Intervention en autisme

Deux approches pour les enfants autistes

Différents courants s’affrontent quand vient le temps de parler d’intervention auprès des enfants autistes. Au Québec, les partisans de l’intervention comportementale intensive (ICI) et les défenseurs d’approches alternatives militent fortement pour faire valoir leur point de vue. Explications

L’ICI à tout prix

Dans un avis publié en 2014 sur « l’efficacité des interventions de réadaptation pour les enfants autistes », des chercheurs mandatés par l’INESSS concluaient que le « nombre insuffisant d’études disponibles et leur qualité généralement faible ne permettent pas de se prononcer avec certitude sur l’efficacité des interventions ». Dans le même rapport, les chercheurs estimaient tout de même que l’ICI devait demeurer « l’intervention privilégiée pour les enfants d’âge préscolaire, compte tenu de ses effets sur le fonctionnement cognitif, le langage et les comportements adaptatifs ».

La psychologue Sylvie Bernard explique que l’étude de l’INESSS a évalué l’efficacité de l’ICI chez les enfants de 2 à 12 ans. Or, ces traitements « sont nettement plus efficaces chez les 2 à 5 ans ». D’où la recommandation de l’INESSS de poursuivre l’ICI intensif chez les jeunes de cet âge, explique la psychologue.

Mme Bernard affirme que l’ICI demeure « l’approche la plus appuyée scientifiquement » pour soutenir le développement des enfants autistes. 

Elle ajoute que, selon les recherches les plus optimistes, l’ICI réalisée de façon optimale permet de diminuer les troubles de comportement, les retards de développement, et éventuellement d’intégrer un jeune au cheminement régulier pour 47 % des enfants autistes.

Il est vrai que l’ICI « ne permet pas à tous les enfants de devenir verbaux et d’intégrer une classe régulière », dit-elle. Mais « tous les enfants progressent en ICI » selon elle. « Certains enfants ne feront plus de crise. Vont manger seul. Communiquer de façon non verbale. Lire, écrire… Même si, pour certains, le progrès peut parfois sembler faible, pour les familles, le changement est souvent important. Si l’ICI permet à une mère de ne pas arrêter de travailler, permet d’éviter la dépression et l’anxiété chez la fratrie… ce n’est pas rien », souligne Mme Bernard, tout en citant l’exemple de nombreuses familles que l’ICI a aidées au fil des ans.

À environ 30 000 $ par an, une intervention comportementale intensive de 20 heures par semaine est certes coûteuse. Mais pour Mme Bernard, il a été prouvé qu’il en coûte beaucoup plus cher pour une société de ne pas intervenir précocement auprès de ses enfants autistes.

L’autre approche

Psychiatre et titulaire de la Chaire de recherche Marcel et Rolande Gosselin en neurosciences cognitives fondamentales et appliquées du spectre autistique de l’Université de Montréal, Laurent Mottron affirme pour sa part que les études publiées jusqu’à maintenant sur l’efficacité réelle de l’ICI sont de piètre qualité et remontent à plusieurs années. Le Dr Mottron assure qu’aucun consensus scientifique n’a jamais existé sur l’efficacité réelle de l’ICI et qu’il n’a pas été prouvé, par exemple, que 20 heures d’intervention comportementale intensive par semaine sont plus efficaces que 10.

Le Dr Mottron explique que lors du Forum sur l’autisme de février 2016, les participants ont voté à 63 % pour que le gouvernement donne la préférence à « documenter et proposer d’autres approches, basées sur les meilleures pratiques, afin de diversifier l’offre de services spécialisés » en autisme, plutôt que « d’améliorer l’accès et s’assurer de la qualité de l’intervention comportementale intensive (ICI) ». Pour lui, les participants, dont plusieurs adultes autistes, ont décidé de « tourner la page » sur la décision de 2003 du gouvernement de recommander l’ICI faite directement avec l’enfant.

Le Dr Mottron ajoute qu’en 2016, la revue The Lancet a publié une étude solide démontrant qu’une guidance parentale d’une trentaine d’heures par an, portant sur le support aux interactions sociocommunicatives, pouvait diminuer les signes d’autisme six ans après.

Si les résultats ne sont pas spectaculaires, de l’aveu du Dr Mottron, ils sont « pour une fois réels ».

Le psychiatre est d’ailleurs en train de mettre sur pied un projet-pilote autour de cette guidance parentale. Selon lui, l’argent qui pourrait être économisé par ces interventions, bien moins coûteuses que l’ICI, dit-il, permettrait de dégager des fonds afin de mieux soutenir, par exemple, les adultes autistes, fortement délaissés par le réseau de la santé.

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