Chronique

Pour ou contre des funérailles nationales pour René Angélil ?

René Angélil aura droit à des funérailles nationales vendredi à la basilique Notre-Dame de Montréal, là où a eu lieu son mariage avec Céline Dion en 1994. Vous êtes-vous demandé pourquoi ?

Pourquoi un tel honneur ? Et pourquoi des funérailles nationales plutôt qu’officielles (qu’on appelle « civiques ») ou privées ?

Cette décision du gouvernement Couillard a quand même suscité un certain nombre de critiques. Sur Facebook, le comédien Raymond Cloutier, directeur général et artistique du Théâtre Outremont, a fait part de son malaise : « Si tous les hommes d’affaires, les visionnaires, les internationaux, artistes, athlètes, joueurs, commerçants, aimés de tous, avec beaucoup d’amis, devaient recevoir des funérailles officielles, cela deviendra ingérable et probablement ridicule », a-t-il écrit.

Son commentaire a engendré un tollé de réactions (des pour et des contre, mais surtout des pour), et plus de 1250 personnes ont dit « aimer » ça.

En prenant connaissance du débat, je me suis aussi interrogée sur cette décision gouvernementale et sur le sens des funérailles nationales. Qu’est-ce que ça veut dire ? À qui réserve-t-on ces obsèques, et en vertu de quels critères ?

Et en y pensant bien, je trouve que c’est une bonne décision.

Que M. Cloutier se rassure : cet hommage n’a été accordé que six fois depuis 1996. M. Angélil sera le tout premier homme d’affaires à avoir droit à des funérailles nationales au Québec. Pierre Péladeau n’en a pas eu. Pas plus que Paul Desmarais.

Le dernier Québécois à avoir reçu cet hommage est Jean Béliveau, en 2014.

Tout d’abord, il faut savoir qu’il y a trois types d’obsèques officielles : les funérailles d’État, nationales et civiques.

Les funérailles d’État sont réservées aux ex-premiers ministres, au premier ministre et à certains ex-ministres. Elles sont organisées par le Protocole, un bureau qui relève du ministère des Affaires internationales. René Lévesque, Robert Bourassa, Pierre Elliott Trudeau et Jacques Parizeau ont eu des funérailles d’État. Tout comme les ex-ministres Camille Laurin et Claude Ryan.

Les obsèques nationales, elles, permettent de souligner la contribution exceptionnelle d’une personnalité de la scène politique, culturelle, sociale ou sportive. Dans le passé, le hockeyeur Maurice Richard, le syndicaliste Louis Laberge et le cinéaste Gilles Carle ont eu droit à des funérailles nationales.

Les funérailles« civiques », qui ont été tenues le 9 janvier à la suite de la mort de l’ex-maire de Québec Jean-Paul L’Allier, sont habituellement réservées à une personne morte en fonction, lors d’un événement ou d’une tragédie, comme celle des Éboulements qui a fait 44 morts en octobre 1997. Elles peuvent aussi être réservées à un maire (ou à un ex-maire). Je parie qu’on songe à en organiser pour les six coopérants de la région de Québec qui ont péri dans l’attentat terroriste à Ouagadougou, le 15 janvier.

Mais revenons aux funérailles nationales et à M. Angélil. La décision d’en organiser appartient au gouvernement du Québec, et il n’y a pas de véritable critère pour les accorder. Il faut seulement que la personne ait marqué la vie politique, culturelle ou sociale du Québec. C’est un hommage rendu de manière officielle à des Québécois au parcours exceptionnel. Une définition somme toute assez vague. Car si Maurice Richard et Gilles Carle ont eu des funérailles nationales, on a refusé d’en tenir pour Claude Léveillée et Alys Robi.

Qui ramasse la facture ? Le gouvernement. Le Protocole paie entièrement les funérailles d’État. Les obsèques de Robert Bourassa, par exemple, avaient coûté 55 000 $ en 1996.

Pour des funérailles nationales, Québec s’occupe des frais de l’église et la famille paie la maison funéraire. Le Protocole a déboursé 19 000 $ à l’enterrement du peintre Jean Paul Riopelle, en 2002. La Sûreté du Québec assume les coûts reliés à la sécurité lors de funérailles d’État et nationales.

La question est de savoir si René Angélil a laissé son empreinte dans la vie des Québécois. Oui. À ce que je sache, le Québec n’a pas engendré d’autres imprésarios aussi connus que lui, et pas seulement auprès des gens du milieu culturel ou du milieu des affaires, mais de tous les Québécois, peu importe leur origine. Il était connu de tous, aimé et admiré.

C’était un entrepreneur redoutable, oui, mais aussi un grand ambassadeur de la culture québécoise populaire.

On a salué son ambition, sa vision, sa détermination et son immense faculté de rêver en couleurs. L’imprésario de Céline Dion a marqué le monde de la chanson et la culture du Québec sans l’ombre d’un doute ; il a aussi inspiré toute une génération d’entrepreneurs culturels en repoussant les limites de nos rêves et en faisant de Céline Dion la chanteuse québécoise la plus connue et la plus adulée sur la planète. Ce n’est pas donné à tout le monde de réaliser un tel exploit.

À sa manière, on peut dire qu’il a changé le Québec.

Le public pourra lui rendre un dernier hommage à la basilique Notre-Dame, où se tiendra une chapelle ardente jeudi, de 14 h à 21 h.

« Tout va être correct, ne vous inquiétez pas », comme il se plaisait à le répéter à ses proches.

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