covid-19

La baisse du nombre d'hospitalisations et le bilan des cas dans les CHSLD fourni par Québec ont soulevé des questions, mercredi.

Baisse des hospitalisations

Québec ne compte plus certains patients

Le nombre d’hospitalisations liées à la COVID-19 est passé de 1784 à 1516 mercredi. Une baisse importante qui s’explique principalement par un changement dans la méthode de calcul utilisée par le gouvernement. Mais sur le terrain, surtout dans le Grand Montréal, les lits d’hôpitaux sont toujours aussi occupés par des patients qui se remettent de la COVID-19, mais qui ne peuvent aller ailleurs.

« C’est peut-être une façon de mieux voir les cas actifs. Mais sur le terrain, ça ne change rien. On a le même nombre d’individus à l’hôpital. Ce sont des gens qu’on doit soigner », affirme le président de la Société des intensivistes du Québec, le Dr Germain Poirier.

Au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), on explique que « les patients guéris qui demeurent à l’hôpital uniquement parce qu’ils sont en attente d’une place pour être transférés ont été exclus puisqu’ils ne sont plus des cas de COVID-19 ». « Avec le retrait de ces patients dans le calcul des hospitalisations, il y a une diminution importante du nombre d’hospitalisations », explique le porte-parole du MSSS, Robert Maranda.

Les patients traités dans des sites non traditionnels, comme des hôtels et des arénas, ne sont aussi plus comptabilisés dans les données d’hospitalisations quotidiennes présentées par le gouvernement.

En conférence de presse, la vice-première ministre, Geneviève Guilbault, a expliqué que les patients traités en milieux non hospitaliers, comme en centre de convalescence ou en centre de réadaptation, ont aussi été retirés du nombre d’hospitalisations. « Donc, on a environ 200 personnes qui ont été traitées dans ces circonstances, ce qui fait qu’on les a retirées de la liste, ce qui explique la variation du nombre d’hospitalisations par rapport à hier », a dit Mme Guilbault.

Le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, a plaidé que cette nouvelle méthode de calcul offrait « un meilleur portrait » de la situation. « Ce n’est pas pour rien cacher », s’est-il empressé d’ajouter.

« Dans notre magnifique système d’information où on catégorise des établissements, on s’est rendu compte qu’avec le temps, il y avait une masse d’individus qui étaient dans les hospitalisations encore, comme s’ils étaient des cas actifs, et qui n’étaient plus des hospitalisations », a-t-il soutenu. Des personnes étaient maintenues dans la liste des patients qui sont soignés à l’hôpital alors qu’elles sont en attente « d’être envoyées ailleurs ».

« Qu’est-ce que ça va changer ? »

Le Dr Poirier ne comprend pas pourquoi Québec modifie ainsi sa façon de calculer les hospitalisations des semaines après le début de la pandémie. « C’est peut-être pour avoir un chiffre sur l’activité de la maladie et non pas sur les patients en récupération, avance le Dr Poirier. C’est correct. Mais qu’est-ce que ça va changer ? »

Sur le terrain, le nombre de patients en fin de soins actifs qui attendent une place en CHSLD ou ailleurs reste élevé dans les hôpitaux du Grand Montréal, note le Dr Poirier.

« Comptabilisés ou non, les patients sont quand même là. Il faut s’en occuper. Ce n’est pas parce qu’il y a 200 patients de moins qu’on a soudainement 200 lits disponibles », dit-il.

Le Dr Hoang Duong, président de l’Association des spécialistes en médecine interne du Québec, affirme que les patients qui n’ont plus besoin de soins aigus « occupent tout de même un lit et ont besoin de soins » dans les hôpitaux. « La congestion des lits d’hôpital dans le Grand Montréal, c’est encore un problème », constate-t-il.

Signe que la situation reste tendue, plusieurs hôpitaux de la région métropolitaine présentaient mercredi des taux d’occupation aux urgences bien plus élevés qu’au début de la pandémie.

Taux d’occupation aux urgences de certains hôpitaux du Grand Montréal

Hôpital Maisonneuve-Rosemont : 124 %

Hôpital Pierre-Boucher : 149 %

Hôpital de Verdun : 135 %

Hôpital Royal Victoria : 127 %

Hôpital général juif : 126 %

Hôpital du Lakeshore : 126 %

Hôpital Charles-Le Moyne : 119 %

Les médecins sont sur le qui-vive, selon le Dr Poirier, notamment parce que les patients se présentent de plus en plus aux urgences, que le déconfinement s’accélère et que les hôpitaux doivent augmenter leur cadence d’interventions chirurgicales. « Mais on a toujours de la difficulté à monter les patients aux étages », indique le Dr Poirier, qui souligne que ce que tout le monde redoute, c’est « une deuxième vague ». « On est plus que sur le qui-vive. On se prépare. On sait qu’il y aura encore plus d’achalandage dans les hôpitaux », ajoute le Dr Duong.

Pas encore assez de tests de dépistage

Le nombre de décès dus à la COVID-19 rapportés mercredi s’est élevé à 71 au Québec, pour un total de 3718. La province compte 44 775 cas confirmés, une augmentation de 578 cas. Le nombre de personnes traitées aux soins intensifs est de 183, soit trois de plus que la veille.

Lundi, 9582 tests de dépistage de la COVID-19 ont été réalisés au Québec, une performance bien loin de l’objectif de 14 000 visé par le gouvernement. « Je ne suis pas content de ça », a dit en anglais le Dr Horacio Arruda.

En raison du beau temps, l’achalandage a diminué dans les centres de dépistage, selon lui. « Nous allons devoir revoir nos stratégies », a-t-il affirmé. « J’espère que le nombre va augmenter » dans les prochains jours.

53 cas dans les garderies depuis le début de la pandémie

Depuis le début de la pandémie, 53 cas de COVID-19 ont été répertoriés dans un total de 47 services de garde, en grande majorité dans la région de Montréal, a indiqué le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, mercredi. Tous ces cas ont été détectés dans des garderies qui accueillaient seulement les enfants des travailleurs des services essentiels. Depuis la réouverture des garderies à tous hors du Grand Montréal, « on ne compte pas de nouveaux cas dans une installation », a-t-il indiqué. Parmi les 53 cas, il y a 38 éducatrices et 15 enfants. Le ministre chiffre à 130 millions de dollars le coût du programme d’aide aux services de garde afin de compenser leur perte de revenus. « C’est ce qu’on croit que ça va coûter jusqu’à la reprise complète du réseau », a-t-il affirmé. Rappelons que la réouverture des garderies dans le Grand Montréal a été reportée au 1er juin, mais que celles-ci pourront avoir un taux d’occupation de 100 % seulement à la mi-juillet – ce taux pourra être atteint le 22 juin ailleurs au Québec.

Liste erronée des CHSLD touchés

Marguerite Blais admet des « ratés »

Québec — La liste des CHSLD touchés par la COVID-19 continue de semer la confusion sur le nombre de cas réels de résidants malades ou morts au Québec. Une nouvelle mise à jour fait maintenant état de moins de morts que la veille. La ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais, admet qu’il y a des « ratés ».

Difficile de voir clair dans les données fournies par le Ministère pour connaître l’état de la situation dans les CHSLD et les RPA de la province. Une semaine après avoir publié la première liste – révisée à la demande du premier ministre Legault –, les informations publiées par Québec comportent toujours leur lot d’erreurs et sont diffusées sans mise en garde.

« Selon les CISSS et les CIUSSS, il y a encore des erreurs et des chiffres erronés chaque jour depuis la publication de cette nouvelle liste [le 14 mai dernier] », a fait valoir le porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), Robert Maranda.

« Les responsables de la collecte des données travaillent sans cesse pour régler la situation. Chaque région est mise à contribution pour repérer les erreurs quotidiennes et les corriger dans le système pour transmission au MSSS », a-t-il ajouté.

La Presse a pu constater mardi que les chiffres diffusés par le Ministère n’étaient pas justes dans au moins cinq établissements où le nombre de cas confirmés et de morts était plus grand que rapporté. Dans ces établissements, les données mises à jour mercredi sont demeurées pour la plupart inchangées.

Par exemple, au CHSLD Vigi Dollard-des-Ormeaux, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) a rapporté vendredi que 149 résidants étaient infectés et 67, morts. Sur la liste du 19 mai, on ne rapporte toujours que 39 usagers infectés et 32 morts. Au Centre d’hébergement de la Marée, on compte encore qu’une seule mort alors qu’une note transmise aux familles en fait état de six.

À la maison des aînés de Salaberry-de-Valleyfield, classée rouge, 20 cas et 4 morts sont déclarés sur la liste. Sur le site internet de la résidence, on affirme plutôt qu’il y a 45 résidants déclarés positifs à la COVID-19 et 10 morts. Il faut savoir que de nombreuses familles se fient à ces listes pour connaître l’évolution de la pandémie dans les CHSLD où vivent des proches.

Malgré ces disparités évidentes, le plus récent bilan du Ministère comptait mercredi moins de morts que la veille. En date du 19 mai, on recensait un total de 2201 morts en CHSLD. Ce chiffre atteignait 2236 dans la liste du 18 mai. Il y aurait maintenant 2173 usagers contaminés alors qu’on en calculait 2388 la journée précédente.

Selon le MSSS, ces « problèmes » s’expliquent par un changement de système de collecte de données. « Auparavant, les établissements utilisaient le gestionnaire de données GESTRED et, maintenant, tous les établissements ont comme consigne d’utiliser le logiciel de collecte de données V10 », a souligné M. Maranda.

Une partie « du décalage des données » proviendrait aussi d’un reclassement des CHSLD inscrits dans la zone grise sur la liste, c’est-à-dire en attente de classement, les informations étant manquantes. Cette partie été retirée pour la première fois dans la liste de mercredi, ce qui pourrait expliquer la baisse des cas et des morts par rapport à la veille.

Par ailleurs, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) indique qu’il y a eu 2355 décès en CHSLD en date du 19 mai. Le MSSS précise que l’INSPQ ajuste le nombre de morts « selon la date réelle du décès au lieu de la date de la déclaration du décès au fur et à mesure », ce qui peut justifier des écarts avec les listes du Ministère qui ne sont pas « mises à jour au même rythme ».

« On essaie de s’ajuster »

« Effectivement, il y a eu des ratés », a déclaré la ministre responsable des Aînés en commission parlementaire virtuelle, mercredi. « Tous les jours, on essaie de s’ajuster pour que la liste soit la plus conforme possible à ce qui se passe », a-t-elle assuré après avoir été interrogée sur ces disparités par la députée libérale Monique Sauvé.

« Clairement, les chiffres ne sont pas bons […]. Alors, comment on peut avoir un portrait et savoir quelles actions on doit mener si on n’a pas les chiffres [entre les mains] ? »

— La députée libérale Monique Sauvé

La ministre Blais a répété à quelques reprises que c’était aux établissements et aux « PDG des CIUSSS et des CISSS » de faire parvenir leurs données au Ministère. « Les chiffres que reçoit la ministre de la Santé, ce sont les mêmes chiffres que le premier ministre reçoit. Ce sont aussi ces chiffres-là qui sont sur le site du Ministère. Nous avons tous les mêmes chiffres », a-t-elle ajouté.

Il faut rappeler que François Legault avait demandé de retirer la liste des CHSLD touchés au début du mois de mai puisque « les données n’étaient pas bonnes » et avait réclamé la production d’une nouvelle liste, plus précise, faisant état, par exemple, du nombre de cas de COVID-19 toujours actifs.

encore des déplacements de zones chaudes à zones froides

La ministre responsable des Aînés a confirmé en commission parlementaire mercredi qu’il y avait encore des travailleurs de la santé « qui pass[ai]ent d’une place à une autre, d’une zone chaude à une zone froide » malgré que ce soit « proscrit » pour éviter « un[e] [rupture] de service ». « Oui, ça se passe encore, malheureusement […], en particulier dans la grande région de Montréal », a-t-elle indiqué. Marguerite Blais n’a pas nié que, pour les mêmes raisons, il y avait encore des employés qui se déplaçaient d’un établissement à l’autre. « Je ne peux pas vous dire que le personnel ne se promène pas d’un endroit à l’autre », a ajouté la ministre, en soutenant qu’environ 80 % des établissements peuvent compter sur des équipes se consacrant à la COVID-19. Enfin, la ministre Blais a révélé qu’un total de 4870 proches aidants avaient été admis dans les établissements depuis l’autorisation de leur retour et que 386 avaient été refusés.

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