Santé

Perçage des oreilles : cinq choses à savoir

Au Mexique, on fait automatiquement percer les oreilles des fillettes alors qu’elles sont bébés. Au Québec, certains parents font percer les oreilles tôt, d’autres attendent. Aucune règlementation n’existe pour les bijouteries et les salons de perçage. Si les risques sont minimes, ils existent tout de même. Voici cinq choses à savoir avant de faire percer les oreilles de son enfant.

À quel âge? 

Pat Pierce, propriétaire de la boutique de perçage et tatouage Mauve, refuse de percer les oreilles des enfants de moins de 2 ans. « Je veux que les enfants soient capables de me dire qu’ils veulent se faire percer les oreilles. » En général, les bijoutiers, comme Ardène, ne le font pas avant que le bébé ait reçu ses vaccins.

Le Dr Richard Bélanger, pédiatre et membre de la Société canadienne de pédiatrie, conseille d’attendre que l’enfant le décide. « C’est plus facile de négocier le perçage d’oreilles à 12 ans que celui du nombril », lance-t-il.

Y a-t-il des risques? 

Le Dr Bélanger avoue qu’il y a des risques, mais qu’ils sont minimes. « Il ne faut pas les exagérer. Ils sont de plusieurs types, esthétiques, infectieux et traumatiques. »

– Esthétiques : les lobes des oreilles des bébés sont plus petits et vont grandir – on peut donc percer au mauvais endroit.

– Infectieux : plus les enfants sont jeunes, plus ils sont à risque, car leur système immunitaire n’est pas mature. Il faut aussi attendre que l’enfant soit vacciné contre le tétanos. Santé Canada souligne que l’utilisation de matériel de perçage infecté peut transmettre l’hépatite B.

– Traumatiques : un autre risque est que l’enfant se fasse déchirer le lobe de l’oreille en jouant. Mais c’est un accident rare.

Pistolet ou aiguille? 

Les bijoutiers utilisent des pistolets, les perceurs ne jurent que par les aiguilles. Richard Bélanger préfère le perçage par aiguille fait par un perceur, qui est un spécialiste. « Le pistolet est plus simple pour la personne qui le fait, mais n’est pas convenable pour l’enfant. Il engendre une blessure en plus du trou. » Pat Pierce pense que l’utilisation des pistolets est inhumaine : « La manière dont la boucle d’oreille transperce le lobe est trop agressive. » Pour les bébés, les bijoutiers le font en duo en perçant les deux oreilles en même temps.

Le Dr Bélanger se questionne aussi sur la formation des gens qui utilisent les pistolets et sur la fréquence du nettoyage et de la stérilisation. « Cette méthode est plus traumatique. »

Santé Canada recommande l’utilisation d’une cartouche stérile jetable pour les pistolets et souligne que de nombreux studios ne le font pas, ce qui augmente les risques d’infection. En ce qui concerne les aiguilles, Santé Canada recommande l’utilisation d’aiguilles stérilisées jetables.

Quel type de boucle d’oreille? 

Selon le type de boucle d’oreille utilisé, il peut y avoir des réactions allergiques. Richard Bélanger ne recommande pas l’or. Il préfère l’acier chirurgical. Pat Pierce utilise le titane, qui est le type de métal utilisé pour les interventions chirurgicales. C’est aussi le plus cher.

On choisit par ailleurs une boucle d’oreille avec un papillon qui se visse pour éviter que le bijou ne soit avalé par l’enfant.

Ça fait mal? 

Peu importe l’âge de l’enfant, la douleur est toujours présente. « Il faut arrêter de penser que ça fait moins mal quand on est bébé. Ils s’en souviennent moins, mais la douleur n’est pas moindre. C’est la même chose que le vaccin », soutient le Dr Bélanger.

Des parents témoignent

Valérie Doucet n’a pas encore fait percer les oreilles de sa fille de presque 3 ans. « C’est son corps, donc sa décision de se faire percer les oreilles. Lorsqu’elle me le demandera, je vais accepter avec joie! Aussi, j’irai plutôt chez un bijoutier d’expérience ou un centre de perçage. »

Véronique Brisson a fait percer les oreilles de sa fille à 4 mois. Elle le regrette amèrement. Elle n’a pas eu d’infection, mais ses lobes d’oreille ont changé, et les trous ne sont plus symétriques. « Je voulais le faire tôt, car on la prenait pour un garçon et je pensais qu’elle ne s’en souviendrait pas. Si c’était à refaire, j’attendrais, ce n’était pas nécessaire, et je n’aurai pas dû prendre la décision pour elle. »

Julie-Anne Mathieu a fait percer les oreilles de sa fille à 8 mois. « Je me suis fait percer les oreilles vers 7 ans et j’ai trouvé cela bien douloureux. J’enviais mes amies qui me racontaient qu’elles n’avaient pas eu mal parce qu’elles étaient petites. » Elle s’est informée, a réfléchi, et n’y voit pas un grand débat philosophique. « Plus tard, si elle n’aime pas ça, elle les enlèvera, c’est aussi simple. De plus, elle n’a pas souffert sur le moment grâce à une crème anesthésiante, et ça ne s’est jamais infecté. »

Anick Arsenault a attendu que sa fille le lui demande, à l’âge de 5 ans. Elle avait trop peur des risques d’infection lorsqu’elle était bébé. Malgré toutes ses précautions, les trous se sont infectés, mais pas gravement. Ses deux autres enfants sont des garçons. « J’en suis bien heureuse, je n’aurai pas à leur faire percer les oreilles. »

Sophie Houde pense que les décisions que les parents prennent pour leurs enfants ont un impact important sur leur vie et leur développement. « Le perçage d’oreilles est une modification corporelle esthétique. Comme il ne me viendrait pas à l’idée de faire tatouer mon enfant, il en va de même pour le perçage d’oreilles. Par contre, si mes filles me demandent de se faire percer les oreilles, j’envisagerai cette possibilité, puisque cette demande viendra d’elles. Nous aurons alors une discussion afin de cerner les réelles raisons qui motivent ce désir. »

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