Série 6 de 7 La ville au cœur de l’aventure humaine

La ville et le climat

La ville et l’urbanisation sont au cœur de l’aventure humaine depuis six millénaires. L’une et l’autre se déclinent sur plusieurs registres d’une complexité parfois déroutante. Alors que la pandémie a mis sur pause les villes qui sont appelées à se redéfinir, quelques passionnés vous proposent leur perspective sur le développement urbain. Aujourd’hui, la ville et le climat.

Nous faisons face à un défi sans précédent, celui des changements climatiques. Cette nouvelle réalité engendrera des perturbations inévitables, dont les manifestations sont déjà bien réelles. Pensons aux inondations, vagues de chaleur ou sécheresses qui marquent désormais la cadence de nos saisons.

Si les villes occupent 3 % de la surface de la Terre, elles sont responsables de 60 à 70 % de la consommation d’énergie et de 75 % des émissions de gaz à effet de serre.

D’un côté, la ville a donc un grand impact sur la dynamique du réchauffement climatique, tandis que de l’autre, elle est aussi particulièrement vulnérable à ses impacts. Avec une population citadine de plus de 80 % au Canada, les villes devront non seulement accroître leur résilience et celle de leurs habitants pour s’adapter à cette nouvelle réalité, mais aussi tout mettre en œuvre pour participer activement à faire partie de la solution.

En matière de lutte et d’adaptation aux changements climatiques à l’échelle des villes, la réduction des émissions de GES, notamment par l’entremise du secteur du transport et de l’efficacité énergétique, est généralement, et avec raison, mise à l’avant-scène. Alors qu’il faut continuer à se tourner vers les solutions technologiques pour lutter et s’adapter aux changements climatiques, il ne faut pas oublier toute l’importance des solutions naturelles. Ces solutions basées sur la nature consistent à protéger, à restaurer ou encore à aménager des milieux naturels – pensons à la plantation d’arbres, la création de parcs et la restauration de milieux humides entre autres.

En plus de contribuer activement à la lutte contre les changements climatiques, elles engendrent des cobénéfices importants – des services écologiques – essentiels à notre bien-être et à la prospérité de nos économies. On peut par exemple penser à la pollinisation, à la rétention des eaux de ruissellement, à l’amélioration de la qualité de l’air ou encore aux activités récréatives, sans oublier le stockage et la séquestration de carbone.

Si, après 15 mois de pandémie, nous apprécions et recherchons aujourd’hui plus que jamais les parcs et espaces verts de nos villes, en Amérique du Nord, la réflexion sur la place de la nature en ville s’étend sur près de deux siècles.

Si les parcs ou la préservation de l’environnement n’étaient pas initialement intégrés à la planification des villes et villages, c’est autour de 1830 que ce mouvement apparaît afin de rendre disponibles des espaces pour la détente et la marche. Il est à noter que c’est vers les cimetières que les villes se tournèrent d’abord pour aménager de tels espaces de repos (!).

Quelques décennies plus tard, un nouvel élan fut donné à l’aménagement des parcs via un désir des pouvoirs publics de l’époque de limiter l’industrialisation et l’étalement urbain. C’est à cette époque que sont notamment créés certains des parcs les plus emblématiques, comme Central Park (1854) ou le parc du Mont-Royal (1876). Cette structuration du paysage urbain entraîna le développement d’argumentaires, toujours pertinents 150 ans plus tard, et qui stimulèrent le mouvement de création des parcs pendant de longues années : les parcs sont bons pour la santé, ils embellissent les villes, ils fournissent des avantages économiques majeurs, notamment sur la plus-value immobilière, et finalement, ils permettent de ramener la nature en ville.

L’importance des phénomènes de développement résidentiel et industriel conduisit les villes à penser des stratégies d’aménagement plus ambitieuses pour contrôler la croissance des villes. Vaisseau amiral de la politique des ceintures vertes britanniques, la Ceinture verte de Londres fut la première à être mise en œuvre au tournant des années 1950.

En ceinturant la ville d’une importante zone non bâtie, on cherche à limiter le développement des centres urbains, protéger l’agriculture de proximité et offrir des opportunités récréatives à la population.

Véritable coup de génie de l’aménagement, cette stratégie fut reprise partout dans le monde, dont à Ottawa avec la Ceinture de verdure en 1956 et à Toronto en 2005.

À ces raisons issues des relations historiques des urbains avec leur nature environnante, nous devons aujourd’hui ajouter de nouvelles motivations pour soutenir le développement d’un réseau d’espaces naturels diversifiés et interconnectés. Au triptyque de la récréation, du contrôle de l’étalement urbain et de l’esthétisme qui a canalisé la plupart des aménagements naturels du dernier siècle et demi en milieu urbain au Québec, il faut aujourd’hui considérer de façon impérative la nature comme une infrastructure fournissant des services publics, mais encore plus, comme notre principal levier d’action en matière de lutte et d’adaptation aux changements climatiques à l’échelle de nos milieux de vie.

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