COVID-19

Alors que les médecins psychiatres de l’Hôpital général de Montréal sont toujours privés de leur salle d’urgence, un sondage obtenu par La Presse fait état du stress qui ronge les parents québécois de jeunes enfants en cette deuxième vague.

Hôpital général de Montréal

Les médecins psychiatres veulent récupérer leur salle d’urgence

Les médecins psychiatres de l’Hôpital général de Montréal déplorent que la salle d’urgence réservée pour leurs patients soit toujours fermée, plus de sept mois après le début de la pandémie. Les espaces ont été réquisitionnés pour soigner les patients atteints de la COVID-19. Mais ceux-ci sont peu nombreux, plaident les psychiatres, qui souhaitent récupérer leurs lieux de soins.

« Est-ce que le CUSM oserait fermer la salle de plâtre en orthopédie, des lits de dialyse ou des chambres de traitement pour la chimiothérapie […] ? Nous ne pouvons que considérer ce délestage des services d’urgence psychiatrique […] comme de la discrimination envers nos patients », écrivent les médecins psychiatres du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) dans une lettre envoyée à la direction de l’hôpital et obtenue par La Presse.

Situé dans la rue Cedar, l’Hôpital général de Montréal (HGM) fait partie du CUSM. En mars, alors que l’on craignait que les urgences de la province ne soient envahies de patients malades de la COVID-19, le CUSM a décidé d’intégrer les six civières et huit lits d’unité d’hospitalisation brève des urgences psychiatriques de l’HGM aux urgences générales. « Nous avons dû prendre des décisions difficiles pour faire face au manque d’espace de l’urgence de l’HGM en empiétant temporairement sur la zone psychiatrique », indique la porte-parole du CUSM, Annie-Claire Fournier.

Les médecins psychiatres disent avoir fait « le sacrifice temporaire » de leurs espaces. « Or, le scénario de catastrophe ne s’est jamais réalisé. L’hôpital et l’urgence n’ont pas été submergés de cas de COVID, et rien ne laisse croire que la deuxième vague sera pire que la première, au contraire. Le nombre d’hospitalisations demeure faible », écrivent les médecins psychiatres.

Ceux-ci se disent inquiets pour leurs patients. Ils estiment que faute de lieux de traitement adéquats, plusieurs sont « placés dans des endroits peu sécuritaires et pas du tout thérapeutiques », comme des salles ouvertes, sans porte, ou des salles de moniteurs.

« Quelques incidents se sont effectivement produits, mettant à risque la vie de patients et la sécurité du personnel », est-il écrit dans la lettre des psychiatres. Présidente de l’Association des médecins psychiatres du Québec, la Dre Karine Igartua, qui travaille au CUSM, raconte par exemple qu’un patient aux visées homicidaires qui avait une hache dans sa voiture a été mis dans une salle ouverte. Un lieu peu approprié pour soigner ce type de cas. « Il s’est sauvé », dit-elle.

Pas d’espace sécuritaire

Les psychiatres affirment qu’ils devaient récupérer leurs espaces à la fin de la première vague. « Or, depuis la mi-juin, il y avait en moyenne un seul patient COVID aux urgences et moins de 30 patients COVID admis dans tout le CUSM. Malgré ces chiffres, nous n’avons pas réintégré notre unité », déplorent-ils.

« Pour nous, c’est comme un manque de respect de l’espace sécuritaire dont nos patients ont besoin. En psychiatrie, les lieux physiques sont importants pour désamorcer les crises et bien soigner les patients », résume la Dre Igartua, qui ajoute que les équipes de soins sont aussi amputées.

Les psychiatres de l’Hôpital général de Montréal disent avoir récupéré six lits d’unité d’intervention brève à la mi-septembre. Mais aux urgences, « l’atmosphère est demeurée celle d’une urgence physique ». Pour eux, la réalité « est qu’il n’y a plus d’urgences psychiatriques au CUSM, et ce, depuis mars 2020 ».

« Les soins d’urgence en psychiatrie sont véritablement une surspécialité, exigeant un environnement particulier, des soins nursing différents, et une approche médicale adaptée. »

— Extrait d’une lettre de médecins psychiatres du CUSM envoyée à la direction de l’Hôpital général de Montréal

Des roulottes à la rescousse

Sandra Seto, présidente du Syndicat des professionnelles en soins infirmiers et cardiorespiratoires du CUSM, souligne que l’Hôpital général de Montréal est vieux. « Avec la COVID, on se rend compte qu’on n’a pas assez de place ici », dit-elle.

Au CUSM, on reconnaît qu’il y a « très peu de patients à l’urgence qui testent positifs à la COVID-19 ». Mais « un grand nombre de patients doivent subir un test de dépistage, une situation qui n’est pas optimale, compte tenu de l’attente nécessaire pour recevoir les résultats et du risque potentiel de contamination que cela comporte ». D’où le besoin d’espace.

Mme Fournier, du CUSM, explique qu’un « plan de correction des infrastructures de l’urgence est en cours » et qu’en février 2021, « l’installation d’une unité modulaire qui abritera sept espaces-civières supplémentaires permettra de redonner à la psychiatrie des espaces qui sont présentement partagés avec la santé physique ».

Pour la Dre Igartua, le temps presse. « Parce qu’on voit dernièrement que nos patients de psychiatrie commencent à revenir aux urgences. On est de retour à nos statistiques pré-COVID », dit-elle.

Nombre de civières d’urgence en santé mentale à Montréal

Pavillon Albert-Prévost : 13

Institut universitaire de santé mentale de Montréal : 12

Institut universitaire de santé mentale Douglas : 6

Hôpital général de Montréal : 12

Hôpital Notre-Dame : 12

Hôpital général juif : 6

Des parents plus stressés et des enfants plus anxieux, révèle un sondage

La deuxième vague de COVID-19 entraîne énormément de stress chez les parents québécois de jeunes enfants, révèle un sondage obtenu par La Presse qui doit être publié ce mardi. Plus encore que lors de la première vague, la perspective qu’un membre de la famille tombe malade ou que les garderies ferment leurs portes, ou le fait de ne pas avoir le soutien des proches, pèsent lourd. Les effets de la crise se font sentir jusque dans les comportements des tout-petits, qui sont plus nombreux à être agités et irritables. Survol.

« LES SOURCES DE STRESS S’ACCUMULENT »

D’abord, 51 % des parents d’enfants de 0 à 5 ans disent vivre un niveau de stress élevé ou très élevé à cause de la COVID-19 ; 30 % estiment que c’est pire que durant la première vague, révèle un sondage de la firme Léger réalisé pour le compte de l’Observatoire des tout-petits. « Ça nous confirme quelque chose dont on se doutait, soit que les sources de stress s’accumulent au sein des familles avec la pandémie », dit Fanny Dagenais, directrice de l’Observatoire. Elle s’inquiète notamment du fait que de nombreux parents (44 %) admettent avoir de la difficulté à garder leur calme avec leurs enfants. « Pour nous, il y a une petite lumière rouge qui s’allume. Le stress des parents peut avoir un impact sur la relation parent-enfant et sur le stress de toute la maisonnée. »

DES INQUIÉTUDES MULTIPLES

Les sources de stress sont particulièrement nombreuses dans le contexte actuel. Parmi ce qui préoccupe le plus les parents, notons, dans l’ordre :

· la menace que l’enfant ou un membre de la famille attrape la COVID-19 ;

· le fait de ne pas pouvoir voir les proches ;

· une nouvelle fermeture des écoles et des garderies ;

· les mesures de confinement exigées si l’enfant présente des symptômes de COVID-19 ;

· la conciliation travail-famille.

Un parent sur quatre s’inquiète plus qu’avant à cause de sa situation financière.

« Pour les familles plus vulnérables, il y a encore plus de stress, note Fanny Dagenais. Des gens qui n’avaient pas de hauts revenus, mais qui s’en sortaient, se retrouvent tout d’un coup dans les banques alimentaires ou n’arrivent pas à payer le loyer. Le fait d’être toujours chez soi quand on a un petit logement en mauvais état n’a pas le même impact non plus. »

DES IMPACTS CHEZ LES ENFANTS

On pourrait croire que les effets de la pandémie n’ont pas d’impact pour les enfants d’âge préscolaire, qui ont peu conscience de ce qui se passe. Leurs parents sont toutefois nombreux à constater des changements dans leur humeur et leur comportement. « Quand un parent va moins bien, ça finit par se rendre au tout-petit », note Mme Dagenais. Ainsi, 39 % des répondants disent que leurs bambins sont plus irritables qu’avant la pandémie, 34 % les trouvent plus agités et 25 % notent qu’ils pleurent plus souvent. Les parents sondés admettent aussi que la COVID-19 a des impacts directs sur leurs capacités parentales : 72 % peinent à limiter le temps d’écran et 56 % ont de la difficulté à favoriser un mode de vie actif. La bonne nouvelle ? Trois parents sur quatre se réjouissent d’avoir plus de temps à accorder à leur progéniture.

QUELLES SOLUTIONS ?

Ce qui inquiète particulièrement Fanny Dagenais, c’est qu’alors que les parents de jeunes enfants admettent d’emblée souffrir, ils ne vont pas chercher d’aide. En effet, ils sont 79 % à n’avoir utilisé aucun service ou ressource de soutien parental. « Pour moi, c’est un petit choc. Est-ce que c’est parce qu’ils ne connaissent pas les ressources ? Est-ce qu’il y a des barrières à l’accès, ou est-ce que c’est une question de norme sociale, que tout le monde se dit que c’est pour les autres ? » Alors qu’aucun relâchement dans les mesures de distanciation ne se profile, Mme Dagenais invite ceux qui en ont besoin à aller chercher de l’aide. Elle invite aussi les Québécois qui connaissent de jeunes parents à les appeler. « Prenez des nouvelles. Demandez comment ça se passe. Des fois, c’est tout ce que ça prend. »

SUR LE SONDAGE

La firme Léger a réalisé un sondage web auprès de Québécois, âgés de 18 ans et plus, parents d’enfant(s) âgés de 0 à 5 ans, entre le 29 octobre et le 2 novembre 2020. Un total de 501 répondants a rempli la totalité du questionnaire. Les données finales du sondage ont été pondérées selon l’âge et la région afin d’assurer un échantillon représentatif de la population québécoise. Aux fins de comparaison, un échantillon probabiliste de 501 répondants aurait une marge d’erreur de 4,38 %, et ce, 19 fois sur 20.

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