Tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine

Aménager une piste cyclable ? Impossible, tranche Québec

Faut-il profiter du mégachantier dans le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine pour y aménager une piste cyclable ? Un regroupement de citoyens croit que oui. Ses membres comptent d’ailleurs « mettre de la pression » sur le gouvernement Legault dans les prochains jours, en lui présentant une proposition. Mais pour le ministère des Transports, une telle avenue est impossible à emprunter.

« On parle d’une infrastructure qui va être pratiquement reconstruite au complet dans les trois prochaines années. C’est le temps ou jamais de penser à l’avenir. Il faut saisir cette opportunité », affirme Simon King, qui a fondé le regroupement sur les réseaux sociaux.

Les adeptes du projet proposent d’utiliser le « tube de service » du tunnel, qui héberge pour l’instant les systèmes de ventilation et les sorties d’urgence, par exemple, afin d’aménager cette nouvelle voie. « Ce lieu pourrait très bien être compatible avec d’autres usages. Et c’est suffisamment grand pour n'entraver aucune voie de circulation automobile », évoque M. King.

Ce dernier propose plusieurs scénarios aux autorités, disant surtout « lancer des idées, pour stimuler la discussion ». Ainsi, pour accéder au tunnel de chaque côté, son groupe suggère au ministère d’étudier deux scénarios : une rampe souterraine ou un service par ascenseurs, notamment.

Au nord, la piste cyclable pourrait démarrer à partir de l’intersection entre les rues Notre-Dame et Curatteau, avec une rampe d’accès en forme de U. Arrivé dans l’île Charron, le cycliste pourrait ensuite remonter à la surface avec une nouvelle rampe d’accès, puis emprunter une voie cyclable allant jusqu’au quai de la navette fluviale, avec un passage pour piétons traversant la rue de l’Île-Charron. « On pourrait ainsi donner accès aux îles de Boucherville autrement qu’en voiture », affirme M. King.

Pour se rendre jusque sur la Rive-Sud, le regroupement propose une piste reliant la rue de l’Île-Charron au pont, où une bande cyclable pourrait être fixée aux piles du pont. L’accès à la Rive-Sud se ferait enfin par la piste cyclable la Riveraine, déjà existante, qui donne accès à Longueuil et à Boucherville.

« Impossible », rétorque Québec

Joint par courriel, le porte-parole du ministère des Transports et de la Mobilité durable, Gilles Payer, est catégorique. Si le gouvernement demeure ouvert à discuter des mesures d’atténuation, une piste cyclable n’est tout simplement pas envisageable.

« Les espaces sont limités dans le tunnel et cette contrainte rend impossible l’aménagement d’un corridor réservé au transport actif en respectant les normes. »

– Gilles Payer, porte-parole du ministère des Transports et de la Mobilité durable

Le porte-parole ajoute que le tube de service « doit être réservé aux mesures d’urgence (ex. : évacuation), ainsi qu’aux opérations liées à l’exploitation du tunnel ».

Selon le Ministère, les entrées et sorties du tunnel sont pour le moins ardues pour les vélos, d’autant plus que le nombre élevé de passages automobiles – le tunnel accueille en moyenne 120 000 automobilistes quotidiennement, dont environ 15 000 camionneurs – implique plusieurs enjeux de sécurité.

N’empêche, l’organisme Vélo6 Tunnel, qui participe aussi au projet, souhaite « réunir différents intervenants » autour d’une même table afin de discuter de la possibilité d’une piste cyclable dans le tunnel. Élus municipaux et provinciaux, gestionnaires de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), ingénieurs et experts en développement durable : le but serait de « créer un comité consultatif, et faire faire une nouvelle étude de préfaisabilité pour promouvoir le projet ».

Retirer des « barrières »

Chez Vélo Québec, le président et directeur général Jean-François Rheault salue l’audace des instigateurs du projet. « Enlever des barrières à la pratique du vélo, c’est toujours quelque chose à considérer. Dans ce cas-ci, la barrière, c’est le fleuve. On l’a vu avec le pont Samuel-De Champlain : une bande cyclable a finalement été intégrée au projet. Et aujourd’hui, il y a des centaines, voire des milliers de cyclistes qui l’empruntent chaque jour », évoque-t-il.

M. Rheault reconnaît toutefois qu’il y aura de nombreux défis logistiques. « L’une des limites, ce sont les approches. Ça reste une autoroute, donc il faut que ça demeure sécuritaire. Mais sur le fond, on doit y réfléchir sérieusement. »

L’expert en planification des transports à l’Université de Montréal Pierre Barrieau est aussi d’avis que l’idée est « intéressante », mais ambitieuse. « Je ne suis vraiment pas contre, mais la question est toujours de déterminer si c’est le meilleur investissement et le meilleur rapport coûts-bénéfices au meilleur endroit », raisonne-t-il.

« Dans ce cas-ci, est-ce qu’opérer une navette fluviale en permanence entre le Vieux-Boucherville et le Vieux-Pointe-aux-Trembles devient moins cher et peut-être plus intéressant ? Il ne faut pas nécessairement juste vouloir insérer une piste cyclable pour insérer une piste cyclable », conclut M. Barrieau.

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