Pour l’autonomie des personnes âgées, dans le respect des soignantes

La Presse rapportait le 26 août la parution d’une étude publiée par l’Institut du Québec (IDQ) qui proposait d’entamer un virage massif vers les soins à domicile pour les personnes âgées1. Parmi les propositions du rapport se trouve celle d’une « assurance autonomie », promue initialement par l’ancien ministre Réjean Hébert. Bien que cette formule séduise, les expériences réelles de soins à domicile nous poussent à l’approcher avec prudence.

Dans ce modèle, l’État est appelé à financer des services dont la prestation serait majoritairement effectuée par le secteur privé. Les travaux de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) montrent que, pour relever le défi posé par le vieillissement de la population, il faut plutôt investir massivement dans les services à domicile publics, mais également revoir en profondeur leur organisation.

L’auteur du rapport de l’IDQ, Alain Dubuc, pense qu’il faut composer avec le modèle mixte public-privé. Pourtant, celui-ci comporte de sérieuses lacunes. Le secteur des soins à domicile est un domaine à forte intensité de main-d’œuvre, ce qui signifie que les coûts des services sont principalement liés aux salaires versés aux personnes qui donnent les soins.

Les entreprises à but lucratif qui offrent le service font face à deux options pour offrir un prix compétitif tout en dégageant un profit : réduire les salaires ou diminuer la qualité des soins. Si l’on y priorise la qualité, un modèle mixte public-privé risque donc de reposer sur l’exploitation des travailleuses, qui sont le plus souvent des femmes.

Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, la dysfonction du modèle d’affaires des organisations privées de soins de longue durée devient limpide. Le cas des résidences privées pour aînés, qui prodiguent une partie importante des services à domicile, est éloquent : les propriétaires de résidences se disent eux-mêmes incapables d’offrir des salaires décents à leurs employées2. Ils réclament maintenant une extension du financement public très généreux dont leurs résidences profitent déjà3.

Même constat pour le modèle des allocations directes (le « chèque emploi-service ») dans lequel l’État verse directement une allocation aux personnes nécessitant des services. Elles se procurent ensuite des soins à domicile dans le secteur privé. Or, les salaires très bas et les horaires de travail fragmentés font en sorte de garder les travailleuses du chèque emploi-service dans la précarité. De surcroît, les usagers de ce programme déplorent la faible quantité de soins en plus des ruptures de services auxquelles ils sont confrontés.

Pour faire face au défi du virage vers les soins à domicile, il faut revisiter l’histoire du Québec, car elle se révèle riche en modèles inspirants. Pensons par exemple aux CLSC qui ont, par le passé, incarné un modèle de dispensation des services ancré dans les communautés locales et basé sur une gestion démocratique et décentralisée. Songeons également aux Centres de la petite enfance, qui allient financement public et gestion démocratique par des organismes à but non lucratif.

Selon nous, la piste d’un modèle décentralisé comme celui proposé par l’IDQ est porteuse. Mais travailleurs et usagers doivent prendre part au contrôle de ces structures. Pour que l’autonomie des uns ne brime pas la qualité de vie des autres, il faudra simultanément veiller à reconnaître la juste valeur du travail de soins et à assurer véritablement des services de qualité.

1. LISEZ « Soins à domicile : appel à une « révolution » sous peine de “frapper un mur” »

2. LISEZ « La fin potentielle des primes inquiète le Regroupement des RPA »

3. LISEZ l'étude de l'IRIS « Les résidences privées pour aîné.e.s au Québec : portrait d'une industrie milliardaire »

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