Gérard-Louis Robert

De l’or dans les jambes

Le coureur Gérard-Louis Robert semble être un cas unique dans l’histoire du cyclisme sur piste.

À 67 ans, cet athlète d’origine française installé au Québec depuis 1970 compte à son palmarès 107 titres, dont 24 comme champion du monde, 21 comme champion canadien et 24 comme champion de France. Pas mal pour un pistard que des problèmes cardiaques ont tenu loin des vélodromes pendant plus d’une trentaine d’années.

En octobre, M. Robert a décroché quatre nouveaux titres mondiaux lors de sa participation aux Championnats du monde des maîtres de cyclisme sur piste, à Manchester, au Royaume-Uni.

M. Robert est monté sur la plus haute marche du podium dans la course aux points et les épreuves de course scratch, de sprint par équipe et de vitesse. Il a aussi obtenu la médaille d’argent au 500 mètres contre la montre.

« À 67 ans, je veux prouver qu’il n’y a pas d’âge pour poursuivre ses rêves et vivre pleinement de sa passion pour son sport. Je veux démontrer qu’avec de la détermination et de l’entraînement, je peux être un modèle pour les gens de ma génération et une source d’inspiration et de stimulation pour les jeunes », mentionne-t-il en entrevue avec La Presse.

Gérard-Louis Robert détient deux records du monde dans la catégorie 65-69 ans. Celui du 500 mètres contre la montre, établi en 2015, et celui de la poursuite, réalisé l’année précédente.

Sa passion du vélo lui a été transmise par son père, lui-même un cycliste chevronné. « Mon père adorait le vélo et participait à des compétitions sur piste et sur route dans les années 30. À l’âge de 5 ans, il m’emmenait voir des courses sur piste au Vélodrome d’Hiver de Paris », se souvient M. Robert.

Problèmes cardiaques

À l’époque, Gérard-Louis Robert rêvait de devenir coureur professionnel. Pourtant, à l’âge de 19 ans, ses espoirs de devenir un jour champion de la petite reine s’effondrent en raison d’un problème de santé majeur.

« Un dimanche, je gagnais la course et le dimanche d’après je finissais à 10 minutes du peloton. Je sentais que quelque chose n’allait pas », raconte M. Robert.

Pour tenter d’expliquer cette anomalie, Gérard-Louis Robert passe une série de tests à l’Institut national des sports. On découvre qu’il souffre d’arythmie cardiaque.

« On observe une impulsion électrique trop forte sur le ventricule gauche qui déclenche une crise de tachycardie. Quand cela m’arrivait en course, je manquais soudainement d’oxygène. J’étais obligé de m’arrêter sur le bord de la route. Mon cœur pouvait alors battre à un rythme de 275 pulsations par minute. Je devais alors patienter cinq minutes afin que mon rythme cardiaque ralentisse et se stabilise pour ensuite être capable de repartir », décrit Gérard-Louis Robert.

« Le docteur m’a dit : le vélo, c’est terminé et la licence, on la déchire. J’avais une épée de Damoclès au-dessus de ma tête. J’aurais pu mourir sur mon vélo si j’avais continué à faire des courses. »

— Gérard-Louis Robert

Ce mordu de vélo met alors le cap vers le Québec. Diplômé d’une école d’arts graphiques en France, il fonde une entreprise de présentation visuelle spécialisée dans la confection de décors destinés aux vitrines de grands magasins. « J’ai mis toute mon énergie dans mon entreprise pour oublier le cyclisme qui était à cette époque peu populaire au Québec. »

Renaissance

Le destin de Gérard-Louis Robert prend un virage majeur à 52 ans. Son médecin de famille lui suggère de prendre rendez-vous avec le cardiologue Mario Talajic, de l’Institut de cardiologie de Montréal, une référence dans le domaine de l’arythmie cardiaque. Le docteur Talajic décide de l’opérer, et le succès de l’acte chirurgical lui donne le feu vert pour remonter sur son vélo et avaler les kilomètres.

Gérard-Louis Robert doit aussi son retour à la compétition aux conseils avisés de Pierre Hutsebaut, une sommité dans le domaine de l’entraînement des coureurs professionnels au Canada.

« J’ai connu Pierre lorsque je suis arrivé à Montréal. Il était natif de la banlieue nord de Paris. C’est lui qui m’a conseillé de refaire de la compétition. Il m’a remis en selle », indique M. Robert.

L’année suivant son opération, Gérard-Louis Robert remporte son premier titre mondial à l’épreuve du 500 mètres départ arrêté au Royaume-Uni. Depuis, les titres se succèdent. Gérard-Louis Robert réussit à vivre de son sport grâce au soutien de commanditaires comme le fabricant de compléments alimentaires américain ASEA.

Habitué à voir des coureurs professionnels se surpasser physiquement, Pierre Hutsebaut reste sans voix devant les nombreux titres raflés en 14 ans par Gérard-Louis Robert.

« Il est un cas unique dans le monde du cyclisme. »

— Pierre Hutsebaut, entraîneur réputé qui a dirigé les coureurs de l’équipe canadienne durant quatre Olympiades

« Ses performances sont époustouflantes par rapport à son âge. C’est assez impressionnant de constater qu’avec un entraînement spécifique l’on peut combattre le déclin dû à l’âge. Gérard-Louis Robert s’entraîne comme un professionnel. Sa vie est réglée par l’entraînement. »

Jeux mondiaux dans la mire

L’homme n’est pas près de prendre sa retraite puisqu’il compte s’imposer en avril aux Jeux mondiaux des maîtres, qui auront lieu à Auckland, en Nouvelle-Zélande. Cette compétition internationale quadriennale rassemble entre autres d’anciens champions olympiques et d’ex-athlètes professionnels.

Au programme cet hiver : vélo stationnaire, préparation physique au sprint et musculation. « Je m’entraîne jusqu’à 20 heures par semaine. Pour être champion du monde, cela prend un minimum. J’ai les mêmes plans d’entraînement qu’un coureur d’élite. »

Gérard-Louis Robert s’entraîne au centre Peak de haute performance à Montréal, un endroit fréquenté par plusieurs coureurs cyclistes professionnels comme David Veilleux, premier Québécois à avoir inscrit son nom au Tour de France en 2013, Antoine Duchesne, qui a participé lui aussi à la Grande Boucle en 2016, et Hugo Houle, qui s’est classé au Tour d’Italie en 2015 et 2016.

« Je veux encore être champion du monde à 70 ans et continuer à battre des records. Mon père a fait du vélo toute sa vie et il est mort à l’âge de 92 ans. Je pense que j’ai une bonne génétique », conclut avec détermination un champion qui n’est pas près de raccrocher son vélo.

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