Dans l’atelier de… Bonnie Baxter

« La vie, c’est de l’art, et l’art, c’est la vie »

Figure marquante des arts visuels au Québec, Bonnie Baxter réinvente le land art avec son corpus The Patch Trilogy qui combine performance, agriculture, vidéo, philosophie et écologie. Nous sommes allés la rencontrer dans sa propriété de Val-David et au Musée d’art contemporain des Laurentides où elle expose actuellement.

Une greffe solide au Québec

Née en 1946 au Texas, Bonnie Baxter vit et crée depuis 50 ans au Québec. Réputée pour ses gravures, elle a touché à tout : peinture, sculpture, photo, vidéo. Elle a travaillé avec l’Atelier de l’île, à Val-David, puis a créé son propre atelier, Le Scarabée, en 1982. Elle a alors rencontré des artistes et réalisé leurs estampes. Kitty Bruneau, Francine Simonin ou encore Jean Paul Riopelle.

Habituée de la Biennale internationale d’estampe contemporaine de Trois-Rivières et représentée par la galerie Blouin Division, elle enseigne à Concordia depuis 1984. Elle est très impliquée dans les Laurentides, faisant partager son savoir et aidant les autres. Inspiré par les visions autochtone et bouddhiste de la vie, son art pousse à réfléchir sur nos comportements. Son corpus RatKind, par exemple, tente de changer nos perceptions des rats. Même si elle s’est fait refuser deux fois une expo sur le sujet ! « C’est du racisme, cette peur des rats, dit-elle. J’ai trouvé ça choquant. Heureusement, j’ai montré RatKind au Centre Clark ! »

Ode à la prévoyance

La pandémie a été féconde pour Bonnie Baxter. Confinée, elle a bénéficié des discussions sur Zoom avec ses étudiants et de sa propriété de deux acres pour monter un projet sur le partage, la valeur des choses, notre connexion à la nature, comment avancer en tant que société. The Patch était né. Une fable qui a débuté avec la plantation de tomates qui ont nourri des familles de la communauté. Elle a aussi fait venir une dizaine d’artistes performeurs, dont François Morelli, Camille Charbonneau, Johannes Zits, l’Australienne Jen Rae et la Française Mathilde Rohr. Pour évoquer les thèmes du projet. Et tisser une narration.

Le Musée d’art contemporain des Laurentides (MACLAU), à Saint-Jérôme, l’a sondée pour intégrer The Patch Trilogy à l’exposition Emporia, une initiative du prof de philo Xavier Brouillette sur les relations entre philosophie et art. Bonnie Baxter expose ainsi actuellement Le philosophe et la tomate, près de réalisations de Stanley Février, Philippe Hamelin, Kim Kielhofner et Sophie Latouche. Très zen, la première vidéo de sa trilogie, Book 1, dure une heure. Les images sont reposantes, avec des performances inspirées.

Le deuxième film sera diffusé dès demain et un troisième dès le 13 novembre. Le temps des tomates étant terminé, Bonnie Baxter les a remplacées par 20 plants de haricots, des légumes distribués au comptoir alimentaire de Val-David.

Riopelle

En 1985, Bonnie Baxter a rencontré Riopelle, son voisin de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson. « Il cherchait quelqu’un pour faire ses plaques. Je les préparais, il les grattait, faisait sa gravure et moi, l’impression. Ça a duré presque dix ans ! On aimait travailler et passer du temps ensemble. Ici, à Estérel ou en France. On était ouverts à casser le conformisme. »

Ils ont fait des eaux-fortes et de la gravure avec le procédé KPR qui nécessitait des solvants toxiques. « Je lui disais que ça allait me tuer ! Il m’a conseillé d’utiliser du sucre. J’ai appris à me servir de lait condensé sucré que j’imprimais sur la plaque avant de passer le vernis. Le résultat était parfait et non toxique ! Une technique que j’ai apprise à mes étudiants, très surpris ! Quand Jean Paul venait ici, on était en dehors du temps et de l’espace. Je l’entends encore désirer voir apparaître des couleurs et crier : ‘‘Je veux voir une sanguine !’’ C’était fantastique. »

Le jardin-atelier

Avec son partenaire, le sculpteur Michel Beaudry, Bonnie Baxter vit dans un domaine assez vaste pour avoir plusieurs ateliers. Mais sa pratique est aussi extérieure. Leur jardin parsemé de sculptures est un atelier permanent. Elle y crée, y invite ses étudiants et organise des fêtes comme en septembre, son Deck Jam Festival, avec des performances d’artistes.

Ses amis artistes font partie de sa vie artistique. Sa maison est remplie de leurs œuvres, notamment de David Lafrance ou Dominique Pétrin qui a décoré une chambre avec ses fameux papiers sérigraphiés. La pièce a l’air immergée dans le jardin. « Ce jardin, c’est de l’art, du travail, du désir, dit Bonnie Baxter. Il est comme un tableau géant que j’élabore avec des fleurs, des couleurs, et qui change au fil des saisons. »

L’art de Bonnie Baxter est une ode à la planète et au partage. « Le philosophe et la tomate est né dans le jardin, dit-elle. Je suis chanceuse d’avoir créé l’art qui m’était précieux. Et de le partager. Je suis reconnaissante envers la vie. » À 76 ans, elle n’envisage pas de retraite. Le 2 février, le Musée des beaux-arts de Sherbrooke présentera l’exposition Jean Paul Riopelle/Bonnie Baxter. Apprivoiser la bête, sur la collaboration durant près de 10 ans de ces deux as de la gravure.

Quelques œuvres

Dans l’atelier de… Bonnie Baxter

« La vie, c’est de l’art, et l’art, c’est la vie »

Figure marquante des arts visuels au Québec, Bonnie Baxter réinvente le land art avec son corpus The Patch Trilogy qui combine performance, agriculture, vidéo, philosophie et écologie. Nous sommes allés la rencontrer dans sa propriété de Val-David et au Musée d’art contemporain des Laurentides où elle expose actuellement.

Une greffe solide au Québec

Née en 1946 au Texas, Bonnie Baxter vit et crée depuis 50 ans au Québec. Réputée pour ses gravures, elle a touché à tout : peinture, sculpture, photo, vidéo. Elle a travaillé avec l’Atelier de l’île, à Val-David, puis a créé son propre atelier, Le Scarabée, en 1982. Elle a alors rencontré des artistes et réalisé leurs estampes. Kitty Bruneau, Francine Simonin ou encore Jean Paul Riopelle.

Habituée de la Biennale internationale d’estampe contemporaine de Trois-Rivières et représentée par la galerie Blouin Division, elle enseigne à Concordia depuis 1984. Elle est très impliquée dans les Laurentides, faisant partager son savoir et aidant les autres. Inspiré par les visions autochtone et bouddhiste de la vie, son art pousse à réfléchir sur nos comportements. Son corpus RatKind, par exemple, tente de changer nos perceptions des rats. Même si elle s’est fait refuser deux fois une expo sur le sujet ! « C’est du racisme, cette peur des rats, dit-elle. J’ai trouvé ça choquant. Heureusement, j’ai montré RatKind au Centre Clark ! »

Ode à la prévoyance

La pandémie a été féconde pour Bonnie Baxter. Confinée, elle a bénéficié des discussions sur Zoom avec ses étudiants et de sa propriété de deux acres pour monter un projet sur le partage, la valeur des choses, notre connexion à la nature, comment avancer en tant que société. The Patch était né. Une fable qui a débuté avec la plantation de tomates qui ont nourri des familles de la communauté. Elle a aussi fait venir une dizaine d’artistes performeurs, dont François Morelli, Camille Charbonneau, Johannes Zits, l’Australienne Jen Rae et la Française Mathilde Rohr. Pour évoquer les thèmes du projet. Et tisser une narration.

Le Musée d’art contemporain des Laurentides (MACLAU), à Saint-Jérôme, l’a sondée pour intégrer The Patch Trilogy à l’exposition Emporia, une initiative du prof de philo Xavier Brouillette sur les relations entre philosophie et art. Bonnie Baxter expose ainsi actuellement Le philosophe et la tomate, près de réalisations de Stanley Février, Philippe Hamelin, Kim Kielhofner et Sophie Latouche. Très zen, la première vidéo de sa trilogie, Book 1, dure une heure. Les images sont reposantes, avec des performances inspirées.

Le deuxième film sera diffusé dès demain et un troisième dès le 13 novembre. Le temps des tomates étant terminé, Bonnie Baxter les a remplacées par 20 plants de haricots, des légumes distribués au comptoir alimentaire de Val-David.

Riopelle

En 1985, Bonnie Baxter a rencontré Riopelle, son voisin de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson. « Il cherchait quelqu’un pour faire ses plaques. Je les préparais, il les grattait, faisait sa gravure et moi, l’impression. Ça a duré presque dix ans ! On aimait travailler et passer du temps ensemble. Ici, à Estérel ou en France. On était ouverts à casser le conformisme. »

Ils ont fait des eaux-fortes et de la gravure avec le procédé KPR qui nécessitait des solvants toxiques. « Je lui disais que ça allait me tuer ! Il m’a conseillé d’utiliser du sucre. J’ai appris à me servir de lait condensé sucré que j’imprimais sur la plaque avant de passer le vernis. Le résultat était parfait et non toxique ! Une technique que j’ai apprise à mes étudiants, très surpris ! Quand Jean Paul venait ici, on était en dehors du temps et de l’espace. Je l’entends encore désirer voir apparaître des couleurs et crier : ‘‘Je veux voir une sanguine !’’ C’était fantastique. »

Le jardin-atelier

Avec son partenaire, le sculpteur Michel Beaudry, Bonnie Baxter vit dans un domaine assez vaste pour avoir plusieurs ateliers. Mais sa pratique est aussi extérieure. Leur jardin parsemé de sculptures est un atelier permanent. Elle y crée, y invite ses étudiants et organise des fêtes comme en septembre, son Deck Jam Festival, avec des performances d’artistes.

Ses amis artistes font partie de sa vie artistique. Sa maison est remplie de leurs œuvres, notamment de David Lafrance ou Dominique Pétrin qui a décoré une chambre avec ses fameux papiers sérigraphiés. La pièce a l’air immergée dans le jardin. « Ce jardin, c’est de l’art, du travail, du désir, dit Bonnie Baxter. Il est comme un tableau géant que j’élabore avec des fleurs, des couleurs, et qui change au fil des saisons. »

L’art de Bonnie Baxter est une ode à la planète et au partage. « Le philosophe et la tomate est né dans le jardin, dit-elle. Je suis chanceuse d’avoir créé l’art qui m’était précieux. Et de le partager. Je suis reconnaissante envers la vie. » À 76 ans, elle n’envisage pas de retraite. Le 2 février, le Musée des beaux-arts de Sherbrooke présentera l’exposition Jean Paul Riopelle/Bonnie Baxter. Apprivoiser la bête, sur la collaboration durant près de 10 ans de ces deux as de la gravure.

Quelques œuvres

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