Un homme détestable Notre polar estival

Chapitre 2 : La béatitude

Panneton connaissait bien les hauteurs de Westmount, pour y avoir patrouillé au début de sa carrière. On y sent plus souvent des pièces de viande sur le gril que de la chair brûlée.

Des systèmes d’alarme déclenchés par des animaux domestiques, des plaintes contre des voisins bruyants, des bagarres entre parents dans un match de soccer au parc King George… Avec un peu de chance, un délit de fuite impliquant une voiture allemande mais sans blessé… C’était à peu près toute l’action qui s’offrait à un patrouilleur. Pas un territoire pour parfaire ses talents d’enquêteur.

Quels talents, d’ailleurs ? Aux Homicides, Panneton le savait, on le tenait au mieux pour un tâcheron. Appliqué, certes, à son affaire… Mais sans envergure.

En reculant pour embrasser tout le décor, qui n’était pas sans beauté malgré l’ampleur de la destruction, il repensa à ce que lui disait son commandant 30 ans plus tôt : « Y a autant de bandits ici que dans le bas de la ville, y font juste moins de bruit. »

— Ouais, ben… celui-là est parti dans un crisse de bang…

Il était 17 h et deux choses absolument étonnantes arrivèrent en même temps. Premièrement, sa femme ne l’appela pas. Deuxièmement, le bureau l’informa d’un « développement majeur » : on venait de trouver la tête de Meursault.

La tête avait été enroulée dans du papier journal et déposée au secrétariat de l’Autorité des marchés financiers. On avait épinglé sur le front de l’homme d’affaires une note dactylographiée tirée des Béatitudes : « Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés ! » (Matthieu 5 : 6).

Les enquêteurs ne tardèrent pas à remarquer que le journal ayant servi à « emballer » la tête de Meursault était le numéro de L’Osservatore Romano du 14 mars 2013, qui annonçait l’élection, la veille, du pape François.

Prochain chapitre

Nathalie Petrowski : Un grand vin

Résumé du chapitre précédent

L’homme d’affaires Antoine Meursault a été assassiné. Ses restes ont été retrouvés, éparpillés sur le terrain de sa luxueuse résidence, détruite par une explosion. Avait-il été abattu d’une balle dans le thorax ? L’avait-on crucifié ? Avait-il été brûlé vif ? Et qui donc pouvait lui en vouloir ? L’enquête a été confiée à l’inspecteur Roger Panneton… qui se demande bien pourquoi on l’a choisi pour cette délicate mission.

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