Le nombre de morts bondit

Cette hausse marquée – la plus forte depuis que la COVID-19 fait des ravages – s’explique par un « changement de méthode de la part de la santé publique » dans sa façon de compter les morts, a expliqué jeudi le premier ministre François Legault.

« Le nombre de décès est élevé. Par contre, ce ne sont pas des décès, pour la majorité, qui viennent des dernières 24 heures. Il y a eu un changement de méthode de la part de la Santé publique dans la saisie des données. Il y a [aussi] eu beaucoup d’analyses épidémiologiques qui ont été faites sur des patients qui sont décédés au cours de la dernière semaine », a affirmé François Legault lors de son point de presse quotidien à Québec.

Le Québec déplore également parmi ses morts un premier médecin tué par le virus. Le Dr Huy Hao Dao travaillait dans le milieu de la santé communautaire en Montérégie (voir écran 4).

Le sommet de la courbe épidémique atteint sur l’île ?

À Montréal, le nombre de décès liés à la COVID-19 a plus que doublé en quatre jours. Entre le 12 et le 15 avril, le nombre de morts est passé de 162 à 332.

La directrice régionale de santé publique de Montréal, la Dre Mylène Drouin, est d’avis que le sommet de la courbe épidémique est désormais atteint sur l’île. Mais le nombre de morts est appelé à grandir.

« Habituellement, quand on atteint le pic épidémique, environ 10 à 12 jours plus tard, on atteint le pic d’hospitalisations, et un peu plus loin, on atteint le pic de décès », a-t-elle expliqué jeudi.

Les CHSLD montréalais sont frappés de plein fouet, avec 176 personnes décédées des suites de la maladie depuis le début de la pandémie. Le premier ministre François Legault a affirmé jeudi qu’il souhaitait accueillir des membres des Forces armées canadiennes pour qu’ils apportent leur aide là où la crise est la plus forte. Ottawa pourrait selon lui envoyer de 60 à 100 membres des Forces qui ont une formation médicale.

« Nous avons 332 décès, dont 90 dans la dernière journée. [Mais] comme le disait le premier ministre, ici aussi, ce sont des corrections qui se sont faites puisque plusieurs des établissements CHSLD ou résidences de personnes âgées n’envoyaient pas nécessairement les déclarations de décès. On a pu faire une récupération et on devrait arriver à être à jour dans les chiffres d’ici [ce vendredi] au plus tard », a pour sa part affirmé la Dre Drouin.

« C’est sûr qu’en CHSLD, on a des courbes quasiment indépendantes de la courbe populationnelle parce qu’il y a des éclosions en milieu de vie […] La situation dans nos CHSLD fausse nos chiffres, mais on [a encore bon espoir] qu’au niveau de la transmission communautaire, pour la première vague, on a atteint le plateau », a-t-elle ajouté.

Éviter les comparaisons

À Québec, François Legault a prévenu la population jeudi qu’il serait hasardeux de comparer la province à d’autres États touchés par la COVID-19 ailleurs dans le monde.

« Ici, au Québec, le choix qu’on a fait, c’est de déclarer tous les patients, même les patients qui n’ont pas été testés, mais qui [satisfont à] toutes […] les définitions pour être des patients qui sont décédés de la COVID-19. »

— François Legault, premier ministre du Québec

Le 7 avril dernier, lorsqu’il avait présenté ses scénarios sur l’évolution du coronavirus pour la première fois, le gouvernement Legault prévoyait atteindre le pic de la courbe de propagation du coronavirus le 18 avril. Il estimait alors que la maladie ferait 1263 morts d’ici au 30 avril, dans un scénario optimiste, et jusqu’à 8860 morts à cette même date dans un scénario pessimiste.

Québec a depuis mis à jour ses prévisions. Le gouvernement anticipe désormais que la COVID-19 pourrait tuer selon un scénario optimiste jusqu’à 1442 Québécois d’ici au 6 mai, jusqu’à 9617 dans un scénario pessimiste.

Alors que les autorités sanitaires fédérales avaient de leur côté prédit qu’on déplorerait de 500 à 700 décès liés à la COVID-19 en date du 16 avril à l’échelle du pays, on en comptait plus de 1200, dont 630 au Québec. Une semaine à peine après avoir dévoilé ses projections, l’Agence de la santé publique du Canada les a donc revues – mais déjà, le nombre le plus prudent a été dépassé. Selon les plus récents modèles, la Santé publique s’attend à ce que la COVID-19 fasse de 1200 à 1620 morts d’ici le 21 avril.

Si le bilan est plus lourd qu’anticipé, c’est notamment parce que les centres de soins pour aînés « ont été frappés plus sévèrement que ce à quoi l’on s’attendait », a affirmé jeudi le premier ministre fédéral Justin Trudeau.

Pas d’aidants naturels pour le moment

À Montréal, la Dre Mylène Drouin a révélé jeudi que près de 75 % des 79 CHSLD de la métropole étaient actuellement en éclosion, tout comme 23 % des résidences pour personnes âgées.

Contrairement aux autres régions du Québec, les proches aidants de Montréal devront patienter avant de pouvoir prodiguer des soins à leurs proches hébergés en CHSLD, particulièrement dans les établissements qui comportent plusieurs « zones chaudes ». Dans celles qui comportent des « zones froides » bien circonscrites, l’intégration des proches aidants se fera progressivement, après une formation.

« Actuellement, on est en train d’intégrer tous les nouveaux professionnels de la santé : des médecins, infirmières et préposés aux bénéficiaires qui arrivent d’autres établissements. Ça demande une logistique très importante aux établissements pour préparer, former et [pour] s’assurer que le matériel est organisé pour toute cette intégration-là. Donc, il va falloir être patients, ça va prendre quelques jours et, selon le statut de l’établissement, vous serez informés localement par les gestionnaires s’il sera possible ou non d’intégrer », a-t-elle précisé.

En date de jeudi, le Québec comptait 15 857 cas confirmés de personnes infectées au coronavirus, en augmentation de 997 en une journée. Selon le dernier bilan, 1018 personnes sont hospitalisées, dont 209 aux soins intensifs.

— Avec Mélanie Marquis, La Presse