Cinq souvenirs du tournoi des recrues
Le Canadien disputera son premier match du tournoi des recrues vendredi soir à Buffalo. Rappelons-nous cinq souvenirs des tournois précédents, question de mettre les choses en perspective…
1- Poehling au centre, Suzuki à droite (2019)
Le premier venait de marquer trois buts à son seul match dans la LNH lors du dernier match de la saison précédente. Le second avait connu des séries éliminatoires splendides, mais dans les rangs juniors.
À tout seigneur, tout honneur, Ryan Poehling jouait donc au centre lors du tournoi des recrues de 2019 et Nick Suzuki à sa droite. Un « intrus », Rafaël Harvey-Pinard, complétait ce trio. Après le premier match contre Toronto, on a vanté abondamment les qualités de passeur de Poehling. « Il voyait les ouvertures sur des jeux, que ce soit pour me repérer ou pour repérer d’autres joueurs, sa vision est hors du commun », avait affirmé Suzuki à propos de Poehling après la rencontre.
Poehling, invité au tournoi de golf du Canadien cette année-là – contrairement à Suzuki –, s’est blessé pendant les matchs préparatoires et Suzuki, qu’on n’attendait pas nécessairement, en a profité pour gagner une place dans la formation.
Suzuki a obtenu 41 points en 71 matchs à sa première saison, Poehling seulement 2 en 27 matchs lors de ses rappels à Montréal. L’« intrus », qui s’était contenté d’un contrat de la Ligue américaine au départ, a seulement 5 buts de moins en carrière que Poehling… en 100 matchs de moins !
2- Baptême catastrophique pour Kotkaniemi (2018)
Jesperi Kotkaniemi a entamé le premier match du tournoi des recrues de 2018 au centre d’Alexandre Alain et Allan McShane. Jake Evans jouait au poste de deuxième centre, mais il a quitté l’amphithéâtre sur une civière, victime d’une mise en échec percutante. Sans surprise, le Canadien a subi une correction contre la formation aguerrie des Sénateurs d’Ottawa.
« Ça n’a pas été mon meilleur soir, a déclaré Kotkaniemi dans son anglais encore rudimentaire après la rencontre. Je pense que ça va me prendre un petit peu de temps pour m’habituer à ce [style de] jeu. C’est un peu différent, mais je pense que je vais y arriver. »
Kotkaniemi était déjà plus à l’aise à son deuxième match des recrues contre les Maple Leafs de Toronto, deux jours plus tard. À la surprise générale, il a obtenu un poste avec le Canadien quelques semaines plus tard.
« Si on s’était fié au tournoi des recrues, il n’aurait jamais joué dans la Ligue nationale », a déclaré l’entraîneur-chef Claude Julien. Les partisans du CH ont raison d’être déçus de la suite. Mais Kotkaniemi demeure un joueur de la LNH, établi l’an dernier au centre du deuxième trio d’un des meilleurs clubs du circuit. Voyons s’il améliorera son sommet personnel de 43 points établi l’an dernier.
3- Charles Hudon s’éclate ! (2015)
Au tournoi des recrues de 2015, les espoirs du Canadien ont pulvérisé ceux des Maple Leafs de Toronto 6-4. Ils ont même tiré 51 fois sur le filet adverse. Charles Hudon a marqué deux fois. Il avait l’avantage de l’âge, 21 ans, et d’une année d’expérience dans la Ligue américaine où il avait amassé 57 points en 75 matchs à sa première année chez les pros. On pouvait entrevoir une suite intéressante pour lui.
Au sein de son trio, un autre joueur dominant lors de ce tournoi, Daniel Carr, jamais repêché, fort lui aussi d’une belle première saison dans la Ligue américaine à Hamilton avec 24 buts. Carr agissait même à titre de capitaine de la formation des recrues du Canadien.
« Ça n’était qu’un tournoi des recrues, mais voir le C brodé sur mon chandail fut tout un honneur, avec toute l’histoire de cette organisation », a déclaré Carr après la rencontre.
Carr est parvenu à disputer une centaine de matchs à Montréal, tout de même un exploit pour un joueur ignoré au repêchage. Hudon, un choix de cinquième tour, a joué sensiblement le même nombre de rencontres dans la LNH. Il a même connu une saison de 30 points, et a eu droit à 9 rencontres l’an dernier avec l’Avalanche.
4- Carey Price, le choix impopulaire (2005)
« Carey Price n’y peut rien si on a reproché au Canadien d’avoir réclamé un gardien à l’aide de son premier choix, le cinquième au total, au cours de la séance de repêchage de juillet. Il admet cependant que la situation représente une source de motivation additionnelle pour lui. “Oui, un peu”, a répondu Price quand on lui a posé la question, hier. »
Ainsi commençait le texte du confrère de La Presse Canadienne Robert Laflamme à la veille du tournoi des recrues du Canadien, en 2005.
À son premier match, Price a accordé le but gagnant au meilleur espoir des Maple Leafs de Toronto, Jiri Tlusty, « un tir qu’il aurait aimé revoir », ont écrit certains collègues – sans préciser que la dimension des buts était plus grande qu’à l’habitude –, et un défi de taille l’attendait à son deuxième match.
Price affrontait en effet Jeff Glass, gardien numéro un de l’équipe canadienne junior médaillée d’or lors du Championnat du monde en janvier. Calme, sûr de lui, toujours bien positionné, Price l’a emporté 3-2 contre Glass et les jeunes des Sénateurs d’Ottawa.
Sa performance a rassuré bien des gens. « Tu peux voir son talent, a confié l’entraîneur des gardiens du Canadien, Roland Melanson, après le match. Il avait beaucoup de choses à assimiler depuis son arrivée au camp et je suis étonné de voir à quel point il a pu apporter les ajustements nécessaires rapidement. Je ne sais pas combien de temps il restera au camp d’entraînement, mais j’aime ce que je vois jusqu’à maintenant. »
Presque 20 ans plus tard, Carey Price tire sa révérence avec 361 victoires, un sommet dans l’histoire du Canadien, des trophées Hart et Vézina, une médaille d’or olympique, une médaille d’or au Championnat mondial junior et une finale de la Coupe Stanley.
5- Le prochain Phil Esposito ? (1998)
Le directeur du recrutement du Canadien, Pierre Dorion, aujourd’hui DG des Sénateurs, rayonnait après le tournoi des recrues en 1998. Ses espoirs venaient de remporter tous leurs matchs. À 18 ans seulement, Éric Chouinard, le premier choix du Canadien quelques mois plus tôt, s’était signalé en marquant trois buts.
« De vrais buts, des buts qu’on ne peut enseigner à marquer, s’était enthousiasmé Dorion. C’est l’une de ses forces. Il est habile et personne n’a besoin de lui dire où se trouve le but. Je n’aime pas me livrer au jeu des comparaisons, mais plusieurs observateurs l’ont comparé à Phil Esposito en raison de ses talents de marqueur et aussi de la façon dont il protège sa rondelle. »
Éric Chouinard a marqué 11 buts en carrière dans la Ligue nationale de hockey… 706 de moins que Phil Esposito. On le dit sans mesquinerie. Après une carrière professionnelle qui l’a fait visiter l’Allemagne, la Suisse, la Russie et la France, Chouinard mène une belle après-carrière à titre de directeur de la sécurité des joueurs dans la LHJMQ.
On peut pardonner l’exubérance presque juvénile de Dorion à l’époque. Quatre autres de ses choix cette année-là, Mike Ribeiro, François Beauchemin, Andrei Markov et Michael Ryder, ont connu une très belle carrière. Chouinard n’était pas son choix, dit-on, l’organisation a plutôt écouté un vénérable recruteur en fin de parcours. N’empêche, Phil Esposito…