Livre : À quoi sert le Conseil de sécurité des Nations unies ?

Au cœur de l'ONU

Il y a quelques semaines, le Canada a échoué à se faire élire à un siège de membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Certains se sont réjouis de cet échec en soulignant, selon eux, le caractère inefficace du Conseil. Mais l’est-il vraiment ? Jocelyn Coulon, du CÉRIUM, affirme au contraire que le Conseil travaille efficacement même si, parfois, il bute sur certaines questions.

Salué pour ses succès, blâmé pour ses échecs, le Conseil de sécurité des Nations unies est un rouage essentiel dans la gestion et le règlement des conflits.

Il y a soixante-quinze ans, en juin 1945, l’Organisation des Nations unies a été créée afin de rassembler tous les États indépendants et d’organiser leurs rapports selon les modalités définies dans la Charte de l’organisation. Ces modalités servent de cadre à une concertation politique dont la finalité est de maintenir la paix et la sécurité internationales. C’est un des organes principaux de l’ONU, le Conseil de sécurité, qui en a la responsabilité principale.

Le Conseil est donc au cœur du dispositif onusien. S’il n’est que l’un des six organes principaux de l’organisation, sa centralité n’échappe à personne. L’ONU s’est d’une certaine façon édifiée autour de lui. Le Conseil concentre entre ses mains des attributions toujours plus larges qui permettent à l’ONU d’intervenir dans le règlement des différends par des moyens pacifiques ou, lorsque la paix est rompue, par des moyens coercitifs pour la rétablir.

Le Conseil a aussi des attributions dans d’autres domaines de l’activité onusienne : entre autres, il recommande aux 193 États membres de l’Assemblée générale l’admission de nouveaux membres et participe au processus de désignation du secrétaire général de l’organisation.

Il peut aussi mobiliser des ressources afin de lutter contre les pandémies de maladies infectieuses comme il l’a fait en 2014 lors de la fièvre hémorragique Ebola en Afrique.

Il reste que le Conseil consacre le caractère hiérarchique et inégal de la société internationale. Il distingue deux types de membres : les cinq membres permanents ayant droit de veto que sont les États-Unis, la Russie, la Chine, la France et le Royaume-Uni, et dix membres non permanents sans droit de veto siégeant deux ans et qui représentent l’ensemble des membres de l’Assemblée générale.

Lorsqu’il fonctionne, le Conseil adopte des résolutions et produit des normes qui se révèlent de formidables outils au service de la paix, d’où l’attrait qu’il exerce auprès de nombreux pays, dont le Canada, qui désirent y occuper un siège en tant que membre non permanent ou même qui réclament une réforme du Conseil pour que celui-ci soit plus représentatif de la communauté internationale actuelle. […]

Lorsque le Conseil essuie des échecs, lorsqu’il se montre incapable d’adopter une position commune afin de soulager les victimes de la guerre en Syrie, au Yémen ou ailleurs ou même d’avancer dans le règlement de la crise ukrainienne, il suscite récriminations, critiques et appels à une réforme radicale de sa composition et de son fonctionnement.

Au cours de son histoire, le Conseil a fait preuve d’une grande capacité d’adaptation face aux transformations du monde et à l’apparition de menaces et de défis dont les États fondateurs de l’ONU ne pouvaient imaginer la nouveauté et l’ampleur. Qu’on pense seulement aux changements climatiques ou aux pandémies de maladies infectieuses comme facteur de conflits.

Depuis quelques années, le Conseil est souvent critiqué pour son inaction, son impuissance et ses divisions. Il y a une part de vérité dans ce constat, mais une analyse minutieuse des faits démontre au contraire qu’il agit très souvent et en toute collégialité. En 2018, le Conseil a tenu 288 séances, abordé 49 questions, dont 28 sur des situations propres à un pays et 21 sur des thématiques diverses, et adopté 54 résolutions dont l’immense majorité à l’unanimité des quinze membres. Seuls trois vetos ont été exercés à propos de la Syrie, du Yémen et de la Palestine. Le Conseil n’est donc pas bloqué.

Le plus frustrant pour nombre de pays et de commentateurs, c’est que le comportement du Conseil n’est pas toujours exemplaire et, dans son action comme dans son inaction, il sert d’abord et avant tout les intérêts des cinq permanents et de leurs alliés. En cela il est le reflet de la société internationale et des rapports de force qui s’y exercent.

Ce n’est pas une raison pour désespérer. Le Conseil est un organe politique et, à ce titre, il s’ajuste aux circonstances souvent complexes et surtout changeantes du monde actuel. Il recèle encore des potentialités, souvent inconnues, dont il appartient à tous les membres de l’ONU de les développer. Cette situation laisse ouvert un champ de possibilités quant aux nouvelles modalités à trouver pour son fonctionnement et pour une éventuelle réforme. Plus immédiatement, le défi des prochaines années sera de renforcer la confiance des peuples envers l’ONU et son Conseil en démontrant au quotidien que les divergences de fond entre États n’empêchent pas l’adoption de mesures visant à maintenir la paix et la sécurité internationales.

À quoi sert le Conseil de sécurité des Nations unies ?

Jocelyn Coulon

Les Presses de l’Université de Montréal, juin 2020

64 pages

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