COVID-19

Autopsie du virus

Il est 100 fois plus petit que l’épaisseur d’un cheveu. Pourtant, le virus qui cause la COVID-19 fait dérailler les Bourses, menace des millions de personnes et est en train de mettre la planète à l’envers. Comment fait-il ? Voici ce qu’on sait sur le modus operandi de l’ennemi public numéro un mondial.

Une sphère recouverte de pics

Le virus lui-même s’appelle SARS-CoV-2 ou nCoV-2019. Prenez un cheveu, puis imaginez que vous le coupez en 100 parties égales… dans le sens de la largeur. C’est sa taille. Au microscope électronique, le virus a l’allure d’une sphère couverte de pics. Ces pics sont des protéines capables de s’accrocher à la membrane de certaines de nos cellules. Leur présence forme ce qui ressemble à une couronne, d’où le terme coronavirus. Le SRAS-CoV et le MERS-CoV, qui cause le syndrome respiratoire du Moyen-Orient, sont aussi des coronavirus.

Infiltration des cellules

Le virus, on le sait, voyage dans les gouttelettes éjectées dans l’air par les personnes contaminées qui toussent ou qui éternuent. Ces gouttelettes entrent dans le corps de ceux qui les respirent par le nez ou la bouche et gagnent le système respiratoire.

Pour faire des dommages, le virus doit infiltrer nos cellules. La semaine dernière, des chercheurs chinois ont annoncé une percée majeure en découvrant comment il y parvient. Les crochets du virus s’amarrent à des récepteurs appelés ACE2 situés à la surface des cellules respiratoires.

« Si on imagine que le corps humain est une maison et que le virus nCoV-2019 est un cambrioleur, ACE2 est la poignée de porte qui lui permet d’entrer. »

— Liang Tao, chercheur de l’Université Westlake, en Chine, dans un commentaire publié sur l’internet

Cette découverte pourrait aider ceux qui cherchent à développer des médicaments capables de contrer l’effet du virus.

Piratage des cellules

Le virus est environ 100 fois plus petit qu’une cellule humaine. On peut voir cette dernière comme une mini-usine qui exécute les instructions qui lui sont données. Une fois à l’intérieur, le virus pirate la cellule. Il libère du matériel génétique, appelé ARN, qui sert de nouveau livret d’instructions. La cellule cesse alors de remplir ses fonctions normales pour suivre ces nouvelles directives. Elle se met à fabriquer des copies du virus à toute vitesse. Une seule cellule infectée peut fabriquer des millions de répliques du virus. Ces nouveaux virus gagnent ensuite les cellules voisines, les transformant à leur tour en usines à virus.

Mort des cellules

Les cellules respiratoires transformées en usines à virus ne tiennent pas le rythme longtemps et finissent par mourir. Cela peut affecter tant les cellules qui tapissent l’intérieur de la gorge et des bronches que les cellules qui forment les alvéoles des poumons, dont la mission est de transporter l’oxygène dans le corps. « Il y a donc un premier dommage direct », explique Gary Kobinger, chercheur au département de microbiologie-infectiologie et d’immunologie à l’Université Laval. Habituellement, ces pertes ne sont pas dramatiques : elles touchent une faible proportion de cellules, et le système respiratoire peut fonctionner même lorsqu’il a perdu une grande partie de ses capacités.

Réponse immunitaire

Le corps ne reste pas impassible devant une telle attaque. Il envoie des soldats, les cellules immunitaires, sur les lieux de l’infection pour combattre le virus. Chez la majorité des gens, la réplique est efficace et les cellules immunitaires gagnent la bataille. Environ 80 % des gens ne ressentiront même pas de symptômes à la suite d’une infection au SARS-CoV-2. Mais chez de nombreuses personnes, notamment les gens âgés, il arrive que ces cellules immunitaires fassent mal le travail. Le virus gagne alors du terrain, les signaux d’alerte sont maintenus et les soldats continuent d’accourir sur place. Ils finissent par s’y accumuler et par nuire au bon fonctionnement des poumons. « Il y a trop de cellules, c’est comme si les gens se noyaient dans leurs propres cellules », illustre Gary Kobinger. La personne peut alors entrer en détresse respiratoire et en mourir.

Les effets du SARS-CoV-2 sur le corps

Tête

Les patients infectés développent souvent de la fièvre, signe que le système immunitaire tente de combattre l’infection.

Gorge

Le virus peut se fixer aux muqueuses de la gorge, créant des maux de gorge et une toux sèche.

Poumons

Le virus peut aussi infecter les cellules des bronches et des poumons, où il nuit à l’entrée de l’oxygène dans le corps et peut déclencher des pneumonies. Dans le pire des cas, la personne entre en détresse respiratoire et peut mourir.

Intestins

Puisqu’il peut pénétrer dans notre corps par la bouche, le virus gagne le système digestif. Une étude menée sur 73 patients hospitalisés a montré que le virus était détectable dans les selles de 53 % d’entre eux. Par contre, il ne semble plus y être contagieux, et rien n’indique qu’il soit possible de contracter la COVID-19 via les excréments, le sang, l’urine ou par des relations sexuelles.

Cerveau

On sait que certains coronavirus peuvent infecter le cerveau, et une étude suggère que cela pourrait être le cas du SARS-CoV-2. « Si le niveau de virus est hyper élevé dans les voies respiratoires, il peut arriver qu’il voyage via le nerf olfactif jusqu’au cerveau. Mais ce sont des cas vraiment rares », explique Gary Kobinger, de l’Université Laval.

Le mystère des enfants

Normalement, quand les personnes âgées sont plus vulnérables à un virus, c’est aussi le cas des jeunes enfants. Or, cette fois, ceux-ci semblent s’en sortir très bien avec le SARS-CoV-2. « Ça a été une grande surprise, et pour l’instant on n’a que des hypothèses pour expliquer ce phénomène », dit Gary Kobinger. Selon le spécialiste, l’hypothèse la plus solide est celle que le système immunitaire des gens âgés se fait en quelque sorte berner par son expérience. Les gens âgés ont plus de chances d’avoir affronté un autre coronavirus qui ressemble au SARS-CoV-2 dans leur vie. Face au nouveau virus, ils envoient des anticorps qu’ils ont déjà utilisés par le passé. Or, ceux-ci s’avéreraient inefficaces.

« C’est comme si le système immunitaire partait du mauvais bord, illustre Gary Kobinger. Et comme il est fatigué, il ne parvient pas à se réajuster. Les enfants, eux, ont un système immunitaire moins éduqué, moins expérimenté. Mais ça ne veut pas dire qu’il soit toujours moins efficace. Dans le cas de ce virus-ci, il semble qu’un système immunitaire naïf, mais vigoureux soit un gros avantage, parce qu’il ne part pas du mauvais côté. »

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