Tragédie de London

Le mot en T

Lorsque le petit garçon de 9 ans s’est levé dimanche matin, il menait une vie pleine d’amour, entouré de sa famille dans un quartier résidentiel de London, en Ontario. Lorsqu’il sortira de l’hôpital où il est actuellement soigné, cette petite vie ne sera plus jamais la même. Sa mère, Madiha Salman, son père, Salman Afzaal, sa sœur de 15 ans et sa grand-mère ont été tués. Tués par la haine.

Penser à sa peine, à ses immenses pertes, donne le vertige, voire la nausée. Comment expliquer à un petit Canadien qu’un automobiliste ait pu, de manière délibérée, foncer sur lui et sa famille alors qu’ils faisaient une promenade ?

Il ne faudra pas avoir peur des mots. En particulier, un mot qui commence par t et un autre qui débute avec un i. Selon les informations rendues publiques par la police de London, sa famille a été victime d’un acte terroriste motivé par l’islamophobie, soit la haine de l’islam et de ceux qui le pratiquent. Une haine qui vise plus de 1 million de Canadiens.

D’ailleurs, la classe politique canadienne n’a pas pris de pincettes pour parler de l’attentat de London. Justin Trudeau et Doug Ford ont vite dénoncé haut et fort la nature terroriste de l’attentat. Et c’est tant mieux. Ils démontrent ainsi qu’ils ne prennent pas la situation à la légère et reconnaissent les motifs politiques de la tuerie survenue en Ontario. C’est essentiel pour les survivants et les communautés ébranlées par cette violence raciste et qui vivent maintenant avec la peur au ventre, mais qui doivent continuer d’avancer.

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Justin Trudeau n’a pas manqué non plus de rappeler que la tragédie de London n’est pas un évènement isolé. Que l’islamophobie fait des victimes d’un océan à l’autre. Il a bien sûr rappelé l’attentat au Centre culturel islamique de Québec en 2017, au cours duquel six fidèles musulmans, rassemblés pour la prière, ont été tués par Alexandre Bissonnette.

Le premier ministre a aussi fait mention du meurtre de Mohamed-Aslim Zafis, devant une mosquée de Toronto, en septembre 2020, et d’attaques violentes répétées contre des femmes musulmanes noires à Edmonton et à Calgary au cours des derniers mois. « Il ne faudrait pas que la liste se prolonge », a ajouté, avec raison, Justin Trudeau.

C’est vrai pour les attentats, les meurtres, mais aussi pour les insultes et autres crimes haineux qui sont en hausse depuis quelques années, mais dont la recrudescence semble particulièrement marquée depuis le début de la pandémie, selon plusieurs organismes qui répertorient ces méfaits. Et la haine raciste a plusieurs cibles : les musulmans, certes, mais aussi les communautés juives et les citoyens d’origine asiatique qui ont noté une explosion d’attaques de toutes sortes à leur endroit. C’est terriblement inquiétant dans un pays qui s’est construit dans la diversité.

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Tous les ordres de gouvernement promettent d’en faire plus pour combattre le racisme. On ne peut pas s’attendre à des résultats immédiats, mais il ne faudrait pas que les discours de condoléances au lendemain d’un attentat comme celui de London ne soient que ça, des discours.

On attend notamment depuis 2019 le dépôt du projet de loi du ministre du Patrimoine canadien, Steven Guilbeault, pour combattre les discours haineux sur les réseaux sociaux, au cœur même de la montée des mouvements d’extrême droite et suprémacistes blancs. Le moment semble tout indiqué pour le lancer dans l’arène politique afin qu’un débat vigoureux sur la question ait lieu et que l’herbe soit coupée sous le pied des propagateurs de haine. Au nom de tous les orphelins du terrorisme du pays.

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