échange de cadeaux

Familles et amis pourront se retrouver au nombre de dix du 24 au 27 décembre, a tranché le gouvernement Legault. En échange de ce précieux cadeau de Noël, les Québécois devront se confiner « volontairement » avant et après les festivités, en plus de faire une croix sur les célébrations du jour de l’An. Des spécialistes en santé et des acteurs de l’éducation saluent un « bon compromis ». La reconduction des restrictions sanitaires jusqu’au 11 janvier décourage toutefois les restaurateurs.

Un « contrat moral » pour le temps des Fêtes

Québec demande un confinement « volontaire » avant et après Noël

Tel un père Noël qui distribue ses cadeaux, François Legault a accordé aux familles et amis le droit de se voir du 24 au 27 décembre. Au jour de l’An, on devra par contre se passer de cadeaux et de contacts sociaux.

Les Québécois ont eu l’heure juste à propos des rassemblements pendant la période des Fêtes. Le gouvernement autorise les rassemblements d’au maximum 10 personnes pendant quatre jours, soit du 24 au 27 décembre, que ce soit entre amis ou avec la famille. Il est par contre recommandé de ne pas se déplacer dans une autre région.

Et qu’en est-il du jour de l’An ? « On regarde le Bye bye », a lancé François Legault. « Et on essaie d’oublier 2020… » a ajouté le ministre de la Santé, Christian Dubé, sourire en coin.

« Je propose un contrat moral, a annoncé le premier ministre, François Legault, en conférence de presse à Montréal jeudi. D’un côté, il va pouvoir y avoir des rassemblements. Mais de l’autre côté, on demande de tout faire pour que la semaine avant et la semaine après, les personnes n’aient pas eu de contact avec d’autres personnes. »

Une semaine de confinement

Les autorités demandent à tous ceux qui voudront se rassembler à Noël de se « confiner » volontairement la semaine qui précède les Fêtes et celle qui suit ces quatre jours de célébration.

Pour y arriver, le premier ministre demande la collaboration des employeurs pour privilégier le télétravail ou réduire les activités pendant ces deux semaines de confinement.

En ce qui concerne les écoles, l’enseignement se fera à distance à partir du 17 décembre. Que ce soit au primaire ou au secondaire, les enseignants vont parler « au moins une fois par jour » d’école à leurs élèves et il y aura aussi des travaux à faire.

Le retour en classe, après les Fêtes, se fera à la date prévue dans le calendrier scolaire pour les élèves du primaire. Pour ceux du secondaire, l’enseignement à distance se prolongera jusqu’au 11 janvier. Exception pour les écoles spécialisées où aucun changement n’est apporté au calendrier.

À partir du 17 décembre, et ce, jusqu’aux vacances de Noël, le service de garde dans les milieux scolaires est réservé seulement aux enfants des travailleurs « essentiels ».

« Il y a comme un “si” à ce qu’on propose », a tenu à expliquer M. Legault. Si la situation se détériore avant le 24 décembre, par contre, ces quatre jours de rassemblements pourraient être revus.

« C’est certain que de se voir pendant quatre jours, un, deux, trois, quatre jours, ça comporte des risques. Par contre, il faut se rappeler que la famille est au cœur de ce que nous sommes, au cœur de notre nation. »

— François Legault, premier ministre du Québec

Les commerces et activités qui sont fermés à cause des mesures restrictives ne pourront ouvrir leurs portes avant le 11 janvier, dont les restaurants, gyms et lieux culturels.

François Legault a laissé entendre que les discussions avec la Santé publique à propos de l’ouverture de certaines activités pour les jeunes, comme les arénas et les patinoires, allaient cependant bon train et qu’une nouvelle pourrait être annoncée dans ce sens.

Et pourquoi cette décision de célébrer Noël et pas la nouvelle année ? Le directeur national de santé publique du Québec, le Dr Horacio Arruda, a expliqué que tous les scénarios ont été évalués, par exemple comme celui de permettre les rassemblements deux jours à une fête et deux autres à l’autre. « Vous ne pouvez pas comprendre les impacts de Noël et [du] jour de l’An. Ce serait une idée terrible ! Ça augmente les risques de transmission ! »

Grâce à la semaine de confinement avant l’autorisation des petits rassemblements, une personne a le temps d’éprouver des symptômes avant la veille de Noël et donc de s’isoler. La semaine qui succède va aussi permettre de s’isoler avant le retour à la vie normale, dont l’école et le travail.

Question d’équilibre

Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, approuve cette décision du gouvernement Legault. « C’est vraiment beaucoup mieux » de privilégier quatre jours consécutifs plutôt que deux distancés de deux autres.

Mais bien entendu, il y a un certain risque, ajoute l’experte. « Dans la mesure où on ne cherche pas la précaution maximale, cette décision convient à l’équilibre que nous cherchons. »

Elle recommande tout de même aux personnes vulnérables d’éviter les rassemblements. Et si elles veulent tout de même y prendre part, elle leur suggère fortement de respecter les mesures sanitaires, comme le port du masque.

Le Dr Arruda a aussi évoqué l’idée que les personnes âgées portent le masque pendant les rassemblements et se tiennent à distance des autres. « On veut protéger nos aînés, mais on ne veut pas les isoler.  »

M. Dubé a voulu être rassurant : le Québec aura « le personnel nécessaire » pendant les Fêtes pour faire le dépistage de la COVID-19, ainsi que le traçage.

Des travailleurs de la santé affectés

Par ailleurs, les mesures annoncées par Québec pourraient bien avoir négligé ceux qui luttent contre la propagation de la COVID-19 dans le réseau de la santé, ont souligné jeudi des spécialistes.

« Les travailleurs de la santé étant à l’œuvre durant les Fêtes, ça risque d’être plutôt difficile pour ce groupe de respecter le confinement de sept jours avant une rencontre. En espérant qu’ils n’auront pas en plus à redoubler d’effort ensuite, en raison d’une hausse des cas », a d’ailleurs illustré l’urgentologue Alain Vadeboncœur.

Sur Twitter, le Collège des médecins du Québec a aussi salué « celles et ceux qui seront de garde lors de la période de relâchement du 24 au 27 septembre ». Ces travailleurs « ne pourront partager de moments privilégiés avec leurs parents et amis », a rappelé l’organisme.

« Nous sommes plutôt habitués à manquer Noël, ou à devoir l’adapter », a aussi rappelé le médecin gériatre David Lussier, par l’entremise des réseaux sociaux.

— Avec la collaboration d’Henri Ouellette-Vézina, La Presse

Un « bon compromis » pour l’éducation

Aucune journée de classe ne sera perdue, mais des questions restent en suspens

Si le milieu de l’éducation accueille « favorablement » le plan annoncé jeudi par le gouvernement Legault, ce dernier néglige encore plusieurs catégories d’élèves, rappellent les principaux intéressés. Pendant ce temps, des restaurateurs – qui ne pourront rouvrir avant le 11 janvier – comprennent mal qu’aucune autre option n’ait été envisagée.

« C’est un bon compromis. On ne perdra pas de journée de classe, ni pour le primaire ni pour le secondaire. Et l’enseignement à distance permettra de garder un contact », affirme le président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE), Nicolas Prévost.

Plus tôt, le gouvernement Legault a annoncé que les élèves du Québec resteraient à la maison à compter du 17 décembre ; les écoles devront alors assurer un enseignement « virtuel » jusqu’aux vacances. Au primaire, le retour en classe s’effectuera à la date prévue, alors qu’au secondaire, il aura lieu le 11 janvier.

S’il s’attend à ce que la distribution des outils informatiques « se déroule bien », M. Prévost reconnaît que la situation pourrait être complexe dans certaines régions. « On aura des choix à faire », illustre-t-il. Autre bémol : le Québec a selon lui « oublié » la formation professionnelle. « Pour eux, l’enseignement à distance ne servira à rien, car les cours sont très pratiques », illustre le responsable.

L’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES) appuie l’annonce, mais a néanmoins de sérieuses réserves. « C’est le plus près possible d’un statu quo, mais on reste inquiets pour les élèves de 1re et de 2e secondaire qui basculeront en virtuel. C’est une cohorte plus fragile. Il faudra mettre beaucoup d’efforts pour éviter qu’ils accumulent du retard », insiste la présidente, Hélène Bourdages.

« Avoir les élèves à l’école, c’est ce qu’on voulait. Cela dit, il faudra revoir les évaluations, peut-être en faire passer davantage avant les Fêtes. »

— Hélène Bourdages, présidente de l’AMDES

Sylvain Mallette, de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), croit que le choix du gouvernement est « réfléchi ».

« Il faut qu’on casse la deuxième vague. Non, ça n’ira pas toujours bien à distance et on aurait préféré être en présentiel, mais qu’il y ait ce maintien du service éducatif, c’était l’essentiel », dit-il.

« Dans les circonstances, on peut juger raisonnable la direction du gouvernement, ajoute Catherine Beauvais-St-Pierre, de l’Alliance des professeurs de Montréal. Si le télé-enseignement est la décision privilégiée, toute l’énergie doit être déployée afin que tous aient accès à du matériel informatique fiable. »

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ), elle, salue le choix fait pour les services de garde, qui ne seront ouverts qu’aux enfants des travailleurs essentiels. « C’est un soulagement pour le personnel. Pour eux, c’était loin de passer comme une lettre du père Noël à la poste. Le gouvernement a peut-être fini par entendre raison sur l’importance de la cohérence dans les mesures », affirme la présidente, Sonia Éthier.

Des parents sur leurs gardes

Maxime Gauthier a trois enfants de 3, 7 et 10 ans. Ses deux plus vieux vont à l’école primaire. Pour le Sherbrookois, la « bonne nouvelle » est que le calendrier n’aura pas été « autant bousculé que prévu ». « On aura quelques jours à gérer autrement. Ce n’est pas une catastrophe, mais c’est loin d’être idéal », note-t-il.

« Le gouvernement fait ce qu’il peut, mais je crois qu’il sous-estime les impacts. Nos jeunes ont besoin de socialiser. On vient enlever le peu qu’il leur reste. »

— Maxime Gauthier, père de famille

Résidants de Québec, Félix Bouchard et Marie-Michèle Roberge restent optimistes. Leurs deux filles, âgées de 4 et 6 ans, fréquentent la garderie et l’école primaire. « Ça aurait été étrange pour nous de garder seulement un enfant à la maison, sachant que l’autre l’aurait côtoyé. On trouve que ça a beaucoup de sens », lâche Marie-Michèle. « Je trouve ça bien qu’on entende parler du plan aussi tôt, ajoute Félix. On est à la mi-novembre et déjà, c’est assez clair. Tout le monde pourra bien se préparer. »

Au Regroupement des comités de parents autonomes du Québec (RCPAQ), le président, Marc-Étienne Deslauriers, salue le plan du gouvernement, mais « doute fortement » que l’enseignement à distance sera efficace avant les Fêtes. « Il faut que le gouvernement cesse de parler d’une nouvelle normalité. Ça n’aide personne comme discours », dit-il.

Kevin Roy, de la Fédération des comités de parent du Québec (FCPQ), dit comprendre que beaucoup d’incertitude demeure. « La bonne nouvelle, c’est que les écoles spécialisées vont demeurer ouvertes pour nos élèves vulnérables », se réjouit-il néanmoins.

restaurants et cinémas déçus

Propriétaire du Beaufort Bistro, à Montréal, Jean-François Girard aurait aimé voir plus de solutions pour les restaurateurs comme lui. « On aurait pu, par exemple, nous permettre d’accueillir 10 personnes de la même famille, par soir. C’est une mesure simple qui nous aurait donné un peu d’espoir et un peu d’air », dit-il.

« Ça manque d’imagination et d’initiative. Pendant ce temps-là, on est découragés. C’est épouvantable, ce qui arrive. »

— Jean-François Girard, restaurateur montréalais

Le porte-parole de Restaurants Canada, David Lefebvre, se dit lui aussi attristé par cette fermeture prolongée. « C’est une déception. Ce qu’on aurait apprécié, c’est de pouvoir ouvrir partiellement pendant les Fêtes, avec des mesures strictes. On sait que les gens se réuniront quand même. Pourquoi ne pas offrir des lieux sécuritaires pour le faire ? », s’interroge-t-il. Au Québec, environ 2000 membres de l’association ont reçu une aide financière jusqu’ici. « Il y a eu des problèmes d’accès dans certaines MRC. On est à évaluer tout ça pour que tout le monde reçoive du soutien », ajoute M. Lefebvre.

Même son de cloche pour Denis Hurtubise, le président de l’Association des propriétaires de cinéma du Québec (APCQ). « On n’est pas un vecteur de transmission, partout en Amérique du Nord, donc c’est très difficile à absorber. On s’alignait pour une programmation québécoise du tonnerre », glisse-t-il.

M. Hurtubise dénonce le « manque flagrant de communication » du gouvernement depuis le début de la crise. « Tout ce qu’on reçoit, ce sont des accusés de réception. On voudrait un vrai dialogue. Si on continue à gérer comme ça, on va perdre des [acteurs] dans l’industrie », déplore-t-il.

Un équilibre « fragile », même à Sept-Îles

Sur la Côte-Nord, où on ne recense presque aucun cas actif actuellement, le maire de Sept-Îles, Réjean Porlier, ne compte pas baisser la garde pour autant. « Quand je regarde le Saguenay et le Bas-Saint-Laurent, je me dis que c’est très fragile comme équilibre. Moi, je trouve que le plan du gouvernement est très sage, même pour les régions les moins touchées », dit-il en entrevue avec La Presse. L’élu reconnaît néanmoins que le temps des Fêtes « est une période propice au relâchement », surtout quand le virus semble moins présent qu’ailleurs. « C’est souvent les petites choses simples qu’on nous demande de faire qu’on arrête en premier. On est tous sujets au relâchement. Il faut se rappeler ce qui se passe autour de nous. Personne n’a envie de basculer dans le rouge ici », martèle M. Porlier. « On comprend tout ça. Ce n’est rien de simple pour le gouvernement de plaire à tout le monde. Il faut donc être résilients. Et ça tombe bien, parce que sur la Côte-Nord, on est habitués de devoir l’être », lance avec humour celui qui dirige la municipalité de 22 000 habitants depuis 2013.

— Henri Ouellette-Vézina, La Presse

Temps des Fêtes

Le temps des Fêtes en sept questions

Qu’est-ce qui sera permis à Noël ? Et au jour de l’An ?

Les rassemblements de 10 personnes maximum seront autorisés, mais seulement pendant une période de quatre jours, du 24 au 27 décembre. Au jour de l’An, la situation sera toutefois beaucoup moins festive ; il sera interdit de se rassembler en dehors de sa bulle familiale, afin de contenir la contagion à l’approche du retour en classes. Que faire alors ? « On regarde le Bye bye », a dit François Legault sur le ton de l’humour. « Et on essaie d’oublier 2020 », a renchéri le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé.

quel sera le calendrier au primaire ?

Le retour en classes se fera à la date qui était prévue au calendrier de l’établissement scolaire, soit autour du 4 janvier. Avant Noël, l’enseignement se fera toutefois à distance à partir du 17 décembre.

Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a promis que les enseignants allaient parler « au moins une fois par jour » à leurs élèves. Des travaux devront être réalisés quotidiennement.

quel sera le calendrier au secondaire ?

Au secondaire, on applique le même principe qu’au primaire pour la période avant Noël : dès le 17 décembre, tout basculera en virtuel. Cependant, pour le secondaire, l’enseignement à distance se prolongera au moins jusqu’au 11 janvier. Il y aura toutefois une exception : les écoles spécialisées. Aucun changement ne sera apporté pour ces établissements accueillant surtout des jeunes vulnérables. Des discussions avec la Santé publique concernant l’ouverture de certaines activités sportives pour les jeunes, comme les arénas et les patinoires, progresseraient cependant à bon rythme, selon François Legault, qui espère pouvoir annoncer de « bonnes nouvelles » prochainement à ce sujet.

quelles seront les règles dans les garderies ?

Il importe ici de distinguer garderies, centres de la petite enfance (CPE) et services de garde dans les écoles. Dans les deux premiers cas, rien ne change au calendrier, à ceci près que « si possible », il ne faudra pas y envoyer ses enfants à partir du 17 décembre afin de respecter la « quarantaine » demandée par le gouvernement. Les services de garde, eux, fermeront partiellement ; ainsi, à partir du 17 décembre, on y acceptera seulement les enfants de travailleurs essentiels (réseau de la santé, éducation, police, etc.).

Et les déplacements entre régions ?

Même si les rassemblements sont permis pendant une courte période, Québec recommande fortement de ne pas se déplacer de région en région. Si jamais cela est inévitable, il faudra redoubler de vigilance dans l’application des mesures et prendre « beaucoup de précautions », a indiqué jeudi le directeur national de santé publique, Horacio Arruda. Par exemple, quelqu’un de Montréal qui irait à Mont-Tremblant devrait « amener sa bouffe » afin de ne pas avoir à se rendre dans un restaurant ou une épicerie, a illustré le premier ministre Legault.

Qu’en est-il des restaurants et des gyms ?

Tous ces établissements demeureront fermés au moins jusqu’au 11 janvier prochain, tout comme les salles de spectacle, les cinémas et les musées, entre autres.

Si aucune baisse de cas n’était observée d’ici là, leur fermeture pourrait de nouveau être prolongée, a laissé entendre le gouvernement. Celui-ci promet que les mesures d’aide seront aussi prolongées pour tenir compte de ces nouveaux délais. Dans plusieurs régions, des commerçants ont toutefois déploré des problèmes d’accès au programme gouvernemental, ou encore des retards dans les versements. Les autorités affirment surveiller la situation « de près » et assurent que l’argent sera envoyé dans les semaines qui viennent.

Qui peut-on voir pendant les périodes permises ?

Du 24 au 27 décembre, on peut voir tant sa famille proche que ses amis ou même ses collègues de travail. Il ne semble pas non plus y avoir de restrictions quant au nombre de ménages, du moins pour le moment. La Santé publique réitère toutefois que toute personne présentant des symptômes de la COVID-19 ou ayant été en contact avec une personne à risque a le devoir de s’isoler pour freiner la propagation du virus.

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