ÉDITORIAL ALEXANDRE SIROIS

Le virus, Trump et nous

Oh, qu’on se console quand on se compare avec nos voisins américains et qu’on observe la façon dont Donald Trump gère l’épidémie de COVID-19 !

Le président américain a la fâcheuse tendance de minimiser à l’excès les risques associés au coronavirus. Il a récidivé cette semaine alors qu’il était interviewé par son ami Sean Hannity sur les ondes de Fox News.

Donald Trump a d’abord cité son « intuition » pour soutenir que le taux de mortalité se situe « bien en dessous de 1 % » (il est encore très difficile de le déterminer avec précision, mais notons que l’OMS estime qu’il est actuellement de 3,4 % dans la population générale).

Puis, le président républicain a dit que des « centaines de milliers de personnes prennent du mieux en se reposant ou même en allant au travail ».

Imaginez le cauchemar pour les experts en santé publique ! Ils tentent de limiter la transmission du virus et souhaitent que les malades et les cas suspects s’isolent du reste de la population pendant que leur président insinue qu’il n’y a pas de mal à aller travailler si on est infecté.

« La chose la plus importante est de rester à la maison si vous êtes malade », a plutôt expliqué cette semaine à Ottawa l’administratrice en chef de la santé publique du Canada, Theresa Tam. Elle était entre autres en compagnie de la vice-première ministre Chrystia Freeland. Celle-ci a pris la tête d’un nouveau comité spécial créé mercredi pour centraliser la gestion de crise au gouvernement fédéral.

On se compare et on se console, donc, en voyant la façon posée et rassurante avec laquelle nos élus, conjointement avec les experts en santé publique, réagissent jusqu’ici. Tant à Ottawa qu’à Québec.

Ils font le point régulièrement pour nous tenir au courant de l’évolution de la situation et des diverses mesures adoptées, mais aussi pour offrir les conseils opportuns.

Et dans l’ensemble, il faut le dire, les principaux gestes ont été mesurés et appropriés. Y compris les investissements annoncés par Ottawa dans la recherche sur le coronavirus vendredi.

En revanche, il reste du progrès à faire quant à la gestion de l’épidémie. Les doléances présentées au cours des derniers jours par le président du syndicat des douanes et de l’immigration, Jean-Pierre Fortin, le démontrent.

Il se demande pourquoi – comme certains experts, d’ailleurs – on n’offre pas plus d’information aux voyageurs en lien avec le coronavirus dans nos aéroports et on n’a pas un plus grand nombre d’agents de Santé Canada qui font de la prévention et de la détection.

Il n’y a que deux ou trois de ces agents déployés dans chacun des trois plus grands aéroports du pays (à Montréal, Toronto et Vancouver), a souligné M. Fortin, qui en réclame davantage pour sensibiliser les voyageurs et détecter ceux qui pourraient être porteurs du virus. Il se demande aussi pourquoi un agent de quarantaine n’a pas été déployé dans chacun de ces aéroports.

Tout ça demeure primordial alors que l’objectif est de limiter le plus possible les transmissions dans les communautés du pays. Pour y parvenir, évidemment, on a besoin de mesures strictes aux frontières.

Au Québec, on l’a vu, les hôpitaux désignés sont prêts à faire face à une éventuelle augmentation du nombre de cas. C’est rassurant, mais il y a également plus à faire.

Selon l’avis d’une douzaine de médecins torontois publié hier dans le Journal de l’association médicale canadienne, pour éviter de surcharger les hôpitaux, il est souhaitable d’ouvrir des cliniques externes pour y pratiquer des tests. Développer un programme de prélèvements à domicile est aussi à envisager. Les deux options sont évaluées à Québec, nous dit-on, et l’ouverture de cliniques devrait être annoncée bientôt.

Dans le même ordre d’idées, se soucier davantage de la première ligne à travers la province s’impose. La communication des procédures et des outils d’information destinés aux diverses cliniques et CLSC n’est pas encore optimale.

Il n’y a dans tout ça rien, bien sûr, qui devrait nous faire céder à la panique. Mais face à cette épidémie, nos autorités sanitaires auraient tout avantage à améliorer dès maintenant ce qui est perfectible. Et à trouver dès aujourd’hui des façons de résoudre les problèmes qui vont se poser demain.

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