Projet de recherche

Quel est l’effet de l’art sur la santé des aînés ?

Le Centre d’excellence sur le vieillissement du RUIS McGill et l’Hôpital général juif feront équipe avec le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) dans les prochains mois pour évaluer les effets d’une activité de médiation culturelle sur la santé des personnes âgées.

Est-ce que la pratique d’une activité artistique, par l’entremise d’ateliers créatifs couplés à des visites de musées, peut maintenir ou améliorer l’état de santé des personnes âgées de 65 ans et plus ?

C’est la question à laquelle tentera de répondre le Dr Olivier Beauchet, professeur de gériatrie à McGill, qui dirige le Centre d’excellence sur le vieillissement.

Le Dr Beauchet a l’intuition que la réponse à cette question sera oui, mais il compte soumettre 150 Montréalais à l’épreuve de la recherche clinique.

« Des études antérieures auprès de personnes hospitalisées ou en résidence nous indiquent que la pratique d’une activité artistique améliore le bien-être des patients et leur permet de reprendre confiance en elles, de créer une activité sociale qui va améliorer leur état de santé, nous dit-il. On sait par exemple qu’un atelier de peinture peut diminuer la durée de séjour à l’hôpital, qu’il peut accélérer la [réadaptation]. »

L’originalité de l’étude, qui sera menée en 2018, est qu’elle vise des personnes qui vivent à domicile, précise le Dr Beauchet, « un groupe peu étudié ».

Pour mener à bien sa recherche, le Centre d’excellence sur le vieillissement s’est tourné vers le MBAM, qui propose une foule d’activités gratuites aux personnes âgées grâce à son programme des « Beaux Jeudis ». Depuis deux ans, ce sont près de 10 000 personnes âgées de 65 ans et plus qui participent aux ateliers et visites offerts gratuitement dans ce musée.

C’est le directeur du département de l’éducation et du mieux-être du MBAM, Thomas Bastien, qui a mis sur pied ce programme en 2015.

« Au départ, je trouvais ça très dérangeant de voir que les gens s’organisaient chaque semaine pour faire des marches dans des centres commerciaux, a-t-il confié à La Presse. Je me suis dit : pourquoi ne pas marcher dans un musée ? C’est comme ça que notre programme a commencé. Par un accès gratuit à notre musée pour permettre aux gens de se promener et de socialiser. Après, on s’est dit qu’on allait les accompagner. »

Petit à petit, les marcheurs se sont intéressés à leur environnement. Le MBAM a commencé par leur offrir des visites guidées. Les ateliers de création artistique, de danse, de musique ou de yoga ont suivi. Environ 50 % des marcheurs participent aujourd’hui aux activités du musée. Thomas Bastien s’est tourné vers le Dr Beauchet justement pour savoir si ces activités avaient un impact sur la santé de ces visiteurs.

Mieux que les quilles ?

Mais qu’est-ce qui est si positif ? Est-ce qu’une activité de quilles ou un club de lecture n’aurait pas le même effet sur la santé ? N’est-ce pas le fait de socialiser qui est au cœur de ce bien-être ?

« Dans l’activité artistique il y a la notion de : “je produis quelque chose de joli”. Quand on est âgé, on est plutôt dans une spirale du déclin de ses capacités, on a une image plutôt négative qui nous est renvoyée. Le fait de produire du beau valorise les gens sur ce qu’ils sont capables de faire. »

— Le Dr Olivier Beauchet, professeur de gériatrie à McGill

« Montrer aux autres ce qu’on a fait est tout aussi important, ajoute-t-il. Je dirai que c’est une pièce maîtresse du processus qui fait que ça a un impact. »

Les 150 personnes sélectionnées (qui n’ont jamais participé à une activité des « Beaux Jeudis ») seront suivies sur une période de trois mois. Elles répondront à un questionnaire au début, au milieu et à la fin de l’étude. On peut présumer que leur état de santé sera très variable. « C’est ce qu’on souhaite, nous dit le Dr Beauchet. On pourra voir sur quel type de personne on a le plus d’effets. Ça peut être très intéressant. »

Il y a trois ans, le MBAM a créé un programme d’art-thérapie destiné aux personnes vivant avec un trouble de l’alimentation (anorexie/boulimie). Une étude menée par une équipe de l’Institut universitaire de santé mentale Douglas a conclut qu’il y avait une réduction de l’anxiété chez les participants. Le MBAM veut continuer à mener des projets semblables pour mieux cerner les bienfaits de l’art sur la vie des gens en général et sur le vieillissement en particulier.

Les premiers résultats seront dévoilés en juin 2018. « Si les résultats sont positifs, nous dit le Dr Beauchet, on pourrait proposer un module générique à l’ensemble des musées québécois sur la manière d’organiser une activité de médiation culturelle basée sur l’art pour améliorer l’état de santé des personnes âgées. »

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