À ma manière

Comment j’ai décroché mon premier emploi important… aux Bermudes

Chaque semaine, une personnalité du milieu des affaires nous raconte en ses mots une page de son histoire.

Qui ? Alexandre L’Heureux, président et chef de la direction de WSP, qui s’est déplacé récemment jusqu’en Nouvelle-Zélande pour mener à bien l’acquisition d’Opus International Consultants qui, lorsqu’elle sera conclue, sera la 100e de WSP depuis 2005.

J’avais 25 ans. Je travaillais chez Deloitte depuis deux ans. Je ne connaissais rien en finance. Je viens d’un milieu familial assez artistique, mais j’avais un gros intérêt pour les affaires et la finance. Pour m’ouvrir des portes, je me suis dit que j’allais décrocher un titre de comptable agréé. 

Puis, un jour, alors que je corrigeais des examens d’étudiants en comptabilité, j’ai rencontré un ami qui travaillait aux Bermudes dans le secteur des fonds spéculatifs, pour Hemisphere Management. Viendrais-tu travailler pour nous ? À la fin des années 90, peu de personnes, dont moi, savaient ce qu’étaient les fonds spéculatifs, qui utilisent des modes de gestion alternative. C’était avant l’éclatement de la bulle internet, et les gestionnaires de ce genre de fonds devaient faire preuve d’audace et d’innovation pour afficher des rendements intéressants.

L’anglais langue seconde

Comment décrocher l’emploi ? On était aux balbutiements de la communication par courriel. Et l’internet à l’époque n’était pas ce que c’est aujourd’hui. Cela dit, je ne suis même pas allé à la bibliothèque pour voir à quoi ressemblaient les Bermudes. Mais surtout, je parlais un anglais rudimentaire. Je voyais surtout l’occasion de voyager et de me lancer dans une industrie qui me ressemblait.

J’ai donc préparé une liste de 200 questions potentielles avec des réponses en anglais. Pourquoi veux-tu venir aux Bermudes ? Pourquoi veux-tu travailler dans un fonds spéculatif ? Quelles sont tes qualités ? Que connais-tu en finance ? J’ai tout écrit à la main ! Puis, j’ai fait l’entrevue par téléphone. À chaque question de l’intervieweur, je cherchais les réponses devant moi ! Aujourd’hui encore, je me prépare avec autant de minutie pour effectuer une transaction ou rencontrer des investisseurs.

Et j’ai décroché l’emploi ! Je préparais en parallèle mon CFA en anglais. C’est ce qui a fait que j’ai eu le poste. J’ai appelé ma blonde de l’époque : on s’en va aux Bermudes ! Nous sommes partis en août 1999 pour ne revenir que 10 ans plus tard, lorsque j’ai décroché mon poste de chef de la direction financière chez Genivar.

Ces années comptent parmi les plus belles de ma vie ! J’ai baigné dans la diversité et le multiculturalisme. Outre les liens tissés avec des Bermudiens, j’y ai côtoyé de nombreux expatriés et j’ai travaillé avec des Irlandais, des Anglais, des Philippins, des Australiens… Loin de chez soi, les amis et collègues deviennent la famille. 

Ça a non seulement ouvert mes horizons, mais aussi permis de constituer mon premier vrai réseau international. Autant de gens sur lesquels aujourd’hui encore je peux compter.

Chez Hemisphere, j’ai commencé en bas de l’échelle. D’abord comme associé, puis, très rapidement, je suis devenu vice-président des opérations, avant de prendre en charge le bureau de 250 personnes. C’était en 2005, j’avais 32 ans. J’étais ambitieux. J’aimais ce que je faisais.

Mais plus que la gestion de personnes, j’aime la notion de stratégie devant être élaborée pour faire croître tout investissement. J’ai donc quitté Hemisphere pour me joindre à un fonds d’investissement en pharmaceutique, Auven, dont les bureaux étaient situés aux Bermudes, à Londres et à New York. À 33 ans, j’étais chef de la direction financière et associé. Je me suis lancé corps et âme dans ce nouveau défi. Faire croître un investissement ou une entreprise, faire en sorte que 1 + 1 = 3 ou plus me passionnent et animent encore mes pensées au quotidien. J’adore rassembler des experts en finance, fiscalité, juridique, ressources humaines ou opérations pour faire travailler nos méninges et mettre en place la meilleure stratégie pour conclure une transaction. On ne parle pas à un Américain comme on parle à un Suédois. L’approche est totalement différente. J’en ai fait l’expérience aux Bermudes et encore, à Montréal, cette ouverture au monde me sert.

Dix par an

Aujourd’hui, en tant que président et chef de la direction de WSP, je suis intimement impliqué dans les acquisitions à travers le monde. Nous en faisons en moyenne dix par an. Chaque fois, la sensation est la même : avoir l’impression de contribuer au développement de la qualité de vie de mes concitoyens et, surtout, de faire une petite différence dans leur vie. Construire des écoles, hôpitaux, routes et aéroports, c’est non seulement passionnant, mais tangible !

Mes années à l’étranger ont été un véritable atout. Je suis persuadé qu’il faut certes savoir oser, mais parfois partir pour revenir avec de meilleurs bagages et les bons outils pour grandir professionnellement.

Aujourd’hui, même si voyager constamment est difficile, si je devais arrêter de le faire, je trouverais ennuyant d’être coupé du monde. Je trouverais difficile de ne plus avoir accès à ce multiculturalisme et à cette diversité qui sont de vraies richesses. Le plus grand danger pour un patron est de rester dans sa tour d’ivoire et de ne pas aller sur le terrain, quelle que soit la taille de ce terrain. Dans mon cas, c’est le monde !

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