Des banques russes bientôt exclues de Swift

L’Europe et les pays du G7 se sont entendus samedi pour exclure en partie la Russie du réseau bancaire Swift, ce qui mettra davantage de pression économique sur le pays de Vladimir Poutine. Mais que peut-on faire d’autre pour exercer de la pression et trouver une solution à cette guerre ?

Rouage essentiel des échanges bancaires internationaux

Après plusieurs jours de discussions, les pays d’Europe et du G7 se sont entendus samedi pour exclure en partie la Russie du système Swift, le principal réseau bancaire international, utilisé par les institutions financières d’Europe et d’Amérique du Nord.

L’Allemagne, qui achète environ 65 % de son gaz naturel de la Russie, hésitait, car elle craint des répercussions sur les livraisons de gaz et de pétrole russes. L’Allemagne a consenti samedi à exclure de Swift environ 70 % du marché bancaire russe, soit les banques russes déjà visées par des sanctions de l’Union européenne. Le Canada est favorable à une exclusion complète de la Russie du système Swift.

« Dans l’état actuel des choses, [l’exclusion de Swift] est le meilleur levier sans l’ombre d’un doute, si on veut que les sanctions économiques fassent mal », dit le professeur Charles-Philippe David, fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques à l’UQAM.

« Je ne vois pas d’acte rationnel qui puisse arrêter la Russie maintenant, mais Swift ferait mal à court et moyen terme. Ça pourrait inciter la Russie à retourner à la table de négociations », dit l’experte Ekaterina Piskunova, chargée de cours en science politique à l’Université de Montréal.

Même bannie du réseau Swift, la Russie pourrait encore se faire payer – notamment pour ses exportations – avec un autre système (par exemple celui de la Chine), mais ce serait plus compliqué et plus coûteux. Un ex-ministre des Finances de Russie a déjà évoqué une contraction de l’économie russe de 5 % si la Russie est exclue de Swift à long terme. Swift est utilisé par 11 000 institutions financières dans 200 pays. L’Iran a déjà été exclu du système Swift en 2012 et en 2019.

Cesser d’acheter du pétrole et du gaz russes ?

Ce serait sans doute la sanction économique la plus draconienne. D’abord pour la Russie, troisième producteur d’énergie au monde. Le secteur de l’énergie représente de 15 % à 20 % de l’économie russe. Environ 40 % des revenus du gouvernement fédéral russe proviennent du pétrole et du gaz.

Le problème : ça affecterait aussi l’Europe, qui en est dépendante. Environ 40 % du gaz des pays de l’Union européenne provient de la Russie. Environ 25 % de leur pétrole aussi. « Arrêter d’acheter du gaz et du pétrole russes ferait une grosse différence pour la Russie. Mais ce n’est pas une menace crédible », dit le professeur Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal.

Autre problème, peut-être encore plus important : bannir le pétrole russe pourrait faire monter le prix du baril du pétrole –, ce qui exacerberait l’inflation, déjà un problème aux États-Unis, au Canada et en Europe.

Soutenir (indirectement) les Ukrainiens sur le plan militaire

Les pays de l’OTAN – dont le Canada, les États-Unis, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni – ont indiqué qu’ils n’interviendraient pas militairement en Ukraine, qui ne fait pas partie de l’OTAN. Il s’agit de la bonne décision, font valoir les experts Jocelyn Coulon (du CÉRIUM) et Ekaterina Piskunova. « C’est tragique pour l’Ukraine, mais ça signifierait le déclenchement de la Troisième Guerre mondiale », dit Mme Piskunova. Charles-Philippe David rappelle toutefois que les pays comme le Canada doivent « faire tout ce qu’ils peuvent pour aider les Ukrainiens [sur le plan militaire] sans s’ingérer directement », comme fournir des armes, du financement et de l’aide humanitaire.

Renforcer les frontières des pays de l’OTAN

Les Américains n’interviendront pas militairement en Ukraine. Mais le président Joe Biden a aussi été très clair : si la Russie franchit la ligne de l’OTAN (par exemple en Pologne, en Lettonie, en Lituanie ou en Estonie), les pays de l’OTAN et les Américains interviendront militairement. L’administration Biden a envoyé 14 000 soldats supplémentaires en Europe depuis le début de la crise, dont 7000 soldats jeudi au premier jour de la guerre Russie-Ukraine. « Il faut être très ferme, très uni et passer des messages très clairs », dit le professeur Charles-Philippe David.

Une solution négociée

Difficile d’imaginer une solution diplomatique avec les chars d’assaut russes en Ukraine. Mais plusieurs experts estiment que la Chine, un allié de la Russie, détient une partie importante de la solution à ce conflit. « C’est le seul pays avec un certain levier sur la Russie », dit Charles-Philippe David.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, la Chine n’a pas condamné l’invasion russe, mais elle a tout de même rappelé vendredi qu’il est nécessaire de « respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les pays ».

« La Russie n’est pas isolée sur la scène internationale », dit Jocelyn Coulon, chercheur au Centre d’études en relations internationales de l’Université de Montréal et ex-conseiller politique du gouvernement Trudeau. « Les pays du G7 doivent tenter d’asseoir les Russes et les Ukrainiens à la même table pour trouver une solution, dit-il. Malheureusement [pour l’Ukraine], la Russie est une grande puissance, et les autres puissances ont décidé qu’elles n’aideraient pas, car ce serait la guerre mondiale. »

Imposer des sanctions économiques plus importantes – comme l’exclusion de la Russie du système Swift annoncée samedi – pourrait toutefois exercer une pression suffisante sur la Russie pour qu’elle négocie véritablement une sortie de crise, selon plusieurs experts.

— Avec l’Agence France-Presse et la collaboration de Marc Thibodeau, La Presse

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