RÉPLIQUE

PENSIONNATS AUTOCHTONES
J’ai fait une erreur

À l’émission Plus on est de fous, plus on lit ! du 13 février dernier, j’ai fait une erreur.

À la remarque impromptue de l’animatrice : « Mais au Québec, il y a eu les pensionnats », je me suis mis sur la défensive : « Les pensionnats, ce n’est pas une réalité québécoise ! »

J’aurais dû dire : « Ce n’est pas avant tout une réalité québécoise. » Un enjeu aussi sensible méritait plus qu’un tel commentaire.

Je connais la question. L’été dernier, j’ai produit à Radio-Galilée 10 émissions sur les autochtones avec un intérêt particulier pour le drame des pensionnats. J’ai eu comme invités Henri Goulet et Bruno Sioui qui ont signé des ouvrages consacrés à la question.

Mon intérêt pour les autochtones ne date pas d’hier. Je viens d’une région où la cohabitation faisait partie de notre quotidien. Dans l’émission de Marie-Louise Arsenault, j’insiste : « Ce sont les autochtones qui nous ont permis de survivre. »

Dans les Entretiens (Stéphane Savard) qui étaient en principe le sujet de l’émission, j’affirme qu’ils ont rendu possible l’Amérique française que je me plais à nommer franco-amérindienne. Je rappelle comment j’en suis venu à m’intéresser à ce pan négligé de l’histoire. Pendant des années, j’ai discrètement révisé et « enrichi » Le Petit Larousse, ce qui m’a conduit à L’Indien généreux. Par la suite, je suis probablement l’éditeur qui a fait le plus de place aux autochtones, d’Olive Dickason jusqu’à Jean-Jacques Simard.

Je suis un historien passionné par son métier et je me sens libre. Un jour, avec mon collègue Michel Lavoie, nous avons décidé de retracer les origines de la Loi sur les Indiens, des réserves et des pensionnats. En 2000, nous avons publié L’impasse amérindienne. Trois commissions d’enquête à l’origine d’une politique de tutelle et d’assimilation. Chaque mot est bien pesé. À part Jean-Jacques Simard, ce fut le silence. Il en est ainsi de la majorité des ouvrages portant sur les autochtones. Le dernier en date est celui de Me René Morin portant sur La construction du droit des Autochtones (Septentrion, 2017). À ma connaissance, aucun média n’en a parlé !

La Commission de vérité et réconciliation a fait plusieurs bilans. En 2015, elle dénombrait 3125 enfants morts ou disparus dans les pensionnats autochtones. Plus récemment, le bilan est passé à 4134, presque tous en Alberta (901), en Saskatchewan (844), en Ontario (769) et en Colombie-Britannique (747). Au Québec, on en compte 35 ou 38, ce qui est évidemment autant de trop. 

J’avais ces chiffres en tête lorsque Marie-Louise Arsenault a lancé sa remarque. Je les ai mentionnés pour tenter bien maladroitement de faire comprendre ma réaction. Derrière les chiffres, il y a des victimes.

Il y a bel et bien eu des pensionnats autochtones au Québec. Ils sont apparus tardivement alors que les autorités fédérales avaient commencé à corriger le tir. Jusqu’à nouvel ordre, je m’en remets aux ouvrages d’Henri Goulet (Histoire des pensionnats indiens catholiques au Québec, PUM, 2016) et de Bruno Sioui (KA PI ICITA8ATC : ce qu’ils ont fait, Carte Blanche, 2018).

Je regrette d’avoir dit qu’il ne s’agissait pas d’une réalité québécoise, je réitère donc mon mea culpa. En réécoutant l’émission, je m’entends dire : « Il y a actuellement des sujets interdits, des questions dont il ne faut pas parler. » Je ne croyais pas si bien dire.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.