Opinion  Cartes de crédit

Visa impose sa loi aux commerçants

La décision de Walmart Canada de refuser d’accepter les paiements par carte de crédit Visa fait couler beaucoup d’encre ces jours-ci. Plusieurs y voient une bagarre entre deux géants. Mais il ne faut pas oublier que ces taux imposés par Visa touchent l’ensemble des commerçants.

Personne ne parle du projet de loi fédérale C-236 Loi modifiant la Loi sur les réseaux de cartes de paiement (frais d’acceptation d’une carte de crédit), alors qu’il est intimement relié au dossier. Ce projet de loi d’initiative parlementaire de la députée libérale Linda Lapointe donnerait au ministre des Finances le pouvoir de limiter les frais chargés aux commerçants qui acceptent les cartes de crédit.

C-236 a été inspiré par l’Association québécoise des dépanneurs en alimentation (AQDA) et appuyé par l’ensemble des membres du Conseil canadien du commerce de détail, ce qui représente plus de 46 000 commerces à travers le pays. Le lien entre la réaction de Walmart et C-236 ? Une frustration partagée par tous les types de commerçants exaspérés par les frais de taux d’interchange.

Concrètement, chaque fois qu’un commerçant accepte un paiement par carte de crédit, il perd une partie du montant facturé.

Cette réduction se nomme le taux d’interchange, un frais obligatoire payé à la banque ayant émis la carte. Ce taux est décrété par Visa et MasterCard (qui possèdent 92 % du marché des cartes de crédit). Dans les faits, ce duopole facture ce que bon lui semble.

LES CONSOMMATEURS DIRECTEMENT TOUCHÉS

On pourrait penser qu’il s’agit d’une bagarre qui ne concerne pas les consommateurs. Mais c’est faux. Comme tout frais déboursé par les commerçants, le taux d’interchange influence directement le prix payé par les consommateurs. Le Bureau de la concurrence du Canada l’a démontré ; un taux d’interchange élevé entraîne une augmentation des prix sur de nombreux produits de base, comme la nourriture et l’essence. Ce taux coûte indirectement 5 milliards de dollars par année aux consommateurs d’ici.

De plus, les taux d’interchange les plus élevés concernent les cartes « premium », ce qui tire vers le haut les prix pour l’ensemble des consommateurs, même s’ils n’ont pas accès à ces cartes. Les commerçants ne peuvent refuser les cartes premium à la pièce. Visa exige que les commerçants acceptent chacune de ses cartes. La seule option possible pour éviter ce problème ? Refuser le paiement par Visa. Et voilà que Visa attaque Walmart parce qu’elle utilise la seule tactique valable.

Il y a mieux pour régler la situation ; ce que le projet de loi C-236 nous permet d’espérer. Partout à travers le monde, des plafonds aux taux d’interchange ont été imposés, comme dans l’Union européenne en Australie, en Suisse et en Israël. Au Canada, ce taux atteint en moyenne 1,5 % et peut s’élever jusqu’à 2,25 %. Au Royaume-Uni, il est de 0,30 %, en France de 0,28 % et en Australie de 0,50 %. Les commerçants canadiens paient cinq fois ce que leurs collègues européens paient pour exactement le même service.

C’est la preuve que ce taux est ici beaucoup plus élevé qu’il ne le serait dans un contexte de concurrence. Les commerçants de toutes tailles en appellent au gouvernement du Canada pour qu’il agisse, comme le font d’autres pays, et qu’il établisse un taux d’interchange juste.

Visa tente de diviser les commerçants. Mais les 46 000 commerces représentés par le CCCD soutiennent cette bataille dont les consommateurs et les détaillants sortiraient gagnants en cas de victoire.

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