Qui contrôle vraiment l’exploitation de nos forêts ?

L’auteure s’adresse à Paul Lanoie, commissaire au développement durable du bureau de la vérificatrice générale du Québec

Le gouvernement de François Legault vient de présenter les aires protégées qui seront retenues pour atteindre sa cible de 17 %. On constate que la majorité des territoires sont situés dans le nord du Québec dans des régions très isolées ou dans des secteurs qui ont déjà fait l’objet de coupes comme dans le parc régional de la forêt Ouareau.

Les compagnies forestières ont eu gain de cause et ont obtenu tout ce qu’elles demandaient. Sept ans de consultations et de négociations dans les comités régionaux sur les aires protégées n’ont servi à rien. Ce n’est qu’un gaspillage de temps et d’argent.

Nous assistons impuissants à la déforestation de nos parcs régionaux. Dans Lanaudière, le parc régional des Sept-Chutes a perdu 25 % de sa forêt il y a deux ans, le parc régional de la forêt Ouareau, situé à une heure de Montréal, jardin potentiel pour les citadins, s’est vu octroyer 50 km2 (sur 160 km2) d’aires protégées dans des secteurs qui ont déjà été coupés alors que ses forêts anciennes sont offertes aux forestiers.

Le mont Kaaikop (Laurentides) est lui aussi ignoré alors que les citoyens se battent depuis 10 ans pour sa préservation. Rien non plus pour l’écocorridor qui pourrait relier les parcs régionaux, le Sentier national, la région des lacs de Chertsey et la pourvoirie Basilières afin d’assurer la circulation faunique.

Où est le problème ?

Comment expliquer que la foresterie gagne toujours malgré les consultations publiques, malgré les données économiques qui démontrent que le tourisme engendrait deux fois plus de revenus dans les régions et créait trois fois plus d’emplois que la foresterie ?

Comment expliquer que le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) investisse autant dans un secteur où le déficit dépasse les 200 millions de dollars par année ? Ce sont les citoyens qui paient pour ce déficit pendant que les compagnies forestières engrangent des profits substantiels.

Comment expliquer que les forestières siègent à des comités sur les aires protégées, bloquant toutes les suggestions pour préserver des secteurs, alors qu’une des étapes du processus (étape 5) prévoit une « analyse des contraintes à la protection avec le ministère des Ressources naturelles et le MFFP » ?

Comment expliquer que le ministère de l’Environnement, qui avait identifié des zones prioritaires dans Lanaudière lors des premières séances du comité sur les aires protégées, n’ait retenu aucune de ces zones à la fin du processus (sauf la maigre part de 30 % de la forêt Ouareau, inintéressante pour les forestières) ?

Comment expliquer que le MFFP se réfugie sans cesse derrière les garanties d’approvisionnement accordées aux forestières pour expliquer son refus d’écouter les demandes citoyennes alors qu’il prévoit doubler la production ligneuse dans les prochaines années ?

Toutes ces incohérences font que la colère se manifeste de plus en plus dans de nombreuses régions du Québec. Nous aimerions obtenir des réponses à nos questions, ce que le MFFP esquive avec habileté depuis trop d’années.

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