Projet de loi sur la gouvernance climatiquE
Des changements majeurs toujours nécessaires

L’étude détaillée du projet de loi 44 visant la gouvernance efficace de la lutte contre les changements climatiques (PL 44) a repris la semaine dernière.

Selon le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, tous les groupes entendus en commission parlementaire sauf un auraient jugé « qu’il valait mieux adopter ce projet de loi que de ne pas en avoir du tout » (27 août). Ayant comparu ou participé au dépôt de mémoire, nous attestons qu’aucun sceau d’approbation généralisé n’a été accordé au PL 44. Une collaboration étroite entre le ministre et les partis de l’opposition est donc nécessaire pour l’améliorer.

Si le PL 44 fait certains pas dans la bonne direction, il recule sur d’autres points et est loin d’assurer que les mesures proposées soient efficaces et transparentes pour permettre au Québec d’atteindre ses objectifs climatiques.

En effet, une copie de la politique-cadre pour une économie verte, obtenue par La Presse en juin**, suggère que les mesures envisagées permettront, au mieux, d’atteindre 60 % de la cible de réductions des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030.

Dans sa volonté de simplifier la gouvernance climatique, le gouvernement propose d’abolir, dans son PL 44, le Conseil de gestion du Fonds vert et Transition énergétique Québec (TEQ). Or, le PL 44 maintient la confusion et politise l’ensemble des décisions en remettant les rênes de la gouvernance du Fonds et de la lutte contre les changements climatiques au ministre de l’Environnement et ceux de la transition énergétique (représentant 70 % des émissions québécoises) au ministre de l’Énergie.

De nombreux experts entendus en commission redoutaient l’abolition de ces deux organismes. Dans le cas du Conseil, c’est désormais chose faite depuis la semaine passée. Avec l’adoption de l’article traitant de son abolition, le gouvernement prive les Québécois de la principale instance mandatée pour examiner, avec une certaine indépendance, le dysfonctionnement du Fonds vert et d’harmoniser le processus de reddition de comptes.

Dans le cas de TEQ, dont l’abolition est à l’étude, le gouvernement privera les Québécois d’un organisme indépendant qui assume la coordination interministérielle des services et des programmes reliés à la transition énergétique. La structure actuelle permet de gérer avec souplesse, transparence et imputabilité plusieurs initiatives, et le plan directeur 2018-2023 constitue un premier pas qui doit être bonifié.

Le PL 44 aurait dû intégrer davantage ces deux organismes et leur donner un réel levier sur l’ensemble de l’appareil gouvernemental. Mais, à la place, il met le ministre de l’Environnement en position de « juge et partie » d’un fonds dont son ministère est lui-même bénéficiaire et dilue la responsabilité des actions entre deux ministères.

Pour bien faire son travail, le ministre de l’Environnement devrait se concentrer sur l’essentiel : déterminer et gérer les priorités du Québec dans la lutte contre les changements climatiques, mais laisser la gestion du Fonds vert et des mesures visant à atteindre les objectifs à des organismes transparents et indépendants.

Si le PL 44 a le potentiel de résoudre certains enjeux de coordination, il est loin d’en offrir la garantie dans sa mouture actuelle. Pour dépolitiser la transition énergétique et la lutte contre les changements climatiques, le ministre doit bonifier le PL 44 en y intégrant les recommandations proposées en commission et travailler avec l’opposition. Il n’est pas trop tard pour faire les choses correctement.

* M. Mousseau est également directeur académique à l’Institut de l’énergie Trottier, Polytechnique Montréal

* Lisez « Le plan vert de Legault rate sa cible »

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