Vaccination obligatoire des travailleurs de la santé

Des ruptures de services appréhendées

Le gouvernement présentera son plan de contingence la semaine prochaine

Québec et Montréal — Alors que la date butoir, soit le 15 octobre, approche, les risques de ruptures de services menacent différents secteurs du réseau de la santé et des services sociaux, aux prises avec de nombreux employés non vaccinés. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, promet de présenter son plan de contingence la semaine prochaine.

Le gouvernement Legault présentera son fameux plan de contingence, très attendu, qui vise à pallier le départ de milliers de travailleurs du réseau public de la santé et des services sociaux qui ne seront pas adéquatement vaccinés à l’entrée en vigueur de la vaccination obligatoire dans une semaine.

Au plus récent bilan, au moins 27 000 employés n’avaient pas reçu leurs deux doses de vaccin, dont près de 12 000 font partie du personnel soignant.

« Ça avance, mais ce n’est pas facile, parce qu’il faut avoir une vue globale », a convenu jeudi le ministre de la Santé. « Je pense qu’on se doit de le donner à la population pour rassurer les gens, que peu importent les scénarios qui vont être sur la table, on va le publier, clairement », a-t-il ajouté.

Nombre de CISSS et de CIUSSS consultés par La Presse ont affirmé en être à compiler le nombre final de travailleurs qui seront suspendus sans solde le 15 octobre et à élaborer leur plan pour assurer le maintien des services dans le réseau et le secteur privé. Certains ont parlé d’un exercice majeur de réorganisation.

Le ministre Dubé espère que les départs liés à la vaccination obligatoire pourront en partie être compensés par le succès de son opération de recrutement, lancée il y a deux semaines.

« Les renforts s’en viennent. »

— Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux

Il a confirmé l’ajout de 1007 infirmières à temps complet, dont 720 sont des travailleuses à temps partiel qui ont accepté un poste à temps plein.

M. Dubé a aussi indiqué que 1900 candidats étaient en négociation pour réintégrer le réseau public. « Je suis excessivement encouragé », a-t-il dit, jeudi.

Québec publie un tableau pour suivre l’évolution de la « réorganisation planifiée des services et corridors de transfert » depuis mercredi. Pour l’heure, les données fournies ne touchent que les services d’urgence, d’obstétrique et de néonatalogie. « On y est allé par ordre d’importance », a souligné M. Dubé. Les CHSLD et autres ressources d’hébergement seront ajoutés.

Équipe de la DPJ fragilisée

À Drummondville, l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) craint le pire alors qu’une équipe d’intervenants de la DPJ sera réduite de moitié.

L’équipe en question, qui intervient auprès des adolescents de 13 à 18 ans, perdra cinq employés non vaccinés à la date butoir, a confirmé l’APTS. Il faut savoir que cette équipe est composée en temps normal de 17 travailleurs, dont 7 reçoivent des prestations d’assurance salaire et n’ont pas été remplacés.

« Cette équipe va fonctionner à cinq personnes au 15 octobre », a indiqué le représentant national de l’APTS, Jean-Christophe Côté-Benoît. Il souligne que les employés qui resteront en poste ont l’impression d’être « ceux qui sont punis » plutôt que les non-vaccinés.

« Il y a une anxiété énorme qui s’installe parce que [les employés] ont déjà du mal à arriver à faire leur travail habituel. »

— Jean-Christophe Côté-Benoît, représentant national de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux

L’APTS fait observer qu’il est difficile de remplacer les intervenants en protection de la jeunesse puisque « la base de l’intervention sociale, c’est le lien de confiance » avec les familles. « On a peur, sans la surveillance et l’accompagnement des intervenants sociaux, de passer à côté de quelque chose et qu’un drame arrive », dit-il.

Le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec soutient que l’élaboration du plan de contingence est toujours en cours, mais que les services de protection de la jeunesse sont au nombre des secteurs d’activité répertoriés parmi ceux qu’« il faut à tout prix préserver » au-delà du 15 octobre.

Mercredi, le président par intérim de l’APTS, Robert Comeau, a dit estimer que de 600 à 800 employés de la DPJ ne seraient pas vaccinés.

« Défi supplémentaire » en Abitibi

Au CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue, 272 employés non vaccinés seront suspendus le 15 octobre, selon les prévisions, dont 66 infirmières. Ces départs représentent une pression supplémentaire pour l’établissement, déjà lourdement touché par les pénuries de personnel.

Il manque déjà 250 infirmières sur les 1000 nécessaires pour offrir l’ensemble des services. Les services d’obstétrique sont fermés depuis le 29 avril dans la municipalité de Ville-Marie et le resteront jusqu’au 19 novembre.

Un plan de contingence a dû être établi. « Nous avons planifié une réorganisation des services pour toute la région », affirme la PDG de l’établissement, Caroline Roy. « On s’est assurés que ce soit sécuritaire pour les patients. »

Ce plan prévoit, par exemple, que le nombre de lits aux soins intensifs passe de quatre à deux dans l’ouest de l’Abitibi. L’intensité des soins à domicile a été diminuée. Dans les cinq hôpitaux du CISSS, le nombre de salles d’opération a été réduit. À Senneterre, les urgences seront ouvertes de 8 h à 16 h. Une situation qui a été vertement critiquée cette semaine par le maire, Jean-Maurice Matte.

Le plan de contingence était nécessaire pour alléger la pression sur les infirmières, dont certaines font de 20 % à 30 % d’heures supplémentaires. « C’est un moment difficile à passer. Mais l’objectif, c’est de revenir à la normale le plus tôt possible », dit Mme Roy. Dans ces circonstances, l’échéance du 15 octobre sera un « défi supplémentaire », affirme celle qui assure n’être « tout de même pas inquiète ».

Éclosion de COVID-19

La ministre Blais a dit « n’importe quoi » en Chambre, selon une RPA

À bout de patience, aux prises avec une importante éclosion de COVID-19 chez ses résidants, la directrice d’une résidence privée pour aînés de la Beauce accuse la ministre Marguerite Blais d’avoir dit « n’importe quoi » au Salon bleu en soutenant que des renforts lui avaient été envoyés. « Tout le monde n’ose pas parler, mais moi, j’en ai plein mon casque ! Je fais quasiment du 24 heures ici ! Je suis crinquée, et je commence à être tannée ! » lance Catherine Paré, directrice générale de la Seigneurie du Jasmin, à Saint-Georges. Vingt-sept des 154 résidants sont atteints de la COVID-19, ce qui représente la deuxième éclosion en importance dans les RPA au Québec. Aucun membre du personnel n’est positif. Catherine Paré dit avoir demandé en vain, au CISSS de Chaudière-Appalaches, des renforts pour offrir des soins aux résidants. Interpellée au Salon bleu jeudi par la députée péquiste Lorraine Richard, Marguerite Blais a pourtant répondu que le CISSS avaient « donné les informations comme quoi cette résidence recevait actuellement de l’aide ». « Le CISSS prend ses responsabilités et aide sa résidence la Seigneurie ». Pour Catherine Paré, les propos de la ministre, « c’est n’importe quoi ».

— Tommy Chouinard, La Presse

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.