Vaccination

Quatre millions de deuxièmes doses, mais une campagne au ralenti

Plus de 4 millions de Québécois ont désormais reçu leurs deux doses de vaccin, soit près de la moitié de la population. Mais l’annonce de la « loto-COVID » – qui doit démarrer d’ici peu pour encourager les non vaccinés à obtenir leur dose – n’a pas provoqué de cohue jusqu’ici. Pour bien des experts, la mesure n’est cependant pas le bon outil pour le public visé.

En date du 20 juillet, 4 026 913 Québécois avaient reçu leurs deux doses nécessaires pour être considérés pleinement vaccinés, 218 jours après le début de la campagne de vaccination. Ainsi, 47 % de la population de la province a reçu deux doses. Calculée sur les 12 ans et plus seulement, cette proportion est d’environ 53 %.

La loterie annoncée la semaine dernière pour encourager les Québécois à se faire vacciner n’a pas entraîné de ruée vers les centres de vaccination. Reste toutefois à savoir si elle provoquera une hausse lors de son lancement officiel, le 25 juillet. Chose certaine : depuis la fin de la semaine, on a plutôt observé une baisse du nombre de personnes se présentant.

« À la place d’annoncer des loteries, moi, j’aurais profité du fait qu’on a des concerts-tests qui s’en viennent en septembre, à Québec notamment, en insistant sur le fait que ça serait disponible pour les personnes doublement vaccinées. Ç’aurait probablement été un bien meilleur incitatif, surtout si ce sont les jeunes qu’on vise », explique à La Presse l’épidémiologiste Nimâ Machouf.

Pour elle, le ralentissement de la vaccination observé dans les derniers jours n’est pas alarmant en soi, pour autant qu’il ne touche pas de groupes en particulier. « Si on parle de groupes particuliers dans des communautés qui ne sont pas immunisés, là, c’est plus inquiétant. Mais si on parle de gens disparates un peu partout dans la société, c’est moins préoccupant à court terme. Il faut une bonne étude de ça », insiste-t-elle.

Faut-il imiter la France ?

Actuellement, environ 6300 personnes se présentent quotidiennement pour obtenir une première dose, contre 6600 la semaine dernière. Le rythme d’administration des deuxièmes doses aussi a ralenti : 80 200 personnes se présentent quotidiennement, contre 94 000 la semaine dernière, ce qui représentait un sommet.

Malgré ce ralentissement, le Québec reste en bonne voie d’atteindre son objectif de 75 % de doubles vaccinés chez les 12 ans et plus d’ici la fin de l’été. Or, en lançant la loterie, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, avait dit vouloir dépasser le seuil des 82 % observé pour les premières doses, ce qui s’annonce plus difficile.

Québec avait principalement dans sa ligne de mire les 18 à 34 ans, qui tardent à atteindre le cap des 75 %. Ceux-ci se trouvent pour l’heure à 69 % et progressent lentement.

La professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM) Roxane Borgès Da Silva affirme qu’il faudra « peut-être éventuellement arriver à imposer le code QR ou la preuve vaccinale dans les espaces clos », un peu comme le président de la République française, Emmanuel Macron, l’a fait récemment, provoquant une ruée sur les vaccins, surtout chez les jeunes.

« Ça a créé une véritable folie dans les centres de vaccination. J’espère qu’on n’aura pas à en arriver là, mais en même temps, présentement dans les cégeps et les universités, on ne peut pas dire que c’est sécuritaire en vue de la rentrée sans masque, comme le visait le gouvernement », raisonne-t-elle, précisant qu’il serait d’abord « opportun » de faire encore appel aux influenceurs pour susciter un engouement chez les jeunes.

« Ça prend d’autres mesures. Parce qu’une loterie, pour moi, c’est un peu comme si on marchandisait la santé. Ce n’est pas le bon message. »

— Roxane Borgès Da Silva, de l’École de santé publique de l’Université de Montréal

Depuis peu, les Français doivent présenter un passeport sanitaire pour faire certaines activités, notamment dans les lieux de culture. Début août, ils devront aussi le faire pour les restaurants et les transports publics. Quoique critiquée, la mesure a eu les effets escomptés : près de 1 million de Français, principalement des jeunes, se sont rués sur les rendez-vous pour se faire vacciner après les annonces, la semaine dernière.

« C’est normal d’atteindre un plateau, mais c’est une erreur d’assumer que tout le monde dans un groupe ne se fait pas vacciner pour la même raison. Le vrai défi, c’est d’avoir plusieurs approches. Un des enjeux présentement, ce sont les gens qui ne sont pas opposés au vaccin, mais qui n’en voient pas l’utilité comme les chiffres augmentent quand même quotidiennement », ajoute à ce sujet le DMatthew Oughton, spécialiste des maladies infectieuses à l’Hôpital général juif de Montréal.

Légère tendance à la hausse

Le Québec franchit ce cap des 4 millions de doubles vaccinés alors qu’il observe une légère tendance à la hausse des nouveaux cas. Les 76 nouveaux cas rapportés mardi ont porté la moyenne quotidienne calculée sur sept jours à 77. La tendance est ainsi en hausse de 8 % sur une semaine.

En l’absence de décès supplémentaire, la moyenne des décès demeure à moins de un par jour. On recense à l’heure actuelle 77 personnes hospitalisées, soit 1 de moins que la veille. Du nombre, 21 se trouvent aux soins intensifs, soit 2 de moins.

Évolution de la pandémie

Québec a réalisé des sondages hebdomadaires

Sans tambour ni trompette, Québec a publié mardi une série de sondages effectués pendant la pandémie, afin de prendre le pouls de la population sur diverses mesures sanitaires. Une firme de recherche a été mandatée pour produire des rapports de manière régulière. Plus d’une soixantaine de « rapports hebdomadaires sur la pandémie du coronavirus » ont ainsi été remis aux autorités entre les mois de mai 2020 et de juin 2021, la plupart signés et réalisés par la firme montréalaise de recherche marketing SOM, apprend-on sur le site des autorités. On y aborde notamment l’adhésion à diverses mesures de confinement, dont la réouverture ou la fermeture des restaurants, ou encore le déroulement de la campagne de vaccination, la restriction des voyages à l’étranger et la gestion de la pandémie dans le réseau scolaire. Le cabinet de François Legault a indiqué mardi qu’il est « commun que les gouvernements réalisent des sondages visant à documenter la perception de la population ». Le chef parlementaire du Parti québécois, Pascal Bérubé, a pour sa part commenté que « ça ne sert pas l’intérêt public, ça sert l’intérêt du gouvernement ».

— Henri Ouellette-Vézina, La Presse

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