Une solution concrète à l’engorgement des services d’urgence

Nous nous sentons tous interpellés et préoccupés par l’engorgement spectaculaire des services d’urgence : la population s’inquiète de la sécurité des soins prodigués dans un contexte de triage poussé à l’extrême ; les professionnels de la santé risquent le surmenage dans un climat de travail qui se détériore ; et les gestionnaires et décideurs se questionnent sur des solutions durables et peinent à contenir un budget déjà imposant.

Cette problématique, qui a fait la une des nouvelles de façon récurrente au fil des années au Québec, a incité la mise en branle de plusieurs chantiers pertinents : l’amélioration du travail interdisciplinaire et l’élargissement des champs d’exercice de différents professionnels pour améliorer l’accessibilité ; un meilleur accès aux services de première ligne incluant les cliniques sans rendez-vous ; la possibilité pour chaque Québécois d’être inscrit à une équipe de soins de première ligne ; l’amélioration des soins à domicile ; etc.

Ces changements s’avèrent d’importance capitale pour notre système de santé, mais il faudra faire plus pour régler le problème de façon pérenne.

À la question criante : « Existe-t-il d’autres solutions complémentaires pour améliorer cette problématique ? », la réponse est OUI.

Nous menons actuellement un projet pilote dans deux régions du Québec, subventionné par le ministère de la Santé et des Services sociaux, pour implanter l’approche V1SAGES1, en préparation à une mise à l’échelle dans la province par la suite.

Nourrie de notre expertise professionnelle de plus de 25 ans à titre de médecin de famille et d’infirmière, et des travaux de recherche des dix dernières années de notre équipe sur l’organisation des services de santé en collaboration avec plusieurs partenaires du Québec, du Canada et de l’international, cette approche vise à améliorer la coordination des services pour les personnes ayant des besoins complexes et utilisant fréquemment les services d’urgence afin de mieux répondre à leurs besoins en amont.

Son potentiel pour désengorger les urgences a été bien démontré.

En effet, certaines personnes ont des besoins de santé complexes en raison d’une interaction synergique entre des problèmes de santé physique, de santé mentale, et une situation socio-économique précaire. Ces personnes rencontrent souvent de multiples professionnels de la santé physique et mentale (médecins de famille, infirmières, pharmaciens, spécialistes, psychologues, etc.) et des services sociaux et communautaires (travailleurs sociaux, psychoéducateurs, etc.).

À risque de recevoir des soins fragmentés et mal coordonnés, elles se retrouvent plus fréquemment à l’urgence. Nous avons mené une étude à l’échelle du Québec en 2019 qui documentait que 5 % des patients vus à l’urgence génèrent 35 % des visites totales, d’où l’importance d’agir plus efficacement auprès de cette population.

L’approche V1SAGES propose de bien identifier ces personnes pour qu’elles puissent bénéficier des services d’un gestionnaire de cas à l’hôpital travaillant en étroite collaboration avec un intervenant pivot en groupe de médecine de famille ou CLSC (infirmière ou travailleur social) pour favoriser une offre de services globale et optimale en mobilisant de façon coordonnée les différents partenaires du système de santé et de services sociaux, de même que les partenaires communautaires et intersectoriels.

Les résultats d’études démontrent une amélioration de leur expérience de soins et de leur santé, de la satisfaction des professionnels, de l’efficience du système de santé et de l’équité en santé. La crise actuelle nous confirme une fois de plus qu’il est temps de passer à l’action, tant pour soulager les urgences et un système de santé en souffrance que pour offrir de meilleurs soins aux personnes concernées.

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