Vins

Bienvenue chez les cavistes

En l’espace de quelques semaines, deux nouveaux cavistes ont ouvert leurs portes dans La Petite-Patrie. Pendant ce temps, une Montréalaise exilée vient de mettre au monde La Réserve naturelle, à Sutton. Et c’est sans compter les cafés et restaurants qui ont garni leurs tablettes de jolies bouteilles à emporter depuis le début de la pandémie. Regard sur un phénomène qui ne semble pas près de s’essouffler.

Sommelier de formation, Jack Jacob a fondé Glou, il y a une dizaine d’années. Par l’entremise de cette agence, il commande des cuvées souvent rares de certains des vignerons les plus en vue du monde du vin naturel. C’est entre autres pour faire connaître ses vins, mais aussi ceux d’autres agences, telles que Les Vins Dame-Jeanne, Primavin, Wino et Volet Importation, qu’il vient d’ouvrir, avec son partenaire Yan Poudrier, Vino Rama, sur la rue Beaubien Est.

« On voulait vraiment ouvrir une cave à l’européenne. Je suis un bon écureuil, j’ai toujours aimé mettre des trucs de côté, faire découvrir aux clients de super bouteilles de mon cellier », explique le sommelier. Pour bien guider la clientèle, deux sommeliers, Bruno Lesieur (qui fait aussi office de chef) et Carolyn Aubry, sont toujours sur place.

« Je trouve que la connaissance des vins des particuliers est impressionnante. »

— Jack Jacob, fondateur de Glou et propriétaire de Vino Rama

Chez Vino Rama, on peut donc se procurer des vins à emporter, profiter de la dizaine de places assises pour faire ouvrir une bouteille (avec un droit de bouchon de 10 $) ou goûter un des vins suggérés au verre. Une courte carte évolutive de petits plats permet de se faire un fond. Jack Jacob prévoit aussi d’organiser des soirées avec des vignerons.

Démocratiser le vin

Ajouter un volet caviste à celui d’agence d’importation privée démocratise l’accès à certains vins dans un système où il est parfois difficile de naviguer, juge Jack Jacob. « Dernièrement, la SAQ a changé sa façon d’agir, mais pour plusieurs clients, ce n’est pas plaisant. Les vins entrent à la SAQ, mais par un système de loterie, et on sait que certaines personnes se font des dizaines de comptes… Ou encore les vins sortent à minuit sur le web, et il n’y en a plus en quelques minutes. »

Un plus grand accès à des cuvées rares, des discussions entre clients et professionnels, une valorisation du travail ardu des vignerons : voilà ce qui a motivé Lindsay Brennan à ajouter une section « caviste » chez Tinc Set, voisin d’Alma, l’autre belle table qu’elle possède avec son conjoint Juan Lopez-Luna.

La restauratrice et sommelière possède également une agence spécialisée en vins naturels catalans et espagnols, Vin i Vida. Les domaines qui font partie du portfolio sont triés sur le volet et Lindsay prend le temps de leur rendre visite chaque année et de développer un lien fort avec ces célébrants de la vigne.

Contrairement aux autres agences, Vin i Vida ne vend pas de vins à la caisse aux particuliers, en formule « IP ». Les quantités sont limitées et Lindsay Brennan a toujours trouvé dommage de vendre six ou douze bouteilles à une seule personne. La formule caviste, dont elle rêvait depuis des années, était la solution idéale. Aurait-elle eu autant le vent dans les voiles sans la pandémie ? Peut-être pas.

« Bien des gens ont acheté du vin à emporter pour encourager les restaurateurs quand leurs salles étaient fermées. Et après, ils ont réalisé que nos vins n’étaient disponibles nulle part ailleurs et ont continué de venir. »

— Lindsay Brennan, copropriétaire des restaurants Tinc Set et Alma et fondatrice de l'agence Vin i Vida

L’idée de la Cave de Mamie, projet d’une partie de la joyeuse équipe de la porte d’à côté, Bar Mamie, est aussi née pendant le premier confinement. « On faisait du take-out et on vendait des bouteilles de vin, raconte Max Rosselin, copropriétaire des deux établissements. Ça a tellement bien fonctionné que quand nous avons rouvert l’été dernier, de nombreux clients nous demandaient des bouteilles et des petits plats à emporter, mais on ne fournissait pas. »

Lorsque le local jouxtant Bar Mamie s’est libéré, un projet de caviste a pris forme. Ici, la sélection est beaucoup plus fournie qu’au bar à vin, avec quelque 200 références, à accompagner d’un petit plat sur le pouce ou à déguster sur place avec le court menu de tapas offert.

« On a essayé de tirer assez large, d’offrir aussi bien du classique que du moins conventionnel, mais surtout, à tous les prix. On voulait rester dans le même esprit que chez Mamie : vulgariser le vin, sans que ça soit trop cher. »

— Max Rosselin, copropriétaire de la Cave de Mamie et de Bar Mamie

La Cave de Mamie propose des bouteilles à seulement 24 $ et plusieurs options entre 30 $ et 40 $. Ainsi, l’équipe travaille fort pour dénicher des cuvées abordables et accepte de faire une marge de profit moins grande sur certaines bouteilles.

Direction les Cantons-de-l’Est

Après avoir fortement éveillé les Montréalais à ce qui se fait de mieux au Québec, en matière de vin et de cidre, Adèle Prud’homme et Lionel Furonnet apportent désormais leur contribution dans les Cantons-de-l’Est. Ils ont quitté le Comptoir Sainte-Cécile et ouvert Réserve naturelle caviste, à Sutton, où produits québécois et vins naturels d’ailleurs cohabitent.

« Il y a beaucoup de domaines cultes dans la région et les gens d’ici se plaignaient de ne pas avoir accès aux produits élaborés à 10 minutes de chez eux parce que tout filait vers Montréal », explique Adèle. Bien que de nouveaux commerces proposent une belle sélection de vins d’artisans étrangers, comme le café-buvette Mollie’s et La Famille (en ligne), il y avait de la place à Sutton pour augmenter l’offre. La sommelière Laurence Dufour aide à bâtir la cave.

Du vin avec votre café ?

Et pourquoi pas des cafés cavistes ? Ils sont de plus en plus nombreux, entre le Dax, à Montréal, le Duplex, à Trois-Rivières, et le Bolt, à Knowlton. Les cafés Paquebot de la métropole et nouvellement celui de Gaspé y sont sûrement pour quelque chose. Déjà titulaires d’un permis de restaurant qui leur permettait de servir de l’alcool, ils ont rapidement commencé à vendre des bouteilles à emporter au début de la pandémie. Un des copropriétaires, Simon-Louis Brosseau Fournier, est sommelier et il s’est réjoui de pouvoir ajouter cette offre au café, aux pâtisseries, aux sandwichs et aux petits plats surgelés à emporter.

C’est au Paquebot Bélanger qu’on trouve la plus grande sélection. L’espace est plus vaste que celui des succursales du Vieux-Montréal et de l’avenue du Mont-Royal et le secteur (rue Bélanger et avenue De Lorimier) est moins bien garni en bonnes adresses offrant des vins naturels. « Il y avait une occasion de se démarquer dans le coin. Au début, on ne faisait qu’ajouter une marge de 10 $ par bouteille. On a vendu pour 400 000 $ de vin en un an ! Mais depuis la réouverture, ça a diminué au moins de moitié et pour que ce soit plus viable pour nous, on a augmenté la majoration à 12 $ », explique Simon-Louis Brosseau Fournier.

Lindsay Brennan n’a que des éloges pour cette « nouvelle » manière de vendre du vin au Québec. « Je trouve ça vraiment dynamique. Ça crée une vie de quartier. Il n’y a pas beaucoup de SAQ ici, dans Outremont. C’est plaisant de savoir que tu peux maintenant acheter une bouteille de vin qui est bonne, qui est froide et prête à boire à un coin de rue de chez toi ! »

Quelques détails techniques

Certes, des « cavistes » de vins québécois, comme La Boîte à vins, existent déjà dans la province depuis un bout de temps. Ils fonctionnent avec un permis d’épicerie. Les nouveaux commerces dont nous vous parlons possèdent plutôt un permis de restaurant, ce qui explique à la fois les prix plus élevés qu’à la SAQ (pour un produit équivalent) et l’obligation de vendre des aliments avec une bouteille.

Le « caviste » lui-même paie en quelque sorte un « prix SAQ », sur lequel il doit lui aussi faire son profit. Celui-ci varie énormément d’un établissement à l’autre. Certains rajoutent un montant fixe par bouteille (par exemple 10 ou 12 $ sur le prix payé par le caviste), d’autres multiplient ce prix payé par 1,3 ou 1,5 en mode caviste (la moyenne est de fois 2 dans les restaurants). À cela, le consommateur doit ajouter les taxes. Le pourboire est à sa discrétion. Bref, ça monte vite, mais c’est déjà mieux qu’avant l’adoption du projet de loi 72, alors que les restaurants devaient vendre le vin à emporter au même prix qu’en salle.

Pierre Birlichi, vice-président communications du Regroupement des agences spécialisées dans la promotion des importations privées des alcools et des vins (RASPIPAV), croit que l’avenir de la formule réside dans un équilibre entre des prix tout de même concurrentiels et une valeur ajoutée offerte par le caviste par rapport à la SAQ, comme un service vraiment personnalisé à l’achat.

Comme le veut la loi, il faut aussi acheter au moins un aliment préparé sur place pour repartir avec une ou plusieurs bouteilles. C’est déjà plus simple que les anciens termes, qui imposaient l’achat d’un repas complet. L’Association Restauration Québec aimerait bien que cette contrainte disparaisse, mais les pourparlers n’ont même pas encore débuté. « Les cavistes, c’est un gros déplacement dans notre modèle de consommation et ça ne fait que commencer. Il faudra voir où ça mène », déclare Martin Vézina, vice-président aux affaires publiques et gouvernementales de l’ARQ.

Des adresses pour étancher sa soif

Les restaurants et cafés qui proposent une section caviste pullulent. Voici quelques bonnes adresses, un peu partout au Québec, pour dénicher des perles et faire des découvertes.

Côté Est

trésors cachés à Kamouraska

Ce n’est pas d’hier que cette excellente table de Kamouraska propose un service de caviste, mais, avec la contrainte de la vente d’un repas complet, les clients étaient peu nombreux. Le projet de loi 72 a changé la donne, fait remarquer Perle Morency, copropriétaire. « Nos ventes de vin ont augmenté de 30 %, et 50 % de ces ventes sont des bouteilles à emporter », avec une hausse « exponentielle » des vins québécois, dont on peut dénicher plusieurs cuvées dans la nouvelle partie boutique du resto. (IGP)

Monopole

impressionnante sélection

Avec la pandémie, Monopole, qui est à la fois café et buvette, a affirmé plus que jamais son côté caviste. Quelque 400 références se taillent leur place sur les étalages de l’établissement montréalais, majoritairement des cuvées de petits producteurs artisanaux. Certaines de populaires vignobles québécois y font parfois leur apparition. (IGP)

Café DAX

le paradis des bulles

Pendant la pandémie, le café de l’avenue Van Horne s’est lancé dans le vin. Et pas qu’un peu ! Les étagères de DAX débordent de pépites dénichées par Dominic Allnutt, dont un grand nombre de champagnes. (ED)

Duplex

de bons jus

Depuis bientôt un an, ce café-caviste au centre-ville de Trois-Rivières permet aux Trifluviens d’avoir accès à plein de bons jus naturels, comme ceux de Koppitsch, Nestarec, Furlani et plein d’autres. (ED)

Louisa

moins mais mieux

Ce café de quartier, à Bois-des-Filion, offre une très belle section caviste. La devise des jeunes propriétaires : « moins mais mieux ». Comprendre des vins d’artisans et de terroir, éclatés et aux personnalités fortes, sans intrants, fermentés avec des levures indigènes. (IGP)

Nita

cuvées confidentielles

Nita Tout Garni, la nouvelle sandwicherie du Mile End, fait aussi caviste, avec des vins à emporter provenant en grande partie des portfolios majoritairement français de trois des nombreux propriétaires de l’endroit, soit Marc Bungarten et Gabriel Monnin (Dutty Wine), puis Nicolas Despeyroux (Vins Nomad). Raretés garanties. (ED)

Lapin pressé & Pistache

vins de soif

En 2020, une bande de jeunes dynamiques a repris Lapin pressé, institution de l’avenue Laurier. Ils se sont empressés d’ajouter une sélection excitante de vins nature à l’offre. Deux ans plus tard, la même équipe remet ça avec Pistache, à Saint-Lambert. On trouve aux deux endroits des vins et des cidres naturels aux jolies étiquettes. (IGP)

Le Renard et la Chouette

le caviste de Québec

Depuis quelque temps, Le Renard et la Chouette, à Québec, s’est trouvé une nouvelle maison rue Saint-Vallier Ouest. C’était l’occasion pour la sympathique buvette d’ouvrir un espace caviste qui compte de 100 à 150 appellations, qui changent toutes les deux semaines environ. À accompagner de pain et de fromage frais maison, spécialités de l’endroit. (IGP)

Déserteur

caviste en ligne

La fondatrice de Déserteur, Asma Ben Tanfous, a un sérieux faible pour les bulles, surtout celles de la Champagne, mais aussi pour le saké et pour les vins tranquilles naturels, toujours bien droits. Elle s’est associée à La Capitale Tacos pour proposer des bouteilles à l’unité ou des petites caisses de deux ou trois, livrées à domicile, partout au Québec, grignotine incluse ! (ED)

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