Inégalités sociales

La dignité, c’est pour tout le monde

En cette Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, rappelons-nous qu’au cœur de cette lutte, il y a d’abord celle pour le droit à la dignité.

L’Organisation des Nations unies le stipule dès le préambule de sa Déclaration universelle des droits de l’homme : la dignité est le fondement même de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.

C’est dans cet esprit que l’organisme a instauré la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, dont nous célébrons ce lundi le 30e anniversaire.

Malgré tout, en dépit de ces admirables principes et de tous les efforts consentis depuis plus de 30 ans, les inégalités sociales continuent de se creuser. Comme on l’a rappelé à maintes reprises depuis deux ans, ce sont les populations en situation de vulnérabilité qui ont le plus souffert de la pandémie de COVID-19 et qui continuent d’en subir les contrecoups les plus négatifs.

À cela s’ajoute l’inflation galopante que nous connaissons présentement et qui vient accentuer la pression — sur toute la population, bien sûr, mais tout particulièrement sur ces mêmes personnes en situation de défavorisation.

La réussite sociale

Dans cette difficile lutte contre la pauvreté, l’éducation est considérée comme la meilleure arme dont nous disposons. Mais si la réussite scolaire des jeunes est un objectif prioritaire, il ne faut pas pour autant négliger leur réussite sociale.

Prenons la rentrée scolaire. Pour la plupart des enfants et des adolescents, elle est synonyme de nouveautés. Camarades de classe, titulaires, horaires : tout change, et souvent même l’école elle-même, le service de garde, le trajet d’autobus… Ça fait beaucoup de nouveautés à intégrer en peu de temps, et ça explique la hausse du taux d’anxiété chez les jeunes. La situation est similaire pour les parents, qui doivent prévoir et préparer tous ces changements (souvent pour deux ou trois enfants) et accompagner les jeunes dans leur quotidien.

Selon une étude à paraître dans les prochaines semaines, 70 % des parents se disent préoccupés par les dépenses reliées à la rentrée scolaire.

Inflation ou pas, la rentrée est source de tensions familiales, alors que les parents réalisent qu’ils ne seront pas en mesure d’acheter tout le matériel et tous les vêtements requis. On pourrait ajouter le titre de transport en commun, les lunchs, les activités parascolaires ainsi que les nombreuses communications et rencontres que l’on doit inscrire au calendrier familial. Cette situation met une pression sociale et économique tant sur les épaules des parents que sur celles des enfants.

Bien sûr, plusieurs organismes communautaires ont pour mission de leur venir en aide, en offrant du soutien scolaire ou psychosocial. Mais cette année, en raison entre autres de la fin de certains financements gouvernementaux liés à la pandémie, cette offre a diminué. Ce qui veut dire que la pression s’est accentuée et que les inégalités se sont creusées. On peut penser notamment à l’accès inégal à de l’équipement technologique ou encore aux effets des retards scolaires en raison de la pandémie.

Accompagner dès la petite enfance

Au cœur de la lutte contre la pauvreté, l’inclusion sociale doit débuter à la petite enfance. Nous ne formerons pas des citoyens complets en les excluant dès le primaire.

Lors d’une visite dans un organisme d’un quartier de Montréal, un garçon de 16 ans me confiait que plus l’année avançait, plus le contenu de sa boîte à lunch diminuait. En plus de ses études au secondaire, il travaille maintenant plus de 25 heures par semaine afin d’aider sa mère à payer le loyer et prendre soin de ses deux petits frères.

Je prédis que dans six mois, nous entendrons parler de décrochage scolaire lié à l’inflation, d’ados délaissant leurs études afin de contribuer au budget familial.

Ce phénomène est d’ailleurs déjà perceptible, mais on peut facilement imaginer qu’il prendra de l’ampleur. En tant que société, nous sommes en train de nous magasiner de sérieux problèmes.

L’école est un lieu de socialisation important dans le développement des jeunes. Le confinement pandémique a creusé un fossé dans l’apprentissage du mieux-vivre en société, entraînant une perte d’habiletés sociales.

Il est impossible de refermer une plaie ouverte avec des pansements temporaires. C’est pourtant ce que l’on fait dans la lutte contre la pauvreté. Les personnes en situation de pauvreté ou d’exclusion ne choisissent pas d’être confrontées à ces enjeux et s’y retrouvent pour des raisons largement indépendantes de leur volonté.

Quand il est question de dignité comme socle des droits fondamentaux, il est bon de se rappeler que cette dignité ne devrait pas être tributaire de notre condition sociale. Elle est intrinsèque à l’existence humaine. La dignité appartient à tous et à toutes, et c’est ce qui devrait être au cœur de nos travaux sur l’élimination de la pauvreté et de l’exclusion sociale.

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