La Presse au Sri Lanka

La malnutrition 100 % bio

Le virage brutal vers une agriculture 100 % biologique, en mai 2021, a fait des ravages au Sri Lanka. Même si le projet a été abandonné, son échec menace aujourd’hui des millions de personnes de malnutrition.

Un dossier de Mélanie Marquis et d’Edouard Plante-Fréchette

La Presse au Sri Lanka

Le cataclysme biologique

Nuwara Eliya — Les cueilleuses du thé de Ceylan ont l’habitude de s’échiner au travail. Leurs mains usées, creusées de sillons, qui prennent une coloration verte à force de récolter les précieuses feuilles, en témoignent.

Mais depuis quelques mois, leur labeur est encore plus ardu.

À la plantation Blue Field, non loin de Nuwara Eliya, elles peinent à atteindre le quota quotidien de 20 kilos pour toucher le salaire de 1000 roupies (3,75 $ CAN).

« En ce moment, on ne peut pas vraiment cueillir 20 kilos, il n’y a pas assez de feuilles de thé sur les plants. Généralement, j’arrive à cueillir 10 kilos », relate entre deux bouchées de riz au curry Mme Rajalakshmi, 52 ans, mère de cinq enfants.

Autour d’elle, on acquiesce. « Il faut marcher plus longtemps, se pencher et se relever plus souvent. La cueillette est devenue beaucoup plus difficile physiquement », raconte Wijekumari, 55 ans, assise à même le sol de l’usine. Chaque kilo en moins ampute leur paie de 50 roupies (20 cents).

Leur gérant, Zubair Mohamed Irshad, tient pour responsables le gouvernement et son interdiction subite d’utiliser des engrais chimiques, en mai 2021 : « On n’a eu aucun préavis ! Il nous restait de l’engrais pour la saison d’été [2021], mais pas assez. »

Sa production a baissé de 50 % depuis, et il estime que ce sera la même chose dans les mois et les années à venir. « Je ne vois pas un avenir très positif pour l’industrie, pour être honnête », souffle celui qui emploie environ 175 personnes.

La dégringolade a été tout aussi draconienne à la plantation Glenloch, à Katukitula, qui est également située dans le « Hill Country », la région verdoyante et vallonneuse du centre du pays où pousse le fameux thé qui fait la réputation de l’île auparavant appelée Ceylan.

« Avant, on avait 30 employés par jour. Maintenant, on en a 15. On a dû faire des coupes parce que les récoltes ont baissé de 50 % », indique Landage Dun Wijma, gestionnaire de la production.

« De la folie »

Ils ne sont pas les seuls à s’inquiéter de ce que l’avenir leur réserve. Des plantations de thé à Nuwara Eliya aux rizières de Kandy en passant par les champs de cocotiers à Kurunegala, les agriculteurs voient des nuages noirs s’accumuler sur leurs prochaines récoltes.

En cause : la décision de l’ex-président Gotabaya Rajapaksa de mener un virage vers une agriculture 100 % bio du jour au lendemain, en mai 2021 – un programme moins vertueux qu’il n’y paraît, ayant été implanté parce que les coffres de devises étrangères étaient à sec.

« Le milieu de l’agriculture n’a jamais été informé de ce virage imminent. Faire passer un pays en entier à une production agricole 100 % biologique, c’est de la folie. »

— Jeevika Weerahewa, professeure à la faculté d’agriculture de l’Université de Peradeniya

Pendant environ six mois, aucun nouvel arrivage d’engrais chimique n’est parvenu jusqu’aux côtes du Sri Lanka – jusqu’à ce que le gouvernement, sous la pression populaire, ne revienne sur sa décision.

Le mal était fait.

« Les prix ont quadruplé à cause de la hausse du prix du pétrole, qui est directement lié à celui des engrais, car ce sont des produits dérivés, et ensuite, la guerre en Ukraine a aggravé la situation », expose la professeure Weerahewa.

De l’engrais à prix d’or

Le va-et-vient de navires aux cales bourrées d’engrais a retrouvé un peu de normalité au port de Colombo. Battant pavillon panaméen, arrivé de Malaisie, le BMC Pandora a accosté le 31 octobre avec à son bord des dizaines de milliers de kilos d’urée.

Le lendemain, des ouvriers ensachent la poudre blanche, puis acheminent les sacs à des collègues qui les empoignent à l’aide de crochets pour les balancer sur le plateau d’une semi-remorque. Des sacs qui se vendent à prix d’or.

« Il y a quatre ans, un sac d’engrais de 50 kilos coûtait 1500 roupies (5,50 $ CAN). C’est rendu 27 500 roupies maintenant (100 $ CAN) », déplore Rajitha Perera, à l’ombre des cocotiers de sa terre de 13 acres dans le district de Kurunegala, région du nord-ouest de l’île qui fait partie du « Triangle des cocotiers ».

À ses côtés, Ranjith Wickramaratne argue qu’on ne peut être 100 % bio pour cette culture.

« D’entre tous les engrais, le plus important pour les cocotiers est la potasse. C’est le nutriment qui permet à la noix de se former. Les autres, l’azote, le magnésium, l’urée, on peut les obtenir de façon biologique, mais pas la potasse », insiste-t-il.

Sans cet ingrédient, « les noix de coco sont plus petites, elles ont moins de chair, et il y a un pourcentage plus élevé de noix vides », ajoute celui qui exploite aussi une cocoteraie et qui était autrefois président du C.A. du Coconut Cultivation Board.

L’impact de la réforme agraire ratée ne se fera pas sentir avant quelques années dans le secteur de la noix de coco, car les arbres mettent quatre ou cinq ans avant d’atteindre la maturité et de produire des fruits, précise par ailleurs l’homme de 72 ans.

« En 2025, je m’attends à une diminution de 25 % de la production, et à partir de 2026, à une baisse de 40 % », projette M. Wicramaratne.

Des rizières à l’abandon

Les conséquences du plan Rajapaksa ont en revanche été instantanées dans les rizières.

« Il y a eu des récoltes, mais en consultant les statistiques, on voit que les récoltes de riz ont chuté de 40 % en 2022 par rapport à la même période l’année précédente », soutient la professeure Jeevika Weerahewa.

À Baragedara, Nipun Dilshan, 23 ans, montre du doigt des lopins de terre à l’abandon.

« Quand l’interdiction sur les engrais chimiques a été décrétée, de 35 à 40 % des villageois ont cessé de cultiver leur rizière », explique-t-il.

Sur un chemin en terre entre les rizières, on croise Janaka Pushpakumara, un villageois qui en a pâti.

« Mes récoltes ont été réduites à presque rien. Ma vie, mes finances, tout a été affecté par cette interdiction. »

— Janaka Pushpakumara, villageois

« Parfois, je ne pouvais faire autrement que d’aller au magasin et d’acheter de la nourriture à crédit pour survivre », confie l’homme de 40 ans. Avant, il était autosuffisant – à l’instar du pays de 22 millions d’habitants.

« Avant que l’interdiction ne soit décrétée, le Sri Lanka était plus qu’autosuffisant en riz, et nous en avions en excès, relève la professeure Weerahewa. Ceux qui ont été frappés de plein fouet, ce sont les consommateurs, parce que le prix du riz a bondi de 125 %. »

L’interdiction des engrais chimiques n’a pas à elle seule plongé le pays dans le chaos.

Mais « ça a perturbé la chaîne d’approvisionnement de façon considérable, et ce sont les agriculteurs qui sont les instigateurs des manifestations contre le gouvernement Rajapaksa », relève Paikiasothy Saravanamuttu, du Centre de politiques alternatives du Sri Lanka.

La rue a fait rouler les têtes du président Gotabaya Rajapaksa et de son frère, le premier ministre Mahinda Rajapaksa (il a été président de 2005 à 2015). Mais la misère subsiste, dans les villages comme dans les grandes villes du pays.

Les parachutes de Baragedara

Du côté de Baragedara, on a fait contre mauvaise fortune bon cœur : on a adopté une nouvelle technique d’ensemencement ne nécessitant aucun engrais chimique, dont les résultats sont prometteurs.

Au lieu de semer les grains de riz à tout vent, on les fait d’abord pousser sur un plateau de plantation de semis, on attend sept jours, et on les transplante en les lançant comme des petits « parachutes » – la méthode a été baptisée ainsi par les riziculteurs.

« Ça pousse mieux, il y a moins de mauvaises herbes, et les oiseaux viennent moins saccager les récoltes, parce que les plants sont plus solides. On utilise aussi moins de graines qu’avant, alors c’est aussi une économie », détaille Nipun Dilshan.

28 %

Proportion de la population du Sri Lanka employée dans le secteur de l’agriculture.

Source : Fonds international de développement agricole (FIDA)

Pourquoi un tel virage bio ?

L’ancien président Gotabaya Rajapaksa a sorti un lapin de son chapeau en annonçant en avril 2021 que les agriculteurs du Sri Lanka devaient prendre un virage 100 % bio – « immédiatement ». Il a fait miroiter des bénéfices commerciaux (les produits se vendent plus cher), sur le plan de la santé publique (il a établi un lien de causalité entre une maladie rénale chronique présente au pays et les pesticides), et sur celui de la sécurité alimentaire. En mai 2021, il passait à l’action. Six mois plus tard, à l’aune des récoltes désastreuses dans les rizières – dans un pays où le riz est l’aliment de base –, il reculait. Selon les experts, s’il a fait ce changement à toute vapeur, c’est parce que Colombo n’avait plus de devises étrangères pour acheter des engrais : les attentats de Pâques en 2019 puis la pandémie avaient fait fuir les touristes (et leurs devises avec eux). Quant au lien entre la maladie rénale et les engrais chimiques, il n’a pas été prouvé avec certitude.

Et au Canada ?

Le virage srilankais vers l’agriculture bio « envoie comme message qu’une transition totale et rapide, ce n’est pas l’approche à prendre », constate la ministre de l’Agriculture, Marie-Claude Bibeau. En revanche, jamais le Canada, « grand pays à l’agriculture très diversifiée, à la qualité des sols très variable », n’a voulu prendre cette direction : on préconise l’agriculture durable, dit la ministre, rappelant que l’agriculture est une compétence partagée entre Ottawa et Québec. Au bureau de son homologue à l’Assemblée nationale, André Lamontagne, on souligne que le Québec est un « leader » en matière d’agriculture biologique. « Initialement, la cible était de doubler la superficie en production biologique pour passer de 49 000 hectares en 2015 à 98 000 hectares en 2025, mais l’objectif a finalement été atteint en 2019, et la nouvelle cible est de 121 000 hectares en mars 2023 », a détaillé son directeur des communications, Jean-Bernard Marchand. — Mélanie Marquis, La Presse

Des élèves au ventre creux qui s'effondrent

La crise alimentaire touche de plus en plus de Srilankais

Comme tous les lundis, à l’école Gamini de Nuwara Eliya, les enfants forment une file qui serpente jusqu’au bureau du directeur. Comme tous les lundis, une fois placés en rang d’oignons, ils entonnent des chants bouddhistes. Et comme c’est de plus en plus souvent le cas, plusieurs tombent comme des mouches.

Ils ont le ventre vide.

On les cueille les uns après les autres, on les escorte dans une salle de classe attenante, où ils sont pris en charge rapidement. On les assoit, on leur met de l’eau au visage, sur la nuque, on les frictionne avec un onguent, on les évente avec des cahiers, on leur couche la tête sur un pupitre. Le jour de notre visite, neuf écoliers ont dû être retirés.

« Ça arrive assez souvent que des enfants perdent connaissance ou passent près de le faire. Certains arrivent de loin, en marchant, avec l’estomac vide, et c’est un problème qui va en grandissant. C’est de pis en pis. »

— Lal Batuwantudawa, directeur de l'école Gamini

L’établissement accueille environ 300 élèves de la maternelle à la 5année.

Derrière son bureau, dans une pièce qui fait également office de salle des enseignants, des caisses empilées les unes sur les autres. « Nous donnons à chaque élève une boîte de saumon et du dahl deux fois par semaine », affirme-t-il en désignant les dons venant de l’organisation humanitaire Save the Children.

Ce n’est souvent pas suffisant ; aussi l’enseignante N. H. Siriyakatha traîne-t-elle chaque jour des en-cas. Ce jour-là, elle sort de son sac deux paquets de riz au curry. Elle-même peine à joindre les deux bouts, mais ce geste lui semble naturel. « J’ai des enfants, moi aussi. S’ils étaient dans le besoin, je voudrais qu’on les aide », exprime-t-elle.

Environ 2,8 millions d’enfants, soit près d’un enfant sur deux au Sri Lanka, ont désormais besoin d’une forme d’assistance d’urgence, touchant la nutrition, les soins de santé, l’eau potable, l’éducation et les services de santé mentale, selon les données fournies par le bureau de l’UNICEF au pays.

De façon générale, l’aggravation de l’insécurité alimentaire devrait durer entre octobre 2022 et février 2023.

« On estime que 6,2 millions de personnes [28 % de la population] sont en insécurité alimentaire aiguë modérée, tandis que 66 000 personnes sont en insécurité alimentaire aiguë sévère », détaille Bismarck Swangin, chef des communications de l’UNICEF au Sri Lanka.

« On se sent abandonnés »

« On a souvent faim, mais que voulez-vous faire ? », se résigne la frêle Ramasami Rani.

Agenouillée devant le feu de bois allumé dans un minuscule bâtiment de ciment et de tôle qui sert de cuisine, elle prépare un riz au curry. Aucune protéine, seulement des petites aubergines thaïlandaises… si peu, pour une famille de sept personnes.

Dans le petit hameau au flanc des plantations de thé de Nuwara Eliya, on voit partout les visages de l’insécurité alimentaire.

« On ne mange pas assez, c’est évident. Il faut réduire la viande et les œufs. Avant, on faisait les provisions pour une semaine, un mois. Maintenant, c’est au jour le jour. »

— Therumal Kartikesh, père de quatre enfants

« On se sent abandonnés », regrette pour sa part Sebastian Rajeswaran, villageois vêtu d’un sarong, habit que portent surtout les travailleurs agricoles, majoritairement de la minorité tamoule dans cette région.

« Les politiciens se souviendront de nous quand une campagne électorale sera lancée. Ils viendront nous voir, nous faire des promesses d’aide, puis ils s’en iront pour mieux nous oublier encore une fois », poursuit-il avec une pointe de sarcasme.

Les commerçants du marché central de Nuwara Eliya – ville touristique souvent appelée « la petite Angleterre » en raison de son architecture coloniale et de son affection pour les courses de chevaux – souffrent aussi de la situation économique précaire.

« Les ventes ont diminué. Les gens achètent la viande en moins grande quantité. Ils vont acheter 500 grammes au lieu d’un kilo ou deux », se désole Abdul Hameed, au stand où il vend de la viande de chèvre et de poulet.

On redoute d’ailleurs une pénurie de poulet au Sri Lanka l’an prochain.

Même chose pour les œufs.

« Ça va aller en empirant. Les coûts d’exploitation sont devenus trop élevés, alors certains éleveurs ont vendu leurs poulets et complètement abandonné le métier », signale Razik Mohamed, au stand « Egg Center ».

Des biens inabordables

Que ce soit à la campagne ou en ville, le constat est le même.

Le 1er juin dernier, Moses Akash a ouvert une cuisine communautaire dans la capitale, Colombo. Au départ, il servait environ 150 repas par jour. Maintenant, il en offre près de 400 au quotidien.

« Les pénuries se sont un peu résorbées, mais ce n’est pas parce que c’est disponible que c’est abordable », indique-t-il.

« Un œuf coûtait 18 roupies avant, et maintenant, ça coûte 50 roupies. Pour une famille nombreuse, ça fait une grosse différence », enchaîne l’homme sur le toit du bâtiment de cinq étages qui abrite sa cuisine communautaire, où l’on s’active aux fourneaux.

Peu après 12 h 30, on ouvre les grilles. Les bénéficiaires, en majorité des hommes, entrent d’un calme olympien, prennent leur assiette, et s’assoient sur des chaises de plastique pour manger.

Si les femmes sont peu nombreuses ici, c’est parce qu’elles sont à la maison. Himashini Perera, 27 ans, est tout de même venue avec sa fille Alexia, 7 ans, au retour de l’école – la cloche de la fin des classes sonne à 13 h au Sri Lanka.

« Au déjeuner, on fait manger notre fille, mais mon mari et moi devons nous contenter d’une tasse de thé avec un biscuit, confie-t-elle d’une voix presque imperceptible. Je ne suis pas gênée de venir ici, parce que mes voisins, mes amis viennent aussi. Puisqu’eux le font, ça me semble en quelque sorte normal. »

Vétéran de la force aérienne du Sri Lanka, Anura Hewage fréquente aussi les lieux.

Sa pension de retraite ne lui permet pas de vivre adéquatement, il n’arrive pas à joindre les deux bouts.

« Ici, je sens qu’on est aimés. Je sens qu’on comprend ce que je vis », dit-il en anglais.

Désirs d’exil et rêves avortés

Ici comme ailleurs, on semble vouloir garder le moral.

Dans un bidonville de Colombo, on sourit. Les enfants jouent au cricket dans la rue.

Une mamie accueille à sa fenêtre des gamins accourant pour déguster des friandises glacées qu’elle garde dans le congélateur d’un vieil appareil bleu.

On cogne à la fenêtre de Rohini Serasinghe. Deux popsicles, 15 roupies (5 cents) pièce.

« C’est très difficile, confie sa fille, Nayana. On mange un seul repas par jour, vers 15 h, depuis environ trois mois. C’est tout ce qu’on peut se permettre. »

Elle rêve d’ailleurs, comme son mari Suresh.

Sur un mur de leur modeste demeure, des photos de leur nièce et de leur neveu. « Nous avions le projet d’avoir des enfants, mais il est sur la glace. Il n’y a aucune stabilité en ce moment. On ne peut pas se le permettre, tout simplement », lâche-t-elle.

Ce reportage a été réalisé avec le soutien financier du Fonds québécois en journalisme international.

Hausses des prix des aliments*

• 450 g de pain : 66 roupies (2021), 200 roupies (2022) = (0,25 $ CAN c. 0,75 $ CAN)

• 1 kilo de poulet : 690 roupies (2021), 1452 roupies (2022) = (2,49 $ CAN c. 5,25 $ CAN)

• 1 kilo de pommes de terre : 243 roupies (2021), 417 roupies (2022) = (0,88 $ CAN c. 1,51 $ CAN)

• 400 g de lait maternisé : 690 roupies (2021) 1850 roupies (2022) = (2,49 $ CAN c. 6,69 $ CAN)

* De novembre 2021 à novembre 2022

Source : bureau du recensement et de la statistique du Sri Lanka (prix à Colombo)

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