La route de la relance

Relance, risque et incertitude

La tournée que je viens de réaliser dans différentes régions du Québec m’a démontré une chose : la relance économique se déploie avec une vigueur certaine et de façon à peu près égale partout sur le territoire et dans de nombreux secteurs industriels. Et ce, malgré la mise sur pause forcée du mois d’avril qui a lourdement affecté la presque totalité de l’activité économique durant plus d’un mois et demi. Si la relance est bien réelle dans l’immédiat, l’incertitude l’est cependant tout autant pour la suite des choses.

Que ce soit le tourisme dans la région des Hautes-Laurentides ou de Charlevoix, l’activité minière en Abitibi, la transformation forestière dans le Nord-du-Québec et au Lac-Saint-Jean, celle de l’aluminium au Saguenay ou l’activité manufacturière en Beauce, partout où la route de la relance m’a mené, j’ai été témoin d’une reprise manifeste de l’activité économique.

De façon générale, les entreprises québécoises qui affichaient un bulletin de santé reluisant en mars ont vitement réussi à la fin de juin à retrouver leur élan.

Évidemment, durant ma tournée, je n’ai pas rencontré de manufacturiers du secteur de l’aéronautique – fortement concentrés dans la grande région montréalaise – qui devront encore composer pour un bout de temps avec un secteur d’activité en aval en pleine déroute.

Quand tous les avions restent cloués au sol, les commandes d’appareils neufs ou de pièces de rechange deviennent subitement inexistantes et celles qui étaient inscrites dans le carnet risquent d’être annulées ou reportées aux calendes grecques.

Mis à part la station Mont-Tremblant, dont une forte proportion de l’achalandage durant l’été dépend d’activités évènementielles, je n’ai pas rencontré les dizaines d’organisateurs d’évènements culturels, sportifs ou touristiques qui ont été forcés de faire une croix sur leur programmation estivale, empêchant des dizaines de milliers de travailleurs de pratiquer leur métier.

Mais l’hôtellerie, foudroyée depuis le début de la crise, commence à émerger depuis la fin du mois de juin partout en région. Plus ma tournée avançait, plus les hôtels que j’ai fréquentés affichaient une augmentation notable de leur clientèle. Évidemment, je ne parle pas de Montréal où le désert semble de plus en plus aride à mesure que l’été avance…

Tout au long de mon périple de plus de 2500 kilomètres, j’ai été aussi frappé de constater combien le secteur de la restauration avait été dévasté par la fermeture presque complète des établissements durant trois longs mois.

Partout, que ce soit à Chibougamau, Sherbrooke, Val-d’Or ou Baie-Saint-Paul, j’ai été étonné de constater combien de restaurants n’avaient pas rouvert leurs portes malgré le déconfinement officiel qui leur permettait de le faire depuis le 15 juin. Pour une majorité de ces établissements clos, la fermeture semble définitive et vient appauvrir l’offre et le tonus des centres-villes et même des villages où ils avaient pignon sur rue.

La suite de l’après-déconfinement

L’économie québécoise récupère progressivement l’activité et la motricité qu’elle a perdues depuis son arrêt presque total, décrété dans le but d’enrayer la propagation d’un virus qu’on est toujours incapable de dompter et d’en freiner les effets dévastateurs.

Et cette incapacité d’arriver à une solution médicale qui permettrait à l’activité humaine de reprendre son cours normal – sans crainte d’être contaminé ou de contaminer les autres – pèse lourdement sur la solidité de la reprise économique qui se profile.

Tous les dirigeants d’entreprise que j’ai rencontrés au cours des deux dernières semaines, comme tous les travailleurs avec qui j’ai eu le plaisir d’échanger, ont tenu le même discours. « Les choses vont mieux, ça progresse dans la bonne direction, mais comment cette crise va-t-elle se terminer, quelles seront les séquelles à plus long terme sur mon activité, sur la vie en général ?  »

Ce questionnement hautement philosophique reste sans réponse. En Beauce, on a repris la production de poutrelles d’acier, mais est-ce qu’on va encore construire des tours de bureaux ou de condos alors que les gens semblent vouloir fuir les milieux à haute densité humaine ?

Tout le monde dit que le transport aérien va progressivement retrouver la vélocité qu’on lui connaissait, mais est-ce qu’on aura encore le goût de partir à l’étranger et de risquer de contracter une prochaine mutation du coronavirus ? Les transports en commun qui devaient normalement effacer en partie notre empreinte carbone deviendront-ils la source de la prochaine contamination ?

Sur la route du retour, lorsque j’ai quitté Lac-Mégantic pour me diriger vers Sherbrooke, j’ai longé la voie ferrée jusqu’à Nantes. C’est là que le convoi ferroviaire de 72 wagons transportant du pétrole a amorcé sa course folle pour provoquer la tragédie qui a fait 47 victimes et dont on vient de souligner le septième anniversaire.

Quand je suis arrivé à Nantes, au sommet de la côte, il y avait un convoi d’au moins une centaine de wagons qui était en dormance, sans locomotive. Ce n’était pas des wagons-citernes, mais n’empêche. L’image m’a glacé le sang.

On venait d’inaugurer le jour même L’Espace Mémoire à Lac-Mégantic et on accepte qu’un lourd convoi fantôme se retrouve dans les mêmes conditions sur le même réseau ferroviaire mal entretenu, sans voie de contournement au centre-ville de Lac-Mégantic.

Gérer le risque est une chose, vivre dans l’incertitude en est une autre. La reprise économique au Québec, c’est un peu des deux. On tente de gérer les risques, mais on vit dans l’incertitude.

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