Démocratiser la réalité augmentée

Amir Baradaran veut simplifier au maximum la création de contenus en réalité augmentée. Grâce à la plateforme qu’il développe avec des codeurs et des ingénieurs, l’entrepreneur qui a enseigné à l’Université Colombia mise tout sur la démocratisation du web 3.0.

Avec les années, le grand public s’est familiarisé avec la réalité virtuelle accessible grâce à un casque ou à des lunettes. Pendant ce temps, les spécialistes de la réalité augmentée ont développé une technologie permettant de juxtaposer des éléments générés par ordinateur à l’environnement de chaque utilisateur par l’entremise d’un téléphone, d’une tablette ou de lunettes.

L’avancée est enthousiasmante et inquiétante aux yeux d’Amir Baradaran, diplômé en arts, en communications, en développement international et en psychologie des universités McGill et Concordia. « Je trouve ça triste de voir que la technologie qui va changer nos vies n’est maîtrisée que par une poignée de spécialistes, dit-il. Quand on analyse la démographie de ces gens, qui, aux États-Unis, se retrouvent surtout dans la Silicon Valley, on constate très peu de diversité et d’inclusion. »

Plutôt que de limiter l’avenir du web aux ingénieurs et aux spécialistes en codage, il souhaite en démocratiser l’usage.

« On veut amener les créateurs de contenus comme les enseignants, les artistes, les médias et tous les autres qui ne sont pas formés pour coder à s’approprier la réalité augmentée en fonction de leurs besoins. »

— Amir Baradaran

En d’autres mots, sa plateforme, ABXR, sera à la création de contenu en réalité augmentée ce que Squarespace et Wix sont pour la création de sites web pour le commun des mortels. « On automatise l’expertise technique requise pour que les gens puissent utiliser une interface simple et personnaliser le tout. »

Projet pilote à l’Université Colombia

Son innovation a été testée quand la pandémie a catapulté les étudiants du monde entier en visioconférence. « L’Université Colombia m’a demandé comment on pouvait amener l’apprentissage expérientiel aux étudiants chez eux, dit Amir Baradaran, entrepreneur canado-iranien. À partir de là, mon équipe a travaillé avec un professeur de physique qui comprenait déjà que la réalité augmentée allait changer nos façons d’apprendre et de communiquer. Ses étudiants suivaient ses classes sur Zoom le matin et utilisaient la plateforme en après-midi pour mettre le tout en pratique. »

Fait rare dans le milieu universitaire américain : Amir Baradaran détient les droits de son innovation. « Aux États-Unis, tout ce que tu inventes appartient aux institutions. Ce sont des corporations privées qui gèrent des milliards et qui sont très protectrices de ce qui se fait chez elles en recherche et en innovation. »

Une clause dans son contrat l’obligeait à proposer à Colombia un premier droit de création d’entreprise. « À l’époque, ils ne croyaient pas que la réalité augmentée était quelque chose de transposable en modèle d’affaires et ils m’ont permis de partir avec mon idée. »

Le « printemps » de l’intelligence artificielle

Quand on questionne l’ex-Montréalais sur la stratégie qu’il prévoit adopter pour que la population s’intéresse à la réalité augmentée, il répond qu’il n’a rien d’un évangéliste.

« La transition vers l’intelligence artificielle a déjà commencé. Dans les années 1980, c’était impossible de trouver des fonds pour des recherches dans le domaine. Maintenant, tout le monde en parle. »

— Amir Baradaran

« On est dans le printemps de l’intelligence artificielle », ajoute-t-il.

Il compare la situation actuelle à celle des télécommunications. « Si on m’avait dit en 2007 que toutes nos vies seraient réduites à des téléphones intelligents qui permettent de communiquer, de nous informer, de gérer nos finances et de nous divertir, j’aurais dit que c’était presque impossible que tout cela se résumait à un gadget et que tout le monde y adhérait. Pourtant, on a assisté à un changement de paradigmes. »

Il croit également que l’état de la réalité augmentée est semblable à celui du cinéma au XXsiècle. « On est au début du mouvement, comme le cinéma l’était dans les années 1920, alors que les films étaient sans son, en noir et blanc. Avec le temps, on va remplacer les écrans en deux dimensions par une technologie en trois dimensions immersive et interactive. »

Professeur et artiste, Amir Baradaran est désormais un homme d’affaires. « J’ai toujours été un entrepreneur, précise-t-il. Mon parcours de militant dans le mouvement étudiant, le mouvement LGBTQ+ et les mouvements politiques pour les personnes de couleur m’a permis d’apprivoiser la précarité et de développer une agilité qui me sert énormément en entrepreneuriat aujourd’hui. »

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