QUE SONT-ILS DEVENUS? Sûreté du Québec

La pionnière devenue guide

« À mon party de départ à la retraite, j’ai plein de confrères qui sont venus me présenter leurs excuses pour m’avoir fait la vie aussi dure. »

On lui en a fait baver, à Nicole Juteau, qui en 1975, est devenue la première femme policière à la Sûreté du Québec.

« Aucun policier ne voulait travailler avec moi au départ, raconte-t-elle. La nuit, c’est moi qu’on envoyait patrouiller toute seule. »

De jour, quand elle patrouillait avec un confrère, c’est lui qui conduisait. Pas question qu’il lui cède le volant. Elle n’avait pas de manteau d’hiver à sa taille (5 pi 1 po, 115 lb). Ses képis aussi étaient trop grands : elle devait les rembourrer avec les moyens du bord.

La bière de 16 h, après le boulot? Elle n’y était pas. Elle n’était pas la bienvenue, d’autant moins que les épouses de ses confrères ne voyaient pas d’un bon œil son arrivée dans les troupes.

Sur ses épaules, toute la pression du monde. « On m’avait dit que si j’étais bonne, on allait embaucher d’autres femmes. »

Amère, Nicole Juteau? Loin de là. Rieuse au possible, elle lance : « De la police, j’en mangeais! J’ai eu une carrière exceptionnelle et encore aujourd’hui, je suis accro aux nouvelles! »

Mme Juteau n’a pas eu d’enfant. « Un choix de carrière. Mon travail prenait tout mon temps. »

Après six ans de patrouille en Mauricie, Mme Juteau a agi pendant 18 ans comme agent double.

Déguisée en « fille de bar » ou en prostituée, elle a vite été réquisitionnée pour les grosses opérations antidrogue. « Je me suis retrouvée tantôt dans des bunkers dont je ne pouvais pas sortir, tantôt sous des trappes, dans d’obscurs sous-sols, à acheter de la drogue à des gars cagoulés et à avoir peur de mourir. »

À la fin de sa carrière, elle a voulu avoir quelques années tranquilles. Ça n’a pas marché : on lui a confié le dossier des motards, juste au moment où les choses dégénéraient.

Malgré ses hauts faits d’armes, Nicole Juteau n’a jamais sollicité de grade. « Mes confrères me disaient : “Le grade, c’est sûr que tu vas l’avoir, t’es une fille!” Moi, je ne voulais pas que cela joue. J’ai préféré ne rien demander. »

Aujourd’hui âgée de 59 ans, Mme Juteau a pris sa retraite à 46 ans. Depuis, elle a notamment été embauchée comme enquêteuse par le Collège des médecins pour démasquer les faux médecins et elle est aujourd’hui guide-accompagnatrice pour des touristes français.

Depuis 16 ans, elle est aussi bénévole aux Olympiques spéciaux.

« C’est plus difficile aujourd’hui, d’être policier. Les lois sont plus pointues et on a moins de pouvoir! Il faut que les droits de chacun soient respectés, mais pour avoir travaillé avant la Charte et après, je peux dire que ça fait toute une différence. Et c’est sans compter sur les médias sociaux qui font que les policiers sont surveillés de partout et que de tout petits bouts de nos interventions peuvent être repris partout, hors contexte. »

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