La suite de l’histoire

14 juin 1997
Les taux hypothécaires à leur niveau plancher : 7,15 % pour 5 ans !

Une intrigante nouvelle du passé, cueillie dans les anciennes pages économiques de La Presse

Comment l’histoire s’est-elle terminée ?

L’article

« Les taux hypothécaires ont vraisemblablement touché leur niveau plancher, à 5,20 % pour l’hypothèque d’un an et à 7,15 % dans le cas de celle de cinq ans, estime-t-on à la suite de la baisse intervenue jeudi. »

C’était il y a 20 ans, le 14 juin 1997.

La veille, on annonçait une baisse généralisée des taux hypothécaires, avec un recul de 20 points de base pour le taux de cinq ans.

L’article du 14 juin met cependant un frein à tout enthousiasme prématuré : « Plutôt que de continuer à diminuer, les taux devraient au contraire augmenter avant la fin de l’année, ce qui favorisera sans doute d’ici là les activités dans l’immobilier », lit-on.

L’embellie – pour les propriétaires, du moins – n’est qu’un sursis, soutient un économiste du Mouvement Desjardins. Les taux « pourraient recommencer à monter au milieu ou vers la fin de l’été », prévient-il.

Aïe. Retrouveront-ils leur niveau de 1990 ?

Excursion hypothécaire

À l’été 1997, il y avait tout de même quelques motifs d’installer un plancher – fût-il flottant – dans l’édifice des taux.

Selon les compilations de la Banque du Canada, le taux moyen de 6,98 % pour un terme de cinq ans, atteint en juillet 1997, est le plus bas depuis l’été 1965, hormis un creux éphémère à 6,94 % en décembre 1996.

Parcourons la topographie historique des taux hypothécaires. Notre altitude de départ, au début des années 50, est à 5 % pour 25 ans – le terme standard à l’époque. Quatre ans plus tard, il trouve un plateau à 6 %.

De 1957 à 1965, il oscille autour de 7 %.

La pente s’accentue ensuite.

La cote de 8 % est atteinte en 1968. Les 10 % deux ans plus tard. La crise pétrolière de 1974 provoque un ressaut de deux points.

Montée abrupte

Mais ça décolle véritablement au tournant des années 80.

Sous l’effet d’une importante récession aux États-Unis, l’inflation… euh… s’enfle et catapulte les taux hypothécaires.

Durant la décennie 1981-1990, le taux d’inflation maintient une moyenne de 5,97 % par année.

En avril 1980, le taux hypothécaire moyen sur cinq ans taquine les 17 %. Il fracasse le plafond des 20 % en août 1981, avec une cime record de 21,46 %.

Les propriétaires qui doivent renouveler leur hypothèque sont désespérés. Les banques instaurent les taux hypothécaires sur un an pour ne pas menotter trop longtemps leurs clients. Mais le terme d’un an n’est guère plus avantageux : 21,25 % en août 1981.

Le taux sur cinq ans ne redescendra sous les 12 % que quatre ans plus tard, en juin 1985.

Plateau

La crise économique de 1990 amène une nouvelle crête : la barre des 14 % est à nouveau franchie au printemps.

À partir de 1991, la politique monétaire anti-inflationniste de la Banque du Canada exerce son effet émollient sur les taux hypothécaires, qui diminuent graduellement jusqu’aux 7 % annoncés péremptoirement comme plancher en 1997.

Mais les augures de 1997 s’avéreront-ils ?

De 6,98 % qu’il était en juillet 1997, le taux moyen pour cinq ans effleure 7 % en août, puis ne franchira plus cette barre avant août 1998. Il ne donnera raison à nos Cassandre qu’en 2000, alors que l’éclatement de la bulle techno lui fait temporairement franchir les 8 %.

À partir de 2001, c’est ensuite une longue descente.

Le taux de cinq ans glisse sous 6 % en juin 2003 – la première fois depuis près de 50 ans.

Le ravin

Pour maintenir l’économie canadienne à flot au travers de la tempête financière de 2008-2009, la Banque du Canada fait plonger son taux directeur de quatre points de pourcentage en 15 mois, jusqu’au dérisoire 0,25 % atteint en avril 2009.

Le taux directeur pèse sur les taux obligataires, qui à leur tour influent sur les taux hypothécaires fixes. Le taux du terme moyen cinq ans glisse alors sous les 5 % – du jamais-vu.

Il frémit à peine pendant la remontée graduelle du taux directeur jusqu’à 1 %, entre juin et septembre 2010.

Depuis, les chroniqueurs n’ont cessé de mettre en garde contre la hausse prochaine des taux. Avec raison : l’impact sur le service de la dette des ménages pourrait être catastrophique. Mais en dépit des cris, le loup ne se montre pas. De telle sorte que les ménages ne ménagent pas.

Pour contrer les effets de la crise pétrolière, la Banque du Canada abaisse à nouveau son taux directeur à 0,75 % en janvier 2015, puis à 0,50 % en juillet suivant. Le taux hypothécaire sur cinq ans fait éclater le plancher des 4 %. Il n’a pas été franchi depuis.

La vallée

Le taux moyen pour cinq ans, en mai dernier, s’établissait à 3,59 %.

C’est le taux le plus bas enregistré depuis 1950.

Le 7 juin dernier, encore une fois, la Banque du Canada a fait une mise en garde : le ratio de la dette par rapport au revenu disponible des ménages frôle les 170 %.

Quelques jours plus tard, son gouverneur Stephen Poloz déclarait que les baisses du taux directeur consenties en 2015 pour amortir le choc pétrolier avaient « grandement fait leur boulot ». Il n’en fallait pas plus pour que les économistes pronostiquent une hausse très prochaine des taux d’intérêt.

Lors de l’annonce de la Banque du Canada, le 12 juillet, le taux directeur a été relevé à 0,75 %. Une première hausse depuis plus de cinq ans.

Qui pourrait être suivie d'une autre à l'automne qui vient.

Qui oserait encore aujourd'hui prononcer le mot plancher ?

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