : Recyc-Québec, Bilan 2010-2011 de la gestion des matières résiduelles au Québec

-27 $

Prix moyen à la tonne du verre mélangé non décontaminé (décembre 2013). Les centres de tri doivent payer pour s’en débarrasser.

Source : indice du prix des matières, Recyc-Québec

30 %

Économie d’énergie lorsqu’on refond le verre pour fabriquer de nouvelles bouteilles

Source : Recyc-Québec

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