Les mythes et réalités des grands projets d’évaluation environnementale

L’actualité récente a mis en relief de nombreux grands projets, tels ceux de GNL Québec, du tramway de Québec, du 3e lien entre Québec et Lévis ou encore du prolongement du REM dans l’est de Montréal pour lesquels les dimensions environnementales et sociales sont importantes.

Plus de 40 ans après la mise en place du cadre réglementaire et institutionnel québécois en environnement et autant d’années de pratique par les spécialistes de l’évaluation environnementale, il est toujours surprenant de constater la méconnaissance et la confusion qui demeurent présentes dans les médias et chez de nombreux décideurs et citoyens concernant les rôles des trois principaux acteurs du domaine, à savoir les promoteurs et bureaux d’études, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) et le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Cet état de fait vient nourrir le cynisme et la méfiance envers le travail de ces acteurs.

Il importe de bien comprendre le rôle des divers acteurs de l’évaluation environnementale. Beaucoup de petits et grands projets de toute nature sont mieux conçus et réalisés et leurs impacts sont évités, atténués et compensés grâce au travail des spécialistes qui y œuvrent. L’évaluation environnementale est clairement une pratique qui nous permet d’intégrer les considérations environnementales, sociales et économiques dans les projets pour l’atteinte d’un développement durable. Il s’agit d’un outil d’aide à la décision pour réaliser de meilleurs projets et non d’une perte de temps et d’argent comme le suggèrent certains.

Le Québec est pionnier en ce domaine, et cela est notamment reconnu en Francophonie.

Les principaux initiateurs de projets au Québec, tels que le ministère des Transports et Hydro-Québec, ainsi que les bureaux d’études qui les assistent, ont développé une expertise qui s’appuie sur des spécialistes de l’évaluation environnementale issus de multiples disciplines scientifiques comme la biologie, la chimie, la géographie, l’ingénierie, les sciences forestières, ou encore l’anthropologie et la sociologie. Ces équipes multidisciplinaires mènent des études complexes en utilisant des protocoles de collecte de données et d’analyse des impacts rigoureux permettant de bien comprendre les interactions entre les milieux naturel et humain et les projets proposés. Plusieurs de ces spécialistes sont également encadrés par les règles et les bonnes pratiques de leur association ou ordre professionnel. Ces études sont réalisées en s’assurant de la participation citoyenne et permettent de mieux intégrer dans la conception des projets les préoccupations particulières de différents groupes sociaux ainsi que des communautés touchées par le projet, dont les communautés autochtones.

De nombreux spécialistes

Par ailleurs, le MELCC regroupe à Québec et dans les régions administratives québécoises de nombreux spécialistes issus de diverses disciplines qui s’assurent que les études d’impact des initiateurs de projets répondent aux exigences gouvernementales. Ces spécialistes mènent également des consultations interministérielles avec les autres ministères concernés afin de recueillir les avis de leurs homologues et produire un rapport d’analyse environnementale.

Quant au BAPE, celui-ci intervient à la demande du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. Les commissaires désignés, aidés des analystes du BAPE, eux aussi dotés d’un profil multidisciplinaire, produisent également un rapport afin d’éclairer le ministre. Le BAPE traite de l’ensemble des dimensions du développement, et non seulement du volet milieu naturel comme cela est souvent perçu. Il fait des recommandations au ministre sur le projet à l’étude qui viendront s’ajouter à celles du MELCC contenues dans son rapport d’analyse environnementale du projet.

Ces deux rapports sont complémentaires et aideront le ministre dans sa prise de décision.

Le MELCC analyse le projet sous des angles plutôt technique, scientifique et juridique alors que le BAPE offre un éclairage basé sur les préoccupations citoyennes. Ces deux rapports viennent alors s’ajouter à l’analyse contenue dans le rapport d’étude d’impact de l’initiateur du projet.

Les activités plus médiatisées du BAPE, en raison de sa dimension participative pour des projets souvent controversés, viennent occulter les activités menées par les praticiens de l’évaluation environnementale en entreprise et au gouvernement. Bien que l’importance du BAPE soit incontestable au processus d’évaluation environnementale, il n’est pas l’unique acteur du domaine.

L’AQEI est consciente que le domaine de l’évaluation environnementale est complexe et que des efforts doivent être faits pour en améliorer la diffusion auprès du public, des décideurs et des médias. En ce sens, elle lancera prochainement des initiatives afin de proposer de nouvelles pratiques permettant de favoriser une meilleure compréhension par les citoyens et décideurs. Par exemple, la réduction du caractère souvent encyclopédique des rapports et le recentrage de l’analyse des impacts sur les enjeux majeurs des projets sont autant de pistes à considérer pour la mise en place d’une stratégie globale de vulgarisation scientifique visant à mieux faire connaître et comprendre les évaluations environnementales. Cela viendra faciliter la participation du public à ce grand exercice démocratique et d’analyses factuelles que doit être l’évaluation environnementale des grands projets.

* Lina Lachapelle est ingénieure, présidente de l’AQEI, et Michel Rochon est journaliste et ancien président de l’Association des communicateurs scientifiques (ACS) du Québec.

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