Blé d'Inde

Les entourloupettes de la langue

Les beaux jours d’été, on se réunit pour déguster des douzaines d’épis sucrés et croquants lors d’épluchettes de blé d’Inde. De toute la francophonie, les Québécois sont d’ailleurs les seuls à utiliser l’expression « épluchette de blé d’Inde ». Tellement que certains croient – peut-être à tort – que cette fête estivale a été inventée ici.

« "Épluchette de blé d’Inde", c’est propre au Québec, mais il y a un équivalent. L’activité existe ailleurs, mais elle s’appelle autrement », explique Danielle Turcotte, directrice linguistique de l’Office québécois de la langue française (OQLF).

En France, par exemple, l’activité d’éplucher les maïs a porté divers noms au fil du temps comme « dépailloutage », « ébouraison », « débourrage », « échenillage » ou encore « espérouquère ». Une espérouquère de blé d’Inde ? Rassurez-vous ! Même en France, le mot est devenu archaïque.

Aujourd’hui, c’est le mot « effeuillage » qui est le plus souvent utilisé par nos cousins français.

« Blé d’Inde » est aussi un exemple de mot couramment utilisé ici alors qu’il est considéré comme ancien sur l’autre continent.

Cette expression est née en Amérique, plus précisément aux Antilles, lorsque Christophe Colomb y a débarqué pour la première fois. Le navigateur était convaincu d’arriver en Inde et il avait alors nommé le maïs, qui était abondamment cultivé par les Amérindiens, le blé d’Inde. 

Deux-cents ans plus tard et en quête d’indépendance, les Québécois ont continué à parler de blé d’Inde, même si ce n’était plus utilisé en France, explique Mme Turcotte. « On dit que cette appellation a été perçue comme étant une façon d’assouvir notre désir d’émancipation et une façon d’affirmer notre identité. C’est ce qui fait que le mot a perduré au Québec et qu’aujourd’hui, il est toujours présent. »

Et la tire Sainte-Catherine ?

La tire Sainte-Catherine est un autre exemple d’aliments qui n’a peut-être pas été inventé au Québec, au XVIIe siècle, contrairement à certaines croyances. « On a aussi longtemps pensé que c’était quelque chose qui était propre au Québec, que c’était Marguerite Bourgeoys qui, pour attirer les Indiens à l’école, avait inventé cette recette », raconte Mme Turcotte.

Pourtant non ! Aux États-Unis, la préparation de taffy, des bonbons à la mélasse, devenait une fête durant laquelle les jeunes célibataires avaient l’occasion de se rencontrer. C’est seulement plus tard que des célébrations semblables ont eu lieu au Québec.

« Ce qu’on peut tirer de ça, c’est que l’histoire appartient à ceux qui l’écrivent », raconte Mme Turcotte.

Saviez-vous que… ?

• Dans les médias, l’appellation blé d’Inde a tendance à perdre un peu de terrain devant son concurrent maïs. En revanche, pour l’expression épluchette de…, c’est au contraire blé d’Inde qui demeure, et de loin, le plus utilisé, selon l’OQLF.

• Le blé d’Inde a été l’un des premiers termes canadiens (voire québécois) à faire son entrée dans les dictionnaires de France.

• Dans un passé pas si lointain, un épi de maïs rouge était dissimulé parmi les jaunes lors des épluchettes de blé d’Inde. La personne qui déballait le maïs rouge était proclamée le roi ou la reine de l’épluchette et obtenait le droit de recevoir un baiser de la personne de son choix.

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