Croquant, au bon goût de noisette, il est parfait en salade ou en bol-déjeuner. Surprise, ce n’est pas le quinoa, mais le bon vieux… sarrasin. Une pseudo-céréale polyvalente – en fait, c’est le fruit d’une plante apparentée à la rhubarbe –, qui pousse chez nous. Et qu’on a intérêt à redécouvrir.
Longtemps associé à la farine et aux fameuses galettes, le sarrasin est aujourd’hui offert sous plusieurs autres formes. Une fois décortiquée, la graine de sarrasin – reconnaissable à ses trois arêtes – peut être achetée telle quelle. On la prépare alors comme de l’orge, du riz ou du… quinoa. Grillées, les graines de sarrasin prennent le nom russe de « kasha » et deviennent particulièrement savoureuses. On peut acheter du sarrasin sous forme de flocons, germé, en nouilles soba, etc.
Le « blé noir », un surnom du sarrasin, est très nutritif. C’est une bonne source de cuivre, de manganèse et de magnésium, en plus de fournir des fibres, note Rose Therrien, nutritionniste chez NutriSimple. Autre atout, ses protéines sont complètes.
« Puisque le sarrasin contient tous les acides aminés essentiels, on considère ses protéines comme étant de haute valeur biologique. C’est donc une option intéressante pour les végétariens et les végétaliens. »
— Rose Therrien
« Attention, toutefois, de combiner le sarrasin avec une autre source de protéines végétales, afin d’obtenir un mets principal procurant de 15 à 20 g de protéines. »
Culture en croissance
Bonne nouvelle, le Québec en sème de plus en plus, après avoir délaissé cette culture patrimoniale. « On est en mesure de dire que la production de sarrasin est en pleine croissance, indique Hugues Larocque, des Producteurs de grains du Québec. En 2017, la mise en marché a atteint 3000 tonnes de produit conventionnel et 500 tonnes de produit biologique. »
C’est peu, comparé aux 2,5 millions de tonnes de sarrasin produites mondialement. Mais c’est assez pour combler nos envies de granola, boules d’énergie, pilaf, galettes ou muffins au sarrasin.
Le sarrasin profite notamment de l’engouement pour les produits sans gluten, dont la demande a connu une hausse de 30 % entre 2006 et 2010, selon une analyse du Centre de référence en agriculture et en agroalimentaire du Québec (CRAAQ). « C’est une culture qui s’adapte bien au climat frais et qui a une croissance assez rapide, note Hugues Larocque. Les producteurs en région, notamment au Saguenay, en Abitibi et dans le Bas-Saint-Laurent, peuvent donc cultiver le sarrasin, soit pour ses grains, soit comme engrais vert. » Gros hic, son rendement est incertain.
Cinq générations
À Louiseville, en Mauricie, les Ricard cultivent du sarrasin depuis cinq générations. « Jusqu’à il y a 50 ans, c’était la céréale de base pour une bonne partie du Québec, rappelle Pierre Ricard, des Jardins Ricard.
« Mes grands-parents déjeunaient, dînaient et soupaient presque avec de la galette de sarrasin. Il y a juste ce qu’il y avait dedans qui changeait. »
— Pierre Ricard
M. Ricard sème généralement son sarrasin entre le 10 juin et le 10 juillet. « Il ne faut pas que ça gèle et il ne faut pas que ça fleurisse pendant la période la plus chaude de l’été », fait-il valoir. Très odorantes, les fleurs de sarrasin sont présentes pendant un mois. Aux Jardins Ricard, le sarrasin est récolté entre la fin septembre et la fin octobre, puis il est transformé en farine sur place, dans un moulin sur meule de pierre.
Sous le nom Les Moissonneries du pays, Aliments Trigone se spécialise aussi dans le sarrasin. « Nous achetons le grain de sarrasin directement des agriculteurs canadiens et nous le transformons à notre usine de Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud [dans Chaudière-Appalaches], précise Katy Lamonde, des Aliments Trigone. Les produits les plus en demande sont principalement les écales de sarrasin [pour la confection de coussins], le sarrasin entier blanc et la farine. » Presque tous sont certifiés biologiques.
Une graine verte
Même sans certification, le sarrasin est écolo. « On ne met jamais rien dans le sarrasin, pas de pesticides ni d’herbicides, pas d’engrais non plus, assure Pierre Ricard. C’est une plante un peu sauvage, qui pousse tellement vite qu’elle étouffe les mauvaises herbes. » Le CRAAQ le confirme : la culture du sarrasin « demande peu d’intrants », est compétitive « envers les mauvaises herbes », en plus d’être adaptée « aux bas pH et aux sols moins fertiles ».
Sa culture sur des terres inondables est néanmoins de moins en moins permise, notamment aux abords du lac Saint-Pierre. « On a perdu des terres à sarrasin au profit des canards, des perchaudes et des chauves-souris », regrette M. Ricard. Sa famille s’approvisionne maintenant auprès d’autres producteurs, notamment au Lac-Saint-Jean, pour faire tourner son moulin. Il n’est pas question, pour autant, d’arrêter le sarrasin. « Ça diversifie notre façon de manger et ça diversifie l’agriculture locale, observe M. Ricard, ce qui est une bonne chose. »
À Louiseville, il existe même une Confrérie des sarrasins, qui vient de faire paraître un recueil de 52 recettes, Les recettes du Pays du sarrasin. « Le sarrasin mérite une plus grande place au menu, convient Rose Therrien. Mais attention, malgré tous ses atouts, cela n’en fait pas pour autant un aliment miracle. Le plus important, c’est de vous amuser à varier vos grains et de toujours privilégier ceux qui sont entiers. »