La cohésion sociale

La lutte contre la pauvreté est l’affaire de chacun d’entre nous. Parce que nous avons tous à y gagner.

Lors d’une entrevue à la radio, on m’a posé une question désarmante de simplicité : pourquoi les gens qui ne sont pas dans le besoin devraient-ils se soucier de ceux qui le sont ?

J’ai répondu que nous souhaitons tous vivre dans une société au sein de laquelle tout le monde a droit à la dignité. C’était une réponse convenable pour le temps qui m’était imparti, mais si j’avais disposé d’un peu plus de temps, ma réponse aurait été plus complète et nécessairement plus complexe, car plusieurs facteurs sont à considérer lorsque l’on traite de la pauvreté. Pour en nommer quelques-uns :

1. La pauvreté limite l’accès à l’éducation – elle mène souvent à un parcours scolaire laborieux, quand ce n’est pas carrément au décrochage. L’éducation, elle, est au cœur de l’émancipation personnelle et professionnelle. Le niveau d’éducation est le premier indicateur du revenu futur. En intégrant la réussite éducative et sociale des jeunes à un plan de lutte contre la pauvreté, on améliore l’accessibilité à l’éducation de qualité et on brise le cycle de la pauvreté.

2. La pauvreté limite également la croissance économique d’une société par le faible pouvoir d’achat des individus ou des communautés qui la vivent.

Si tout le monde contribue à l’économie, celle-ci sera plus robuste et pérenne, et favorisera une pleine participation de tous.

3. La pauvreté est souvent associée à des problèmes de santé. Que l’on pense à des logements insalubres où les locataires respirent une moisissure qui provoque l’asthme et des visites aux urgences, ou aux aliments nutritifs qu’on ne parvient plus à s’offrir, en raison de l’inflation. En ce qui a trait à la santé d’un individu, le revenu et le niveau d’éducation sont souvent déterminants : il a été maintes fois démontré que les personnes qui vivent en situation de pauvreté sur une longue période sont surreprésentées pour certaines pathologies.

4. Les personnes en situation de pauvreté font face à de nombreuses barrières systémiques qui sont génératrices d’exclusion. Cela peut créer de la frustration et du désespoir, et dans certains cas mener à des solutions dramatiques qui marginalisent les personnes et créent des tensions sociales. Si on veut avoir un sentiment d’appartenance et de sécurité dans tous les quartiers, il faut travailler sur cet aspect. La fin de la pauvreté mène nécessairement vers une société plus inclusive et plus solidaire, où la cohésion est plus grande.

La pauvreté est un enjeu économique, social, de santé publique et de santé tout court.

D’ailleurs, en ce qui concerne l’enjeu de la santé, nous rendons publique ce matin la deuxième mesure de l’Indice d’anxiété financière de Centraide du Grand Montréal, réalisé en collaboration avec Léger. Cette dernière confirme une tendance à la hausse de l’anxiété financière des Québécois : 86 % d’entre eux, comparativement à 85 % en novembre dernier, disent ressentir un stress financier à divers degrés. L’indice poursuit une tendance à la hausse en passant d’un score moyen de 38,8 lors de sa dernière version à 39,1 en avril.

Sans surprise, les personnes avec des limitations fonctionnelles, les chefs de famille monoparentale, les nouveaux arrivants, les personnes à faible revenu, les personnes racisées et celles sans diplôme d’études secondaires, ainsi que les femmes affichent des scores plus élevés que la moyenne.

L’anxiété financière a également un effet sur la santé mentale des gens. Les symptômes ressentis sont notamment des troubles du sommeil en raison de leur situation financière et de la difficulté à se concentrer au travail ou à l’école.

Toujours selon l’indice, l’alimentation demeure la principale préoccupation des Québécois et la question du logement est une inquiétude croissante, se classant désormais au deuxième rang. Les effets de la crise du logement sont multiples : insécurité alimentaire, anxiété, insalubrité avec un coût social et économique énorme qui accentue les inégalités. Ce n’est pas pour rien que le logement est identifié par plusieurs comme une cause de la pauvreté et de l’exclusion.

Donc, pourquoi devrait-on se soucier des personnes qui vivent en situation de pauvreté ? Parce qu’une société équitable, sans pauvreté ni exclusion, doit être au cœur des conversations et des actions. Et bien que les gouvernements, les programmes sociaux, les entreprises et les organismes communautaires aient tous un rôle important à jouer, chaque citoyen peut y contribuer, que ce soit en temps ou en argent. Voilà un magnifique projet de société.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.