Reconversion d’espaces verts

Quel avenir pour les anciens golfs du Grand Montréal ?

Dans les dernières années, la perte de popularité de la pratique du golf s’est soldée par la fermeture de plusieurs terrains dans la grande région de Montréal. Depuis une décennie, plus d’une dizaine de ces sites ont été mis en vente par leurs propriétaires, et des projets variés ont été proposés aux citoyens et élus des municipalités concernées. Dans la plupart des cas, des intérêts privés proposent de convertir ces espaces en de nouveaux ensembles immobiliers et les pouvoirs publics y lorgnent aussi des requalifications industrielles.

Interrogée sur la question, Valérie Plante, mairesse de Montréal et présidente de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), a déclaré qu’une évaluation du potentiel écologique des anciens golfs devrait être réalisée afin d’envisager leur avenir. Trois dimensions importantes de cette dynamique, ancrées dans les principes du développement durable, méritent de retenir l’attention des citoyens et acteurs concernés pour cerner adéquatement la situation.

Tout d’abord, un terrain de golf constitue un site hautement aménagé qui, au fil des années, a reçu des tonnes d’intrants chimiques et où ce qu’il y a de vert sert essentiellement à faire rouler une balle ou à piéger les joueurs. Il est donc normal qu’après des décennies de ce type d’aménagement, la qualité de la faune et de la flore qui s’y trouvent ait été dégradée.

Or, lorsqu’il est question de caractérisation écologique de ces sites, deux visions s’opposent. D’abord, dans la pratique standard, un bureau d’études qui regarderait la situation actuelle et chercherait à trouver des milieux naturels intacts, des espèces vulnérables ou autres éléments d’intérêt, n’y trouverait que peu à se mettre sous la dent. Inévitablement, le rapport conclurait alors que l’intérêt écologique est plutôt faible et favoriserait, conséquemment, le développement du site.

Solution à la crise environnementale

Toutefois, si l’on change la lunette d’approche et que l’on adopte plutôt une vision régionale, la conclusion pourrait être tout autre. La grande région de Montréal peine à atteindre sa cible de 17 % de milieux naturels protégés. Et ce, sans compter la perte de plus de 80 % de la connectivité écologique de ses écosystèmes dans les 50 dernières années, une condition pourtant essentielle au maintien de la biodiversité et des capacités de lutte contre les changements climatiques.

Dans cette perspective, en portant un regard régional sur les anciens golfs, ceux-ci pourraient profiter d’une restauration écologique et faire partie de la solution à la crise environnementale, en créant de nouveaux noyaux d’habitats naturels et de production de services écosystémiques, comme la séquestration du carbone et la filtration de l’eau.

D’un point de vue social, la restauration écologique se présente également comme une option avantageuse. En effet, lorsque l’on considère que, durant des décennies, les golfs ont profité d’exemption de taxes municipales, c’est donc dire que la population a payé pendant des années pour que ces lieux demeurent verts. Pourquoi ceux-ci devraient-ils aujourd’hui être offerts à faible prix à des promoteurs et ainsi, contribuer à l’accaparement du bien public qu’est la nature par le privé ? Sans oublier l’enjeu sous-jacent de la justice environnementale, alors que l’accès aux milieux naturels par la population est à la fois de plus de plus en plus en demande, mais sans cesse plus ardu.

Finalement, lorsque l’on s’attarde à la dimension économique, cet argument est trop souvent mis de l’avant par les pouvoirs publics pour justifier la reconversion supposément inévitable de ces sites. Les villes et MRC nous diront alors qu’elles n’ont pas les fonds nécessaires pour les acquérir et les restaurer. Pourtant, en 2022, rien n’est plus faux. Jamais il n’y a eu autant d’argent au gouvernement du Canada pour protéger et restaurer des milieux naturels. Sans compter les fonds disponibles à Québec et auprès des organismes de conservation, tout comme les outils d’écofiscalité à la portée des villes et MRC.

Occasion historique

La CMM, avec ses valeurs environnementales et son leadership, pourrait facilement constituer, à l’instar de son Programme d’acquisition et de conservation d’espaces boisés (Fonds vert), un fonds d’acquisition et de restauration des anciens golfs, lequel serait mis à la disponibilité des villes et MRC de son territoire pour canaliser l’action écologique positive.

Les villes, les MRC et la CMM doivent réfléchir et agir, de pair avec les citoyens et les experts, afin de saisir une occasion historique. Il est rare que, dans un contexte métropolitain, de larges espaces verts soient soumis à la même dynamique et offrent l’occasion de se pencher sur une transformation substantielle et organisée du territoire.

Les décisions à venir nous permettront-elles de faire un trou d’un coup et de consolider des noyaux de biodiversité, favorisant la restauration d’habitats naturels et la connectivité écologique, d’optimiser notre potentiel d’adaptation aux changements climatiques et de réduire les iniquités environnementales ? Ou au contraire, jouerons-nous la normale, avec une accélération de l’étalement urbain et de la privatisation des bénéfices, au détriment du bien commun ? Mme Plante, la balle est dans votre camp.

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