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Édition du 14 septembre 2023,
section ACTUALITÉS, écran 15
London — Justin Trudeau est vite revenu sur terre. Tout juste rentré de New Delhi, il était attendu à London par des élus inquiets de la dégringolade estivale du parti dans les sondages, certains ayant commencé à critiquer son leadership sous le couvert de l’anonymat dans les médias.
« Ça a été super », a-t-il malgré tout lâché après la réunion de son caucus, mercredi.
Le premier ministre n’en a pas révélé davantage sur la nature de ce qui a été discuté derrière les portes closes.
Un peu plus tôt, malgré l’insistance des journalistes, il avait refusé net de commenter la grogne exprimée par certains députés sous le couvert de l’anonymat.
« Les gens ne veulent pas que les politiciens parlent d’eux-mêmes. Les gens veulent que les politiciens se concentrent sur leurs défis. »
— Justin Trudeau, premier ministre et chef du Parti libéral
« J’ai énormément d’ambition pour ce pays, et j’ai hâte de continuer le beau travail qu’on fait ensemble », a aussi affirmé le chef libéral en conférence de presse.
Les voyants sont au rouge sur le tableau de bord libéral : de récents coups de sonde placent les troupes de Pierre Poilievre loin devant celles de Justin Trudeau.
Et le chef de l’opposition (36 %) devance le premier ministre (34 %) pour la première fois au chapitre des impressions favorables, d’après un sondage d’Abacus Data publié jeudi passé.
« Généralement, pendant l’été, les chiffres bougent peu », note Philippe J. Fournier, créateur de l’agrégateur de sondages 338 Canada.
« Pour plusieurs qui ont pris un break de la politique cet été, ils doivent faire un saut de voir une avance de 10 points au lieu de 3 ou 4 comme c’était le cas en juin. »
— Philippe J. Fournier, 338Canada
Les « Nervous Nellies »
Les députés libéraux aussi, vraisemblablement.
« Je pense qu’il y a des gens qui sentent de la nervosité », a reconnu la ministre Pascale St-Onge, qui l’a emporté par une mince avance aux dernières élections.
« Il y a effectivement de l’inquiétude, mais la meilleure chose qu’il faut faire […], c’est de ne pas paniquer », a dit le ministre Steven Guilbeault.
Son collègue montréalais Francis Scarpaleggia a rappelé que l’ancien premier ministre Jean Chrétien avait une expression pour désigner le phénomène.
« [Il] avait un terme pour des députés qui se préoccupent peut-être un peu trop lorsqu’on frappe une bosse : les Nervous Nellies, a-t-il lâché. Je pense qu’il faut garder son calme. »
Du linge à laver « en famille »
Ce qui se dit au caucus devant rester au caucus, on ignore si le calme a régné.
Mais à l’issue de la rencontre, nul n’a nié que des insatisfactions avaient été communiquées.
« C’est une rencontre en famille, donc c’est un linge qui se lave en famille », a laissé tomber le ministre Marc Miller en mêlée de presse.
« On s’est dit les vraies affaires. Les gens ont été courageux, et ils ont fait le bilan de ce qui a été entendu tout le long de l’été », a ajouté ce proche du premier ministre.
De son côté, le ministre Pablo Rodriguez a fait valoir que l’exercice était sain, surtout après huit années passées au pouvoir.
« Il y a des façons de faire qui pourraient changer ; le premier ministre est très réceptif. »
— Pablo Rodriguez, ministre des Transports
La quasi-totalité des élus qui se sont arrêtés devant les caméras étaient des membres du cabinet.
La ministre Mélanie Joly, par exemple, a souvent assuré que le gouvernement était « en mode solution ».
« On est un gouvernement qui est au pouvoir depuis maintenant huit ans, un gouvernement qui a fait face à plusieurs crises et chaque fois, on a été capables de les surmonter », a-t-elle insisté.
Et à ceux qui réclament la tête de Justin Trudeau, la ministre Diane Lebouthillier a offert cette analogie : « Quand on était adolescents, on se serait probablement, à un moment donné, tous débarrassés de nos parents pour les changer. »
Klaxons et drapeaux
Un petit mais bruyant comité d’accueil attendait les libéraux dans la ville du sud-ouest de l’Ontario.
Ils ont circulé pendant une partie de la journée autour du centre des congrès en faisant flotter au vent des drapeaux où l’on pouvait notamment lire « Chrystia Freeland est le diable » et le répandu « Fuck Trudeau ».
En soirée, mercredi, des klaxons retentissaient toujours dans le secteur. « Nous savons où tu es, Justin », répétait un protestataire dans un mégaphone, sous une supervision policière discrète.
La rencontre du caucus prendra fin ce jeudi, quelques jours avant la rentrée parlementaire de lundi prochain.