Cycles supérieurs à l’UQAM

Des étudiants vulnérables en cas de conflit avec leur professeur

La protectrice universitaire de l’UQAM trouve « inconcevable » qu’« il n’existe aucun processus formel de résolution des difficultés » pour les étudiants à la maîtrise ou au doctorat qui estiment être victimes d’abus de pouvoir, de harcèlement, de manque d’encadrement et de disponibilités ou de relations tendues avec le professeur qui dirige leurs recherches.

Dans son rapport 2020-2021, la protectrice universitaire de l’UQAM, MDominique Demers, souligne que la question a déjà « fait l’objet de nombreuses discussions et recommandations » dans le passé par sa prédécesseure.

« Après moins d’un an en fonction, je constate qu’il y a également lieu que j’intervienne sur ce sujet. »

Les difficultés relationnelles que vivent les étudiants avec les professeurs qui dirigent leurs recherches sont « les dossiers les plus longs, complexes et délicats à traiter depuis [son] arrivée », particulièrement au doctorat, écrit-elle.

Les étudiants qui ont interpellé la protectrice de l’UQAM à propos de ces questions « hésitent à autoriser une intervention auprès de leur direction de programme, de peur de mettre en péril la poursuite de leurs études », par « crainte de représailles, de perte de financement et de stigmatisation ».

« À l’image de plusieurs autres universités, l’UQAM devrait se doter d’outils favorisant le traitement efficace et équitable des difficultés relationnelles et académiques propres aux études de cycles supérieurs », est-il encore écrit dans le rapport annuel.

La protectrice de l’UQAM a refusé notre demande d’entrevue. Elle n’a accepté de répondre à nos questions que par écrit.

MDemers a ainsi précisé avoir rencontré 83 étudiants aux cycles supérieurs. « De ces rencontres, écrit-elle dans son courriel, 26 plaintes étaient fondées. »

Dans ses réponses envoyées à La Presse, elle indique que « les dossiers touchant l’encadrement aux cycles supérieurs peuvent parfois prétendre à des abus de pouvoir et du harcèlement ». « Depuis mon entrée en fonction, aucun dossier n’a révélé d’abus de pouvoir. Par ailleurs, si une personne soulevait des allégations de harcèlement, elle serait immédiatement dirigée vers le Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement de l’UQAM. »

Elle poursuit aussitôt en disant que « toute une déclinaison de situations touche l’encadrement aux cycles supérieurs, allant de l’abus de pouvoir évoqué à des difficultés relationnelles ou à un manque d’encadrement ».

MDemers ajoute que sa recommandation sur « l’élaboration d’outils visant la prévention et la résolution des conflits » a été bien reçue.

Appelée à préciser le nombre de cas de harcèlement, MDemers évoque 13 dossiers qui ont été classés dans cette catégorie.

Par ailleurs, dans son rapport annuel, la protectrice universitaire de l’UQAM indique avoir reçu 46 demandes liées à la « qualité de l’enseignement et [à] l’encadrement académique », tous cycles confondus. « Sur l’ensemble de ces demandes, 38 concernent des plaintes contre des enseignantes et des enseignants. Cependant, presque la totalité des dossiers soumis consiste en des demandes de consultation ou des plaintes non recevables, c’est-à-dire que les recours administratifs internes n’ont pas été épuisés. Dans la plupart des situations, les étudiantes et étudiants sont conviés à communiquer avec la direction de département qui entendra les doléances et fera les suivis, au besoin. »

Jennifer Desrochers, porte-parole de l’UQAM, souligne pour sa part que pour ce qui est des étudiants à la maîtrise et au doctorat, sur lesquels s’est particulièrement attardée la protectrice universitaire, « certains éléments de solution ont été mis en place dès 2019 et d’autres suivront. Il est possible que le contexte de la pandémie ait accentué dans certains cas les difficultés liées à l’encadrement ».

« Pour la très grande majorité des 10 000 étudiants environ aux cycles supérieurs, l’encadrement se déroule très correctement. »

– Jennifer Desrochers, porte-parole de l’UQAM

L’UQAM, souligne-t-elle, a notamment participé à l’élaboration d’un guide sur l’encadrement des étudiants aux cycles supérieurs.

La crainte de représailles

Jonathan Desroches, président par intérim de l’Union étudiante du Québec, explique que la question de l’encadrement des étudiants aux cycles supérieurs est suivie de près par son organisation. « Plusieurs associations étudiantes de différentes universités réclament des comités de parrainage pour offrir une ressource supplémentaire aux étudiants qui ont une relation dysfonctionnelle avec leur directeur de recherche. »

Il explique que ce comité peut être formé de trois personnes : le professeur avec lequel il y a conflit, un de ses collègues et un professeur d’un tout autre département.

Comme la protectrice universitaire, M. Desroches note que bon nombre d’étudiants aux cycles supérieurs ont peur de se plaindre, redoutant d’éventuelles représailles. « Le directeur de recherche décide si l’on obtient ou pas le doctorat, il est en situation d’autorité », rappelle-t-il, soulignant que la carrière de l’étudiant est en jeu.

La députée libérale Hélène David, qui a été ministre de l’Enseignement supérieur et, avant cela, vice-rectrice à l’Université de Montréal, souligne que la relation entre l’étudiant aux études supérieures et son directeur de recherche peut être « compliquée », dit-elle, par sa durée (plusieurs années) et par le fait que le professeur, comme l’étudiant, peut perdre sa motivation.

Parfois, évoque-t-elle, des étudiants trouvent de fait qu’ils n’ont pas assez accès au professeur. À l’inverse, il arrive que l’étudiant n’en finisse plus de finir sa recherche, que d’importantes corrections soient à faire…

Pour éviter les mauvaises surprises, Mme David croit qu’un plan de travail, qui inclut l’importance de l’encadrement qui sera offert, devrait être établi d’emblée entre l’étudiant et son directeur de recherche.

Pour l’année 2020-2021, le Bureau de la protectrice universitaire a traité 417 plaintes, ce qui représente 69 % de l’ensemble des dossiers traités pour cette période, dont 131 se sont avérées fondées, 122 non fondées et 164 non recevables.


EN SAVOIR PLUS

417, Nombre de plaintes traitées par la protectrice de l’UQAM
Source: SOURCE : RAPPORT ANNUEL 2020-2021 DE LA PROTECTRICE DE L’UQAM
131, Nombre de plaintes jugées fondées par la protectrice de l’UQAM
Source: SOURCE : RAPPORT ANNUEL 2020-2021 DE LA PROTECTRICE DE L’UQAM

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